La nécessité de communiquer limite t elle notre pensée?
Publié le 14/12/2023
Extrait du document
«
Phrase d’accroche
Dans un de ses articles, le biologiste Alain Prochiantz définit la pensée
comme suit :
"La pensée est le rapport adaptatif que tout être vivant entretient avec
son milieu".
Cette définition nous interroge sur les interactions entre la pensée et le
milieu dans lequel il vit, avec lequel il communique.
Définition du sujet :
La pensée renvoie aux activités de l’esprit.
La pensée peut être définie par
l’ensemble des processus par lesquels l'être humain au contact de la
réalité matérielle et sociale élabore des concepts, les relie entre eux et
acquiert de nouvelles connaissances
Dans Le Sophiste, Platon définit la pensée comme « discours intérieur que
l'âme tient en silence avec elle-même » .
Et dans le Théétète, il l'avait
déjà définie comme « discours que l'âme se tient à elle-même sur les
objets qu'elle examine » .
La caractéristique essentielle de la pensée
semble donc être la réflexivité ("avec elle-même", "à elle-même").
C’est
donc un état intérieur.
Étymologiquement, communiquer, c’est partager, mettre en commun.
Communiquer renvoie alors à la notion de l’échange, du dialogue et du
lien.
Communiquer c’est tenir compte de l’autre.
La communication est inhérente à la vie humaine.
Pour la réalisation de
toute chose, à chaque instant, chaque jour, les être humains doivent
communiquer.
Bien souvent, ils communiquent par le biais de paroles
écrites ou dites, mais tout autant avec des gestes, des expressions
faciales, des symboles tels que les panneaux de signalisation, les couleurs
(rouge pour le danger) ou des images (un crâne sur une bouteille de
produit toxique).
La communication est un besoin fondamental de l'être humain.
Dès que
nous ne sommes pas seuls, nous communiquons, intentionnellement ou non,
consciemment ou non.
Elle permet aux personnes de se connecter entre elles, de prendre des
décisions qui affectent leur vie, d’exprimer leurs sentiments et de se sentir
membres de la communauté dans laquelle elles vivent.
La communication
est l’échange.
C’est la circulation de l’information et des idées d’une
personne à l’autre.
La communication est le passage obligé pour entrer
en relation avec autrui, pour sortir donc de l’état intérieur vers l’extérieur.
Problématique :
Y a-t-il dès lors une tension, une contradiction entre la pensée, état
intérieur et le besoin d’interactions et d’échanges vers l’extérieur avec les
autres qui caractérise l’être humain ?
Si la pensée est une manifestation intérieure de l’esprit et la
communication une extériorisation des idées et des sentiments, n’y a-t-il
pas une incompatibilité ? Notre pensée a-t-elle la possibilité de sortir de
l’état intérieur de l’esprit ? L’extériorisation induite par le fait d’échanger
est elle un frein à notre pensée ? Est-ce qu’elle restreint nos réflexions,
entrave la puissance de notre pensée en ne nous permettant pas d’aller
jusqu’au bout de notre pensée ? L’objectivation nécessaire de mes
pensées ne les trahit-elle pas?
Annonce du plan
Dans un 1er temps, nous verrons que la pensée, en étant un état
psychique très personnel, se construit intérieurement et peut être
entravée ou bloquée par le besoin de communiquer.
Dans un second
temps, nous verrons que malgré tout la pensée s’enrichit grâce aux
échanges et à la communication, au travers du langage.
Enfin, dans la
troisième partie, nous verrons comment le langage, plus qu’un simple
moyen de communication, peut être vu comme une condition d’un
dépassement positif de la pensée.
Première partie
La pensée renvoie aux activités de l’esprit.
Penser, c’est réfléchir,
s’interroger, raisonner, argumenter, mais ce pourrait être
également percevoir, sentir, éprouver des émotions, imaginer.
