La poésie racinienne dans MITHRIDATE
Publié le 09/12/2021
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Il n'existe pas de grandes tragédies sans poésie : c'est pourquoi VOLTAIRE, assez doué pour la construction dramatique, mais dépourvu de tout génie poétique, n'est pas un grand tragique. RACINE, lui, fut à la fois un génie dramatique et un génie poétique. Toute grande tragédie constitue un poème de l'échec et de la souffrance humaine. Ce lyrisme tragique, toujours présent dans les grandes oeuvres de RACINE, n'est pourtant pas le seul aspect poétique de Mithridate. En effet, après s'être confinée dans l'atmosphère étouffante d'un sérail, la tragédie racinienne s'ouvre : au loin blanchit vaguement la mer couleur de violette, et les héros paraissent sur la scène tout pleins de leurs exploits, prêts à repartir pour les combats. La pièce a une tonalité héroïque et chevaleresque. Le spectateur est d'abord sensible à la poésie de la mer, et à celle de ces héros d'épopée, plus extérieures.
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Introduction
Il n'existe pas de grandes tragédies sans poésie : c'est pourquoi VOLTAIRE, assez doué pour la constructiondramatique, mais dépourvu de tout génie poétique, n'est pas un grand tragique.
RACINE, lui, fut à la fois un géniedramatique et un génie poétique.Toute grande tragédie constitue un poème de l'échec et de la souffrance humaine.
Ce lyrisme tragique, toujoursprésent dans les grandes oeuvres de RACINE, n'est pourtant pas le seul aspect poétique de Mithridate.
En effet,après s'être confinée dans l'atmosphère étouffante d'un sérail, la tragédie racinienne s'ouvre : au loin blanchitvaguement la mer couleur de violette, et les héros paraissent sur la scène tout pleins de leurs exploits, prêts àrepartir pour les combats.
La pièce a une tonalité héroïque et chevaleresque.
Le spectateur est d'abord sensible à lapoésie de la mer, et à celle de ces héros d'épopée, plus extérieures.
I.
La poésie de la mer
Pour les spectateurs qui avaient vu Bajazet, la surprise dut, en effet, être grande; le vizir avait dit que la merbaignait le palais :Et jusqu'au pied des murs que la mer vient laver, mais sans lui nous n'en aurions rien su.
1.
Cadre grandiose.
Dans Mithridate, la mer est là, elle est toujours présente, cadre grandiose.
Le royaume deMithridate est fait de côtes et de mers (dont Racine se plaît à évoquer le mouvement par le rythme des vers) :L'Euxin depuis ce temps fut libre et l'est encore Et des rives du Pont aux rives du BosphoreTout reconnut mon père.
Et ses heureux vaisseaux N'eurent plus d'ennemis que les vents et les eaux.
Toute la puissance du roi est dans sa flotte.
Le poète en suggère l'importance par la mise en relief de certains mots:
Princes, toute la mer est de vaisseaux couverte.
En face des lourdes légions romaines, Mithridate semble un aigle; on l'imagine debout à l'avant du navire amiral,scrutant les flots lointains, majestueux et dominateur, prêt à la bataille comme Octave (le futur Auguste) à Actium.Il est presque toujours sur mer :
Sortant de mes vaisseaux il faut que j'y remonte.
Il sait que la mer sera pour lui un refuge sûr, il la connaît : qui l'y atteindrait, lui que protègent les orages?
Errant de mers en mers, et moins roi que pirate,
il est invincible : c'est sur terre que les Romains l'ont vaincu et le vaincront.
Chez ces peuples marins, la mer est lacompagne de toujours : le roi parle de son grand naufrage pour désigner ses malheurs; père et fils sentent l'appel du large et tous trois invitent Monime au voyage; Pharnace lui-même, le traître, devient lyrique quand il parle de lamer à la jeune femme :
Prêts à vous recevoir mes vaisseaux vous attendent......
Souveraine des mers qui vous doivent porter
(ce vers évoque merveilleusement le navire soulevé par le flot).
Mithridate, lui aussi, est lyrique et voit déjà saflotte, fuyant au loin, au jour levant (les rimes ne suggèrent-elles pas la fraîche clarté?) :
Demain, sans différer, je prétends que l'auroreDécouvre mes vaisseaux déjà loin du Bosphore.
2.
Mer et destin.
Hélas ! la mer ne parle pas seulement à l'homme de grandeur et d'évasion.
Elle rappelle à Monime les adieux à ses parents, à l'Ionie; on imagine souvent la pure jeune fille pensive, comme la Sabinula d'HEREDIA,plongée dans la contemplation infinie de l'horizon, pleurant sur son exil.
La mer est fatalité pour tous : elle amène Mithridate (fatum pour Pharnace, Xipharès et Monime); elle amène lesRomains (fatum pour Mithridate).
Alors que tous ces malheureux s'agitent, se croyant maîtres de leur destinée, leslourds navires approchent.
Transition : Attirante et inquiétante pour tous les personnages, la mer est à la mesure du géant qui domine la pièce, Mithridate.
II.
La poésie épique
Dans un tel cadre, en effet, il ne manque qu'un héros pour que naisse l'épopée.
Le premier acte montre deuxhommes ordinaires luttant pour une femme; tous deux sont assez pâles : l'un incarne le bien, l'autre le mal.
Mais onsent planer une ombre dans ce palais aux statues colossales, trop grand pour un Xipharès ou un Pharnace.
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