LA RENAISSANCE

(1550-1590)

La renaissance de notre poésie au milieu du xvie siècle est due en partie à une transformation de l'humanisme; les humanistes, nous l'avons vu, se sont d'abord enquis de la pensée des Anciens; ils ont cherché, auprès des Grecs et des Latins, des faits et des idées; désormais, le goût s'éveillant, la culture antique n'étant plus réservée aux érudits, c'est l'immense supériorité artistique des Grecs et des Latins qu'on découvre; certes, Virgile, Horace, Homère, quelques tragédies grecques, étaient connus; les uns depuis toujours, les autres plus récemment; il semble qu'on ne se fût pas encore aperçu de leur suprême perfection. De même, on connaît mieux les grands poètes italiens, Pétrarque surtout; mais là aussi, ses conceptions morales cèdent le pas, dans l'admiration des lecteurs, à sa perfection formelle. On assiste aussi à l'éveil de la notion d'inspiration, selon laquelle le poète, pour composer, doit être possédé par une force quasi divine qui l'élève au-dessus de l'homme de métier et le mette en contact avec des vérités supérieures. C'est dans Platon, où l'École lyonnaise avait déjà trouvé une conception particulière de l'amour, que cette doctrine puisa sa source. La révolution poétique n'est ni aussi brusque, ni aussi totale que l'ont cru ceux qui l'ont faite. Elle a été préparée par un lent affinement du goût, par une pénétration des lettres antiques dans un nombre toujours plus grand d'esprits. Néanmoins, les jeunes révolutionnaires de 1550 englobaient leurs prédécesseurs dans un mépris qui n'avait d'égal que leur ignorance volontaire de la littérature qui les précédait.