La poésie française
Publié le 09/12/2021
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Sous l'occupation, de 1940 à 1944, puis dans les premiers temps qui suivirent la Libération, la poésie en France connut un succès particulier, soit qu'elle parut alors un certain chant de révolte ou d'espoir, une possibilité de communion et d'exaltation pour un peuple enchaîné, la seule voix lumineuse dans le silence et les ténèbres, soit qu'après la mortelle menace, les longues années où l'homme avait été livré aux monstres, elle incarnât la renaissance même de ce que la liberté révélait de plus essentiel et de plus précieux dans l'homme. En ce début d'un monde nouveau qu'on croyait nouveau était le Verbe. Dans les années 60, la poésie a retrouvé l'ombre où, depuis Baudelaire en France, elle luit secrètement. Tiennent alors la vedette roman, peinture et cinéma, ou même la critique : " Nouveau roman " et son " école du regard ", " Nouvelle critique ", " Nouvelle vague " du cinéma, " peinture tachiste ", " gestuelle ", " informelle ", etc. Et le " Nouveau Théâtre " que j'allais oublier ! Pendant ce temps, la poésie continue d'éclore sans bruit, sans manifestes (ceux des " lettristes " remontent eux aussi aux années où l'élan social qui avait porté la poésie au premier plan touchait à sa fin). Qu'on n'aille pourtant pas s'y tromper : pour vivre ainsi dans l'ombre, la poésie française n'en garde pas moins toute sa richesse et toute sa pureté. Lorsque les modes auront passé, dans le roman, la peinture et le cinéma, en apercevra alors le véritable et merveilleux éclat celui qui vient de la lumière interne et non des projecteurs d'oeuvres de poètes pour l'instant admirés et aimés d'un petit nombre de lecteurs seulement.
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La poésie française
Sous l'occupation, de 1940 à 1944, puis dans les premiers temps qui suivirent la Libération, la poésie en Franceconnut un succès particulier, soit qu'elle parut alors un certain chant de révolte ou d'espoir, une possibilité decommunion et d'exaltation pour un peuple enchaîné, la seule voix lumineuse dans le silence et les ténèbres, soitqu'après la mortelle menace, les longues années où l'homme avait été livré aux monstres, elle incarnât larenaissance même de ce que la liberté révélait de plus essentiel et de plus précieux dans l'homme.
En ce début d'unmonde nouveau qu'on croyait nouveau était le Verbe.
Dans les années 60, la poésie a retrouvé l'ombre où, depuis Baudelaire en France, elle luit secrètement.
Tiennentalors la vedette roman, peinture et cinéma, ou même la critique : " Nouveau roman " et son " école du regard ", "Nouvelle critique ", " Nouvelle vague " du cinéma, " peinture tachiste ", " gestuelle ", " informelle ", etc.
Et le "Nouveau Théâtre " que j'allais oublier !
Pendant ce temps, la poésie continue d'éclore sans bruit, sans manifestes (ceux des " lettristes " remontent euxaussi aux années où l'élan social qui avait porté la poésie au premier plan touchait à sa fin).
Qu'on n'aille pourtantpas s'y tromper : pour vivre ainsi dans l'ombre, la poésie française n'en garde pas moins toute sa richesse et toutesa pureté.
Lorsque les modes auront passé, dans le roman, la peinture et le cinéma, en apercevra alors le véritableet merveilleux éclat celui qui vient de la lumière interne et non des projecteurs d'oeuvres de poètes pour l'instantadmirés et aimés d'un petit nombre de lecteurs seulement.
Après la Libération, la poésie française issue de la Résistance semble grouper dans une même volonté lyriqueplusieurs générations : celle des anciens surréalistes comme Aragon, Eluard, Tzara ; celle de leurs compagnons deRésistance comme Audisio ou Jean Cassou ; celle des poètes nés avec la guerre de 1914-1918 et qui se sont faitconnaître aux abords et pendant la nouvelle guerre, comme Pierre Emmanuel, Jean Cayrol ou Loys Masson.Curieusement, ces générations, soudain alliées par une même réaction morale et poétique devant la catastrophe,semblent rallier à elles l'oeuvre des poètes plus anciens comme Supervielle ou Jouve, ou celle des poètes de lagénération intermédiaire comme Tardieu, Follain ou Guillevic.
