La Princesse de Clèves , lecture analytique n° 3 : dernière entrevue de la Princesse et de Nemours
Publié le 22/06/2021
Extrait du document
«
La Princesse de Clèves , lecture analytique n° 3 : dernière entrevue de la Princesse et de
Nemours
Situer le passage dans le contexte du roman : après la mort de son mari, la princesse a éprouvé
une très forte culpabilité et vit retirée du monde.
Pour se rapprocher de la princesse sans qu’elle le
sache, le duc de Nemours a loué un petit appartement attenant à l’atelier d’un tapissier dont Mme de
Clèves est cliente.
Il y vient pour dessiner.
Un jour, elle l’aperçoit dans un jardin voisin et sa passion
pour lui se rallume.
À la demande du duc de Nemours, son ami et cousin de la princesse le vidame
de Chartres organise une visite surprise à la princesse.
Extrait = fin d’une longue conversation, qui est à la fois la première et la dernière vraie
conversation libre de tout le roman.
Dans le début de la conversation, Mme de Clèves a 1) t iré au
clair un événement resté mystérieux pour elle (comment N.
a pu savoir qu’elle a avoué à son mari
qu’elle en aimait un autre) ; elle a 2) dit à N.
qu’elle l’aime, de manière assez indirecte, mais
explicite – et pour la première fois ; et 3) elle l’a rendu responsable de la mort du prince de Cl.
Lecture
Enjeu de l’extrait / projet de lecture : montrer que ce passage est une justification argumentée de la
décision surprenante de refuser d’épouser le duc de Nemours.
- Structure de l’extrait tel qu’il est découpé : en fait une longue réplique de la princesse à peine
interrompue par la courte réplique du duc.
Texte argumentatif, dans lequel elle expose ses raisons ;
c’est donc surtout elle qui parle (elle a demandé au duc de ne pas l’interrompre)..
Première (longue) réplique de Mme de Clèves : d’abord un pacte de sincérité ; p.
de Cl.
rappelle
que cette conversation est la première ; demande à ne pas être interrompue : veut garder le contrôle
sur l’exposé de ses motifs.
- « Je crois devoir à votre attachement… » : elle présente sa sincérité comme un « devoir » moral,
une chose qu’elle doit à l’amour que lui porte N.
Elle souligne ce que cette sincérité a
d’exceptionnel : « …la seule fois de ma vie » ; contraire à toutes les stratégies de fuite qui ont été
les siennes jusque-là dans sa relation avec N.
Mais conforme à son caractère : sincère avec son mari
- « …néanmoins » : elle expose la raison de son refus : la peur que N.
cesse de l’aimer, que l’amour
finisse.
Perspective présentée comme une « certitude » : anticipation, pari sur l’avenir, présente la
fin de l’amour comme une certitude.
C’est aussi un « si horrible malheur ».
Anticipation pessimiste
et surprenante si on la confronte à l’état présent de leurs sentiments à tous les deux.
- « Je sais que vous êtes libre… » : elle envisage les contre-arguments (les arguments qui plaident
en faveur d’un mariage d’amour) : le mariage est légalement possible (ils sont libres tous les deux)
et socialement acceptable (« le public… »).
Elle rappelle au passage la solennité du mariage :
« nous nous engagerions ensemble pour jamais », « ces engagements éternels ».
- mais elle réfute ces arguments : « … mais les hommes conservent-ils de la passion dans ces
engagements éternels ? » Répète l’argument qu’elle a déjà formulé une fois : elle anticipe que N.
cessera de l’aimer.
Observer la généralisation – potentiellement insultante pour N.
: le pluriel « les
hommes ».
- série de trois questions – rhétoriques, la réponse implicite est négative : ces questions détaillent les
raisons de son refus : 1) les hommes sont tous infidèles et N.
ne fera pas exception ; 2) elle sera
abandonnée (on cessera de l’aimer) comme les autres (= elle ne supporte pas l’idée de rejoindre le
lot commun des femmes abandonnées après une galanterie) ; 3) elle anticipe la souffrance que la fin
de l’amour de N.
représentera pour elle.
La justification contenue dans la 3 ème
question : la plus
paradoxale : elle reconnaît qu’elle « ferait toute [s]a félicité » de la passion du duc pour elle.
Vieux thème précieux , qui lui-même vient de la tradition de l’amour courtois au moyen âge : la
contradiction entre l’amour et le mariage, le mariage tue l’amour ; il vaut mieux ne pas consommer.
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