LA PATRIE
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
120 MORALE - C. M.
LA PATRIE
1. Lecture - La dernière classe.
(L'histoiresepasse enAlsace, aprèslaguerre de 1870-1871.)
Cematin-là, j'étaisenretard pour aller àl'école, etj'avais grand-peur
d'être grondé, d'autantque M.Hamelnous avait dit qu'il nous interrogerait
sur lesparticipes, et je n'en savais pas le premiermot... J'entrai tout essouf
flé,j'enjambai le banc, et je m'assis tout de suite à mon pupitre.Alors, seu
lement, un peu remis de ma frayeur, je remarquaiquenotre maître avait sa
belle redingote verte...
Du reste, toute la classe avait quelquechosed'extraor
dinaire et de solennel.
Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond
de la salle, sur lesbancs quirestaient videsd'habitude, les gens du village
assis et silencieux comme nous...
Pendant que jem'étonnais de tout cela,M. Hamel était monté dansla
chaire et,d'une voix douce et grave, il nous dit : « Mes enfants,c'est la der
nièrefois que je vous fais la classe. L'ordre est venu de Berlinde ne plus
enseigner
que l'allemand dansles écoles de l'Alsaceet de la Lorraine... Le
nouveaumaîtrearrivedemain.
Aujourd'hui, c'estvotre dernière leçonde fran
çais.
Je vous prie d'être bienattentifs.
» Cesparoles mebouleversèrent.
Ma dernière leçon de français ! Et moi qui savais à peine écrire! Je
n'apprendrais doncjamais ! Ilfaudrait donc en resterlà !C'est comme
M.
Hamel.
L'idéequ'ilfallait partir,que je ne le verraisplus, me faisait
oublier les punitions...
Pauvre homme ! C'est en l'honneurde cette dernière
classequ'ilavait mis ses beauxhabits du dimanche ; et, maintenant,je com
prenais pourquoi ces vieux du village étaientvenuss'asseoir aubout de la
salle.
C'était, aussi,comme unefaçon deremercier notremaître de ses qua
ranteans de bons services, et de rendreleurs devoirs à la patriequis'en allait.
J'en étais là dans mesréflexions quand j'entendis appeler mon nom.
C'était mon tour deréciter. Que n'aurais-je pasdonné pour pouvoir diretout
au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute !
Mais je m'embrouillai aux premiers mots, et je restai deboutà mebalancer
dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête.
J'entendaisM.
Hamel
qui meparlait: « Je ne te gronderai pas, mon petit Frantz; tu dois être assez
puni.Voilà ce que c'est. Tous lesjours on se dit : « Bah !j'ai bienletemps ;
«j'apprendrai demain.
» Et puis, tu vois ce qui arrive...
Maintenant, ces gens-
làsont endroit de nous dire : « Comment! vousprétendiez êtreFrançais, et
« vous ne savez ni parlerni écrire votre langue ! »
On passa à l'écriture.
Pour ce jour-là, M.
Hamel nous avait préparé des
exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle ronde : France,Alsace,
France, Alsace.
Il fallait voir comme chacun s'appliquait,et quel silence !
De temps en temps, quand je levais les yeuxdedessus ma page, je
voyais M.
Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui,
comme s'il avait voulu emporter dans son regard toute sa petitemaison d'école.
Pensez ! Depuisquarante ans ilétaitlà à la même place, avec sa couren
face de lui et sa classe toute pareille.
Quel crève-cœur ça devait être pour
ce pauvre homme de quitter toutes ces choses,car il devait partir demain,
s'enaller dupays pour toujours !....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Pater patriae / Père de la patrie
- PATRIE
- Un seul augure est vrai : défendre sa patrie
- Frédéric César de La Harpe (1754-1838) Né et mort à Rolle, berceau de sa famille ce patriote vaudois dut quitter sa position d'avocatet sa patrie après avoir été banni par le gouvernement de Berne pour avoir voulu libérer soncanton de la domination bernoise.
- Arthur Honegger1892-1955Né au Havre de parents zurichois, Arthur Honegger a conjugué dans son oeuvre la doubleinfluence de la nation et de la patrie au sens étymologique de ces deux vocables.