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la religion

Publié le 02/06/2024

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« La religion Avertissement D’emblée il ne s’agit pas de faire l’inventaire ni le procès des différentes religions : il ne s’agit pas de les examiner une à une afin de voir laquelle est la plus juste ; il ne s’agit même pas de prouver rationnellement l’existence Dieu car même si ni Dieu ni aucun dieu n’existe objectivement, le phénomène religieux n’en demeure pas moins présent.

Ce qui est en jeu ici c’est le phénomène religieux en lui-même : le fait qu’il y ait une/des religion(s) et que des hommes posent et se rapportent à un principe divin, sacré… Définitions Selon l’étymologie, le terme « religion » vient du latin relegere qui signifie relire avec soin, avec scrupule, recueillir, vouer un culte… mais aussi du latin religare qui signifie lier, relier.

La religion se définit comme un ensemble de croyances et de pratiques collectives (rites, rituels, cérémonies, fêtes…) destinées à rendre un culte au sacré, et qui régissent l’ensemble de la vie collective d’une société ; ou encore comme un système de croyances et de pratiques qui, dans le respect et la vénération, relie des hommes entre eux et avec une instance non sensible et donne sens à l’existence subjective.

La religion établit donc un double lien : vertical entre les hommes et un ordre de réalité, sinon transcendant ou divin (il y a des religions sans Dieu), du moins absolu, sacré, incommensurable ; horizontal entre les hommes eux-mêmes, en leur donnant le sentiment d’appartenir à une même communauté par la pratique de croyances et de rites communs.

Elle se déploie donc dans une double dimension, à la fois subjective, intime, privée, et éthique, sociale, collective : 1) La dimension subjective : la foi est le rapport entre l’homme, pris dans sa dimension subjective, existentielle, et le divin, le sacré, l’absolu (transcendant ou non) que l’homme cherche à découvrir non d’une manière abstraite (dans le concept) mais dans une expérience vivante qui implique l’intégralité de sa personne. 2) La dimension sociale et morale : dans toutes les sociétés anciennes et traditionnelles, la religion structure l’ensemble de la vie sociale des hommes et tient lieu de politique là où l’Etat n’existe pas. La religion établit en effet un lien entre les fidèles par la médiation de prescriptions qui tirent leur légitimité d’une autorité qui représente le sacré. La diversité des religions remet-elle en question la définition de la religion ? Y a-t-il une définition qui puisse saisir l’essence du fait religieux abstraction faite de la pluralité des religions et des facteurs qui les caractérisent et les spécifient ? A quoi reconnaît-on une attitude religieuse indépendamment du contenu de la croyance ? 1 LE SACRE ET LE PROFANE Selon Mircea Eliade (1907-1986), spécialiste de l'histoire des religions, la religion « n'implique pas nécessairement une croyance en Dieu, en des dieux ou en des esprits, mais se réfère à l'expérience du sacré.

» C’est Schelling (1775-1884) qui, le premier, fait du sacré l’essence du religieux : « A l’origine, le mot religion signifie toute obligation à laquelle est attachée une certaine notion de sacralité, ou un égal sentiment d’inviolabilité ».

En effet, cette délimitation du monde en un domaine du sacré et un domaine du profane – interdépendants car l’un se définit par rapport à l’autre – semble être une opposition structurale universellement représentative du fait religieux. Le sacré du latin sacer, signifie retranché, séparé, ce qui se tient à part, à l’écart, ce qui est réservé, préservé ➢ Le sacré renferme une dimension de secret, demeure un mystère voire un scandale pour la raison. Il est incompréhensible (comprendre = prendre avec soi, assimiler au même), indiscutable car supra rationnel, transcendant. ➢ Le sacré appartient à la sphère du sérieux car il engage le salut donc l’éternité : il ne peut être pris à la légère mais suppose des précautions infinies ; en effet, dans le domaine du sacré, on ne peut faire ou dire n’importe quoi, le moindre geste, la moindre parole comptent, doivent être calculés, accomplis avec solennité et lenteur d’où les rites, rituels, cérémonies, etc. ➢ Le sacré est tabou c’est-à-dire interdit, inviolable ; sa transgression est un sacrilège et entraîne des conséquences à l’échelle cosmique : le sacrilège détruit le cosmos et produit le chaos.

Le rapport avec le sacré n’engage pas seulement l’individu (ordre du privé) mais l’humanité tout entière, voire la nature (fin du monde, « le ciel nous tombe sur la tête »), le sacré est donc ce qu’on ne peut pas relativiser et, en tant que tel, le sacré est de l’ordre de l’absolu.