Dans Les Principes de la philosophie, Descartes (1596-1650) écrit : « Par
le mot de pensée, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que
nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non
seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même
chose ici que penser ».
Il s’agit d’un état pyschique très personnel, très intérieur que, par nature,
je ne peux pas partager avec autrui.
Personne d’autre que moi n’a accès à
mes pensées et ne peut savoir ce que je crois, quelles sont mes idées.
D’une part, la pensée est infinie, on ne s’arrête jamais de penser.
Il s’agit
d’un flot continu qui ne peut qu’être gêné par la nécessité de tenir compte
des signaux externes, des autres.
D’autre part, mon identité personnelle est précisément ce qui rend chaque
individu unique.
Ce que je pense, ce que je ressens, mes interrogations, mes
raisonnements sont ce qui constitue ce que je suis.
Ce n’est par nature
pas partageable.
Les sentiments relèvent également de l’intime, c'est-àdire de ce que nous avons de plus privé et indicible.
Egalement, vouloir les partager ou être obligé de les partager dans un
contexte social va me limiter dans ma capacité de réflexion intérieure.
La
morale, les règles de société, les convenances peuvent m’interdire de
développer ma pensée sur tel ou tel sujet.
Je me restreins peut être,
inconsciemment ou non, à réfléchir sur certains sujets.
Dans la mesure où
la vie en société , en m’obligeant à partager, à interagir, à transmettre
m’interdit de parler de certains sujets, je me restreins sur mes réflexions
intérieures.
Si les autres ne le disent pas, ne l’expriment pas, ai-je le droit
de le penser ?
N’est ce pas dans la sphère la plus intérieure que s’expriment nos pensées
les plus profondes, souvent non exprimées et non dites, non partagées, au
travers de l’activité des rêves ?
Enfin, la pensée est spirituelle, immatérielle.
Elle s’oppose ainsi à la
nécessite de mettre en place des outils pour communiquer.
Je suis limité
par les outils que j’ai à disposition.
Pour extérioriser nos pensées et communiquer, y compris écouter, notre
outil est le langage.
J.
Locke met en évidence le fait que le langage a été créé afin que les
hommes puissent entrer en relation et échanger leurs idées : « Comme on
ne saurait jouir des avantages et des commodités de la société sans une
communication de pensée, il était nécessaire que l'homme inventât
quelques signes extérieurs et sensibles par lesquels ces idées invisibles,
dont nos pensées sont composées, puissent être manifestées aux
autres.
»
Les mots sont donc bien des signes linguistiques qui ont pour fin
d'extérioriser et par là de communiquer nos pensées.
»
Le partage, via les mots, via le langage, ne me permet pas toujours
d’exprimer autant de nuances que ce mon esprit construit.
Le langage, ne
me permet pas de partager toute la valeur de ma pensée.
Par exemple,
deux personnes peuvent utiliser le même adjectif pour qualifier une
situation ou un objet mais chacune ne donnera pas la même intensité, la
même couleur.
Je ne peux exprimer autant de nuances que je que je pense, l’universalité
du langage limite la valeur de la pensée.
En effet le langage est
conventionnel, un mot, une couleur, un signe ne désignent une chose ou
une idée que de façon arbitraire ou par convention.
Par ailleurs, les mots
sont généraux tandis que nos sentiments ou idées sont par natures
singuliers et spécifiques.
Transition :
La pensée se construit intérieurement .
Pourtant, si penser signifie
réfléchir, que serait une pensée qui ne se confronterait pas à la pensée
des autres?
Deuxième partie
Communiquer est indispensable pour notre vie en société : faire passer
une information, une connaissance, ou une émotion , créer
une norme commune pour se comprendre, créer une relation pour
dialoguer fréquemment, ou relancer le dialogue ou obtenir une influence
pour inciter l'autre à agir selon sa volonté .
Les individus ne peuvent fonctionner sans la communication, pas plus que
les groupes.
A un niveau biologique fondamental, la communication aide
les individus à....
»
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