La poésie est une imitation et une peinture. Cette définition de Fénelon vous suffit-elle ?
Publié le 19/12/2021
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«
• La poésie est une imitation et une peinture.
Cette définition de Fénelon vous
suffit-elle ?
Dans la Lettre à L'Académie, Fénelon fait à plusieurs reprises le procès de nos plus
grands poètes.
Il les trouve trop spirituels ou trop emphatiques.
En définissant la poésie
« une imitation et une peinture, » c'est une leçon de simplicité et de vérité qu'il veut
donner.
I.
Comme la peinture, la poésie doit visera la ressemblance.
1.
Elle doit être vraie dans la peinture des objets et des personnages, des scènes de la
nature et de l'histoire, des sentiments et des passions.
« Peindre, c'est non seulement
décrire les choses, mais en représenter les circonstances d'une manière si vive et si
sensible, que l'auditeur s'imagine presque les voir.
» Et tous les exemples qu'il donne
pour illustrer sa pensée montrent que, pour lui, «la perfection de l'art consiste à imiter si
naïvement la simple nature qu'on le prenne pour elle...
».
On croit être dans les lieux
qu'Homère dépeint, y voir et y entendre les hommes.
2.
Il faut joindre la passion à la vérité.
Le poète nous fera pleurer avec lui.
Ainsi « Virgile
anime et passionne tout.
Dans ses vers, tout a du sentiment, tout vous en donne; les
arbres mêmes vous touchent.
»
3.
Pour produire cette illusion et cette émotion, il faut que l'art se cache et que l'auteur
se fasse oublier.
Le bel esprit, l'emphase, l'effort, tout ce qui trahit l'auteur va contre le
but de l'art.
Fénelon recommande le naturel et le désintéressement aux poètes comme
aux orateurs.
(Cf.
Comparaison entre Démosthène et Cicéron.)
II.
Cette définition est-elle suffisante ?
1.
Les principes et les conseils de Fénelon sont excellents.
Boileau, La Fontaine et Molière
ne les auraient pas désavoués.
Mais on peut noter :
a) Que dans sa réaction contre le bel esprit, Fénelon exagère un peu les mérites de la
facilité.
Il semble ne goûter chez les poètes que les scènes champêtres ou touchantes.
«
Je demande un poète aimable, proportionné au commun des hommes....
Je veux un
sublime si familier, si doux et si simple, etc.
» L'idylle n'est pas toute la poésie.
b) Et que ce qui nous intéresse dans une poésie comme dans un tableau, c'est moins la
fidélité de la copie, si on peut ainsi parler, que la qualité de la vision et de l'émotion.
L'art, comme dit Bacon, c'est l'homme ajouté à la nature.
2.
Autant qu' « imitation et peinture » la poésie est « évocation et musique.
» Cet aspect
a été mis en lumière par Verlaine et les Symbolistes, mais ce n'était pas absolument
nouveau.
L'harmonie a toujours été considérée comme un des éléments essentiels du vers.
Tels
vers prestigieux de Racine doivent leur puissance de suggestion à leur harmonie
musicale, autant qu'au sens des mots et à la qualité des images.
Souveraine des mers qui la doive porter...
Et moi, qui l'amenai triomphante, adorée,
Je m'en retournerai, seule et désespérée...
3.
Enfin beaucoup de poètes modernes n'accepteraient pas la définition de Fénelon.
Sans
parler de Baudelaire, qui cherchait de parti pris le rare, l'étonnant, l'artificiel, ni de
Mallarmé qui cultivait l'obscurité, ni Paul Valéry, ni Claudel ne voudraient, sans doute,
réduire la poésie et l'art à l'imitation de la simple nature.
Leur objet est précisément pour
eux de nous introduire dans un monde différent du réel, et surtout du matériel : le rêve,
l'idée, l'âme, l'infini, et cela par des moyens qui n'auraient certainement pas été du goût.
»
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