D’où l’exigence, pour re-gagner les faveurs du sacré, pour rétablir l’ordre, de faire des sacrifices (l’exemple d’Œdipe est à cet effet significatif). Le sacré impose donc un respect absolu, il suscite « crainte et tremblement » selon les termes de Kierkegaard, l’effroi, la fascination, la vénération.

Il engage l’intégralité de la personne dans un rapport subjectif, singulier et passionné.

A l’inverse, le profane est le monde commun (public), familier (dépourvu de mystères), celui de la légèreté, de la liberté (l’homme a une marge de manœuvre) et du relatif ; l’enjeu y est strictement immédiat ou en tout cas temporel. FONDEMENTS ET FINALITES DE LA RELIGION Qu’est-ce qui suscite en l’homme le besoin de poser et de se rapporter à un principe sacré ? Les fondements de la religion : - La peur, voire l’effroi, notamment face à la mort : en effet, Jankélévitch (1903-1985) fait remonter la religion au besoin de conjurer la mort, « tragédie absolue de l’existence humaine », scandale de 2 - la raison et mystère irréductible à toute tentative de la banaliser soit en l’inscrivant dans un processus naturel soit en la conceptualisant.

Par ailleurs, les anthropologues considèrent que ce qui a distingué les premiers hommes c’est moins la fabrication d’outils que l’enterrement des morts : cérémonies mortuaires, funérailles, cultes rendus aux morts, etc.

distinguent les hommes des animaux et constituent les premiers rudiments de rites religieux.

La religion est donc inséparable de la finitude humaine. L’incompréhension et l’impuissance de l’homme devant un réel qui se dérobe, qui lui échappe, aussi bien à l’échelle de la nature (phénomènes naturels qu’on ne peut expliquer et/ou maîtriser) qu’à l’échelle des hommes (injustice). Les finalités de la religion - Le besoin de sens pour conjurer l’absurdité d’une existence condamnée à la mort. Le besoin de protection, de sécurité, de quiétude (se reposer, se décharger sur quelqu’un du fardeau de l’existence et de la peur de ce qui peut nous advenir, malheurs, souffrances et mort). Le besoin de justice, de salut, de délivrance et d’immortalité : dans presque toutes les religions, la mort est vue comme un passage vers un au-delà et non plus comme un terme. Toutefois, les maîtres du soupçon, Nietzsche, Marx et Freud, remettent en question l’existence et le statut même du sacré ; ils désacralisent, chacun à sa façon, le sacré : ainsi, pour Nietzsche, la religion est avide du sacrifice de la vie et la réduit à néant tandis que le véritable sacré est la vie elle-même. Pour Marx et Freud, le « sacré » est une invention humaine pour répondre à des besoins humains. LES MAITRES DU SOUPÇON 1- Nietzsche (1844-1900) : l’essence de la religion est le sacrifice de la vie « La cruauté religieuse se dispose selon une longue échelle, avec de nombreux échelons ; mais il y en a trois principaux.

Jadis on sacrifiait des êtres humains à son dieu, peut-être ceux-là mêmes que l’on aimait le plus : de là les sacrifices de premiers-nés dans toutes les religions archaïques, de là aussi le sacrifice offert par l’empereur Tibère dans la grotte de Mithra, à Capri, le plus odieux anachronisme de toute l’histoire romaine11.

Plus tard, à l’ère morale de l’humanité, on offrit à son dieu ses instincts les plus puissants, sa « nature » ; c’est la joie de fête-là qui brille dans le regard cruel de l’ascète, de l’ennemi enthousiaste de la nature.

Que restait-il à sacrifier ? Ne fallait-il pas enfin immoler tout ce qui est consolateur, saint, salvateur, toute espérance, toute foi en une harmonie cachée, en une béatitude et une justice futures ? Ne fallait-il pas sacrifier Dieu lui-même, par cruauté envers soi, adorer la pierre, la bêtise, la pesanteur, le destin, le néant ? Sacrifier Dieu au néant, ce mystère paradoxal de la suprême cruauté, était réservé à la génération qui grandit maintenant : nous en savons tous déjà quelque chose.

» Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal (1886), § 55, trad.

C. Heim © Gallimard (1971), pp.

70-71 1 Il semble anachronique à Nietzsche que le culte de Mithra, dieu indo-iranien garant des traités, soit pratiqué par Tibère, empereur romain (de 14 à 37). 3 Le terme cruauté dérive du latin crueo, « être sanglant », d’où crudus « saignant, cru, incuit ».

Il désigne le « penchant à infliger des souffrances et la mort » et appartient au registre de la violence. Mais n’est-il pas paradoxal de parler d’une cruauté religieuse ? Nietzsche répond que.... »

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