La recherche de la vérité dans les sciences humaines, dissertation
Publié le 01/04/2024
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Colle rédigée : «La recherche de la vérité dans les sciences humaines »
Introduction
Dans le roman de Laurence Sterne intitulé Vie et opinions de Tristram Shandy,
gentilhomme, l’auteur rêve d’une «vitre placée devant le cœur humain » où il suffirait pour
le savant désirant «connaître l’homme dans toute sa vérité » d’aller «s’asseoir devant lui
comme devant une ruche vitrée afin de contempler son âme à nu » et de coucher ensuite le
papier ce qu’il a vu.
Nous voyons ici esquissé, le rêve d’un accès à la vérité de l’homme «tel qu’il est », c’est – à
– dire d’une vérité conforme à la définition de la philosophie scolastique donnée par Saint
Thomas d’Aquin qui correspond à l’adéquation de l’esprit avec la chose même (adaequatio
rei et intellectus), le vrai étant ici un «en soi ».
Or, pour les sciences humaines, pouvant être minimalement définies comme l’ensemble des
disciplines ayant pour objet l’homme et ses comportements individuels et collectifs, passés
et présents, nous voyons d’emblée que le projet utopique d’un Laurence Sterne rêvant d’un
accès immédiat à la vérité de l’homme s’avère d’emblée irréalisable, l’homme n’étant
nullement un donné brut, un «en soi » qui s’offrirait directement à la parfaite saisie d’une
conscience.
Effectivement, comme le révèle déjà notre précédente définition, les sciences
humaines ont d’emblée affaire à un objet, «l’objet homme », objet n’existant que dans sa
relation à une conscience qui le pose comme tel et relevant par conséquent d’une
construction.
Dès lors, toute recherche de la vérité pour l’historien, le sociologue ou encore
l’anthropologue sera à entendre, non pas au sens d’un désir de conformité de l’esprit à la
chose elle – même (définition scolastique) mais comme volonté de parvenir à une
conformité de l’esprit à son objet, objet devant être en fonction de la discipline éclairé sous
un certain angle.
La vérité apparaît alors comme ce qui s’oppose fermement à l’erroné, à
l’illusoire ou encore à l’imaginaire, l’esprit du chercheur devant parvenir à être en
conformité avec l’«objet homme » qu’il a préalablement défini.
Se pose ainsi d’emblée, dans la mesure où la vérité de l’homme n’est jamais livrée
directement comme le rêvait Laurence Sterne, la question de la méthode à adopter pour les
sciences humaines ayant pour principal telos de parvenir à cette conformité de la pensée
avec son objet.
Si, comme le dit Descartes dans sa quatrième règle pour la direction de
l’esprit, il est «bien préférable de ne jamais chercher la vérité sur aucune chose, plutôt que
de le faire sans méthode », il convient par conséquent de s’interroger sur la nature du
protocole devant être adopté par les sciences humaines pour parvenir à la parfaite saisie de
l’objet homme.
D’un côté, l’historien, l’économiste ou encore le psychologue peuvent prendre pour appui la
méthode relevant classiquement des sciences dites «dures » (=sciences formelles et sciences
de la nature), méthode guidant la recherche de la vérité selon quatre points centraux qu’il
convient dès à présent de présenter.
La recherche de la vérité, dans ces sciences suppose tout
d’abord de viser une rationalité du raisonnement avec une cohérence interne de la pensée,
le principe de non – contradiction étant à titre d’exemple ce vers quoi doit tendre le
chercheur.
Cette recherche de la vérité suppose d’inclure en son sein, un stade de
vérification, stade visant à vérifier que les éléments théoriques que l’on utilise (modèles,
hypothèses) rendent bien compte d’une forme de réalité empirique objectivable ; cela
supposerait par exemple en psychologie qu’un test censé évaluer l’intelligence d’un sujet
soit bien capable de mesurer les dimensions impliquées dans la définition de l’intelligence
que l’on se donne.
Troisièmement, recourir à une telle méthode héritée des «sciences dures » dans la recherche
de la vérité impliquerait pour les sciences humaines que la démarche de vérification donne
les mêmes résultats quelque soit l’observateur, la vérité visée étant ici universelle (si nous
reprenons le cas de la psychologie, les thérapeutes devraient par exemple pouvoir parvenir à
tous donner la même signification à un matériel onirique, quelque soit l’école à laquelle ils
appartiennent).
Enfin, cette vérité recherchée devrait, si les sciences humaines se calquent
sur la méthode héritée des sciences dures, viser un caractère prédictif, la vérité devant
permettre alors de prévoir les attitudes ou comportements découlant d’une hypothèse.
Néanmoins, se pose ici la question de l’applicabilité d’une telle méthode à l’«objet
homme », «objet complexe et venant articuler plusieurs sous – systèmes jouissant chacun
d’une autonomie relative, de logiques et de problématiques spécifiques » pour reprendre les
dires de Max Pagès dans son œuvre Psychothérapie et complexité.
En effet, l’idéal d’une
recherche d’une vérité absolue et universelle en sciences humaines semble être mis à mal
dès que nous prenons en compte la particularité de l’«objet homme », objet ne pouvant être
éclairé que sous un unique aspect en fonction de la discipline considérée.
Cette universalité
de la vérité semble par ailleurs être remise en question dès que nous réalisons que l’objet
des sciences humaines n’est pas extérieur à l’homme mais se confond avec lui.
La recherche
de la vérité, pour le sociologue ou encore l’historien, semble dès lors devoir composer avec
la prise en compte d’un ensemble d’expériences subjectives et intersubjectives, expériences
venant par conséquent ébranler l’idéal d’une quête désintéressée du vrai.
En effet, le
sociologue qui souhaiterait par exemple rechercher la vérité de manière neutre, impartiale,
voit son idéal remis en cause à partir du moment où il doit composer à la fois avec la part de
subjectivité inhérente à tout témoignage et avec sa propre perception, perception n’étant
jamais un acte neutre mais saisissant «un sens immanent au sensible avant tout jugement »
pour reprendre Merleau – Ponty dans l’introduction de la Phénoménologie de la perception.
Il semble en effet d’emblée difficile pour le psychothérapeute, l’historien ou le sociologue
de parvenir à être ce simple réceptacle de l’expression de la personne observé, sans que rien
de lui – même n’intervienne.
Dès lors, l’idéal de la recherche d’une vérité en troisième personne, visant l’atemporel et
l’universel, semble être difficilement atteignable pour les sciences humaines, sciences où
l’homme étudiant l’homme ne peut parvenir à se positionner de manière ubiquitaire en tout
point de l’histoire.
Néanmoins, le danger, en considérant la spécificité de l’objet des sciences humaines, est ici
de tomber dans le dangereux écueil d’un relativisme absolu où toute théorie ne deviendrait
qu’un «fragment soigneusement préparé de quelque autobiographie » pour reprendre les
dires de Paul Valéry dans Propos me concernant.
Effectivement, en considérant que «tout
est affaire de point de vue, d’interprétation », tentant serait ici pour les sciences humaines de
renoncer à toute quête de vérité, l’homme n’ayant de toutes façons plus l’action d’un Dieu
permettant de garantir les vérités éternelles comme le pensait Descartes dans sa lettre à
Mersenne du 27 mai 1630 et devenant semblable à l’historien de Nietzsche à l’aphorisme
307 d’Aurore, historien qui «raconte des choses qui n’ont jamais existé, si ce n’est dans sa
représentation ».
Problématique : Par conséquent, nous serons amenés à nous demander si la recherche de la
vérité dans les sciences humaines doit être pensée, afin de ne pas tomber dans un relativisme
absolu où tout serait affaire d’interprétation, en conformité avec une méthode tout droit
héritée des sciences dites «dures », méthode ayant pour idéaux la pure objectivité et
l’universalité ou si ce n’est pas là occulter ce qui fait justement la spécificité de la vérité
recherchée par les sciences de l’homme.
Plan :
I-Nous serons amenés dans un premier temps à montrer que les sciences humaines doivent
dans leur recherche de vérité se calquer au mieux sur une méthode tout droit héritée des
sciences de la nature, méthode devant permettre grâce l’éviction de toute marque de
subjectivité tant pour l’observateur que l’observé, de parvenir à ériger des modèles fondés
sur des lois et garantissant ainsi une vérité universelle
II-Néanmoins, après avoir souligné qu’une telle conception tend à occulter la spécificité des
sciences humaines, sciences n’ayant pas pour unique telos de produire des résultats
objectivables et mesurables, il s’agira dans un second temps de montrer que la recherche de
la vérité dans ces sciences ne peut faire l’économie d’une méthode prenant en compte
l’expérience interne de l’observateur, observateur ne devant toutefois pas tomber dans
l’écueil d’un relativisme qui illustrerait l’affirmation nietzschéenne «il n’y a pas de faits,
seulement des interprétations »
III-Après avoir montré les limites pour les sciences humaines d’une recherche de la vérité se
fondant uniquement sur une méthode, il s’agira dans un dernier moment de montrer
comment ces sciences, en prenant pour modèle le jeu présent dans l’art, peuvent renouer
dans leurs recherches avec une «expérience de la vérité à laquelle il importe de participer »
(expression que nous empruntons ici à Gadamer)
I-Le premier temps de notre réflexion vise à montrer que les sciences humaines, afin
d’asseoir leur légitimité et de ne pas être taxées d’un subjectivisme radical, doivent dans
leur recherche de la vérité se calquer sur une méthode héritée des sciences dites dures
(sciences formelles et sciences de la....
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