La mort de Manon Lescaut : Analyse Linéaire
Publié le 29/01/2024
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«
La mort de Manon Lescaut : Analyse
Linéaire
Un récit douloureux
Le narrateur commence son récit par une prière à l’impératif :
« pardonnez si j’achève en peu de mots un récit qui me tue.
» On voit
donc immédiatement qu’il lui est très difficile, même après coup, de
revenir sur ce tragique événement.
Par ailleurs, les mots de cette première phrase contiennent peu de
syllabes (1 ou 2) ce qui peut suggérer les sanglots du personnage, ou
tout du moins des difficultés d’élocution liées à sa peine.
Le pronom « vous » est intéressant car il brouille la frontière entre le
marquis de Renoncour, véritable destinataire du récit, et le lecteur.
Cela
confirme donc l’hésitation qui peut être perçue par l’utilisation de la
deuxième personne du pluriel pour le premier verbe.
Des Grieux annonce donc sa volonté de narrer la mort de Manon, mais
sans parvenir à le dire directement.
Aussi nous verrons que Manon n’est nommée que très tard, et qu’avant
cela, sa mort est désignée par des périphrases : « un récit qui me
tue » ; « un malheur qui n’eut jamais d’exemple ».
De plus ces
périphrases ont également une valeur d’hyperbole ce qui renforce la
tristesse de Des Grieux.
On peut également noter que les champs lexicaux du récit et de la
tragédie sont associés dans le premier paragraphe pour souligner la
difficulté pour Des Grieux de revenir sur ces événements : « récit » ;
« raconte » ; « exprimer » / « malheur » ; « pleurer » ; « horreur ».
Enfin, on voit que Des Grieux ne se sent pas capable de tourner la page.
Il affirme : « toute ma vie est destinée à le pleurer », puis, « je le porte
sans cesse dans ma mémoire ».
Ici, le présent d’habitude et la
négation « sans cesse » insistent sur le fait que Des Grieux est
constamment rappelé à son deuil.
Pourtant, c’est bien ce terrible récit que le narrateur s’apprête à livrer
dans le paragraphe suivant.
La mort de Manon
On remarque d’emblée le changement de temps (« avions passé »
= plus que parfait) qui indique le début du récit au passé.
De plus,
le pronom « nous » projette le lecteur dans un temps où Manon était
encore en vie.
Notons ici que c’est la dernière fois du passage que les amants
sont rassemblés sous ce pronom.
La première phrase donne une image paisible grâce à l’adverbe
complément circonstanciel de manière « tranquillement ».
Cette tranquillité est confirmée par la douceur du propos qui suit : « je
croyais ma chère maîtresse endormie ».
On remarque que Manon est
ici désignée par une périphrase qui insiste sur son importance pour
Des Grieux.
Cependant, le verbe modalisateur « croyais » montre bien que ce n’est
qu’une illusion.
Ici, la mort est associée au sommeil, ce qui donne l’image d’un départ
noble et sublime, après tant de troubles et d’aventures.
Ce calme est confirmé par l’attitude de Des Grieux : « je n’osais pousser
le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil.
» Il ne
réalise pas encore que sa maîtresse se meurt.
Toutefois le retour du récit au passé simple « je m’aperçus » avec
l’indication temporelle « dès le point du jour » vient troubler ce court
moment d’apaisement dans la vie des deux jeunes amants.
En effet, les
mains de Manon sont « froides et tremblantes ».
Par déni, Des Grieux pense qu’elle souffre simplement du froid : « je les
approchai de mon sein, pour les échauffer.
Le « sein » désignant le cœur
par métonymie, on voit qu’il semble penser que l’amour peut venir à
bout de tous les maux.
Ce déni se poursuit quelques lignes plus tard, quand Manon lui confie
qu’elle se sent mourir et qu’il pense qu’elle exagère : « je ne pris d’abord
ce discours que pour un langage ordinaire dans l’infortune ».
Il pense d’ailleurs encore une fois pouvoir la guérir avec son amour : « je
n’y répondis que par les tendres consolations de l’amour.
»
Le lexique du toucher dans ces quelques lignes : « touchant » ;
« main » ; « échauffer » ; « saisir » évoque un dernier contact entre les
deux amants.
La première fois que Manon apparaît éveillée, désignée par
le pronom « elle », elle semble très diminuée : sa voix est « faible » et
elle doit faire un « effort » pour « saisir » les mains de Des Grieux.
Elle est par ailleurs consciente que sa fin est proche et affirme, dans
des paroles rapportées au discours indirect « qu’elle se croyait à sa
dernière heure ».
La mort est une nouvelle fois évoquée avec pudeur, sous la forme
d’une périphrase, ce qui est un peu contradictoire quand on voit le
comportement des amants dans le reste du récit.
Aussi peut-on parler
d’une sublimation dans la mort.
Après cet aveu, Des Grieux prend bien vite conscience de la situation.
Ce
basculement est exprimé par la conjonction de coordination « Mais »
qui vient contredire son déni et ses faux espoirs.
Ici, on remarque que Manon n’a plus la force de parler, c’est son corps
qui exprime son trépas avec des « soupirs » qui laissent place au
« silence », puis ce n’est plus qu’un « serrement de ses mains ».
On
constate bien que Des Grieux cherche à rendre de manière précise les
derniers instants de Manon.
Si le départ de la vie du corps de Manon est clairement évoqué ici, on
peut également noter le passage du discours indirect au discours
narrativisé : “je ne lui répondis que par les tendre consolation de
l’amour” qui évoque la fin de la communication entre les deux amants.
La scène se fait en fait de plus en plus silencieuse, les “soupirs” sont
remplacés par le “silence” et le discours est de plus en plus distant de la
scène.
Remarquons ici que les amants sont évoqués tour à tour par
les pronoms « je » et « elle ».
La disparition du « nous » évoque une
séparation dans la mort.
Finalement, sa mort, silencieuse et calme, est désignée par
une périphrase : « la fin de ses malheurs ».
Cela permet de considérer
la fin du personnage comme une libération, et de sublimer ses derniers
instants en montrant qu’elle quitte une société qui la marginalise et la
violente.
La peine de Des Grieux
Après ce récit terrible, Des Grieux réitère sa première prière
à l’impératif : il n’est pas capable de poursuive.
Il implore Renoncour,
et donc le lecteur : « N’exigez point de moi que je vous décrive mes
sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions.
»
Les propositions subordonnées conjonctives
complétives s’inscrivent dans la modalité négative et refusent un récit
qui n’appartient plus qu’à Des Grieux, seul témoin des derniers instants
de Manon Lescaut.
Tout ce qu’il concède à son interlocuteur, c’est une phrase simple et
très courte de 3 mots : « je la perdis.
» Ces trois mots toutefois
condensent toute la tristesse de Des Grieux.
Le fait qu’il affirme avoir « reçu(…) d’elle des marques d’amour, au
moment même qu’elle expirait » peut donner à voir une expurgation
finale des pêchers.
Après toutes les souffrances qu’elle