C'est le temps des revues où la poésie est souveraine :Poésie 45 de Pierre Seghers, Fontaine de Max-Pol Fouchet, L'Arche de Jean Amrouche.
Ces revues animées par despoètes qui, pour la plupart, appartiennent à la génération née avec la guerre de 1914, assurent l'union desgénérations poétiques affirmées dans et par l'épreuve.
La paix va vite apporter ses divisions, sa liberté aussi.
On va écouter avec déférence la voix solennelle, lointaine etquasi parnassienne de Saint-John Perse ; on va découvrir ou redécouvrir avec un jeune enthousiasme l'hermétismechaleureux de René Char qui fait de la poésie une lumière d'une pureté incomparable ; on va enfin suivre avec uneattentive patience la précieuse élaboration des proses et des poèmes de Francis Ponge.
Bref, la poésie française,tout en demeurant fidèle aux conquêtes baudelairiennes et rimbaldiennes de l'alchimie du verbe, va connaître uneriche diversité.
Toujours du côté des surréalistes, le retour de Breton et de Benjamin Péret va s'accompagner d'unecontestation (souvent injuste et significative de la réaction d'émigrés qui n'ont pas connu, qui n'ont pas affronté lalongue horreur du régime nazi) d'une contestation donc de " l'honneur des poètes ", pour reprendre un titre desannées noires.
Autres " surréalistes ", ou du moins ex : Raymond Queneau et Prévert connurent alors une grandevogue, le premier grâce à l'éclosion des cabarets et des caves de la Rive Gauche, où se disent ou se chantent sespoèmes ce qui, paradoxalement, fait méconnaître l'admirable ampleur du registre poétique de l'auteur des Ziaux, touten répandant son nom le second par l'immense public jeune et quasi populaire qui s'empare de ses " Paroles " commejadis le peuple des dimanches s'emparait des refrains d'amour ou des complaintes.
Enfin, lui aussi ancien compagnondu groupe d'André Breton, Antonin Artaud réapparaît, sorti des hôpitaux psychiatriques ; ce génie tragique est bienà la mesure de l'époque des camps de la mort, de cette danse macabre qui s'achève à peine, où l'homme s'est livréou a été livré à ses pires démons.
Pour clore ce rappel des " échos " du surréalisme dans la poésie française auxalentours de 1945, signalons d'une part la révélation, pendant la guerre, de l'oeuvre étrange de Joë Bousquet,L'Emmuré de Carcassonne, le héros mutilé qui vit reclus en poésie ; d'autre part les manifestes et manifestationslettristes qui, sous l'égide d'Isidore Isou, semblent renouer avec une tradition de l'antitradition inaugurée jadis par lemouvement dada.
Toute cette effervescence de l'activité poétique va cependant assez rapidement s'estomper, du moins dans sonaspect social, cependant que chaque oeuvre majeure va s'approfondir dans la solitude que retrouvent les poètesmaintenant que les liens d'une action commune sont rompus, que la poésie est rendue à sa vocation d'aventureunique d'un destin et d'un esprit, et qu'enfin les centres amicaux que constituaient les revues déjà citéesdisparaissent l'un après l'autre avec leurs publications respectives.
Autre signe de ces temps de transition, on vaassister à un " désengagement " progressif, d'abord chez les poètes de la génération dont les premiers chantsavaient coïncidé avec la guerre, et qui ont été, peu ou prou, repoussés dans l'ombre par la recherche d'un absolu dulangage dont témoignent alors, selon des voies diverses, les livres de Perse, de Char, de Ponge et de Michaux.Maints poètes de " l'an 40 " se trouveront d'ailleurs longtemps désorientés par ce brusque et fatal changement decap.
On verra le " désengagement " de l'inspiration s'étendre ensuite aux poètes militants : de Tzara, dont la poésien'a cessé d'aller vers une langue toujours plus dense et grave qui tend à la transparence, à Paul Eluard, et à LouisAragon qui chantera avec le charme et la musicalité qu'on sait les magies du souvenir et de l'amour.
Parmi cette floraison d'oeuvres souvent émouvantes, primordiales ou belles, mais closes chacune dans son propreisolement, on peut cependant distinguer d'une part celles de deux maîtres incontestables de la jeune poésie : René.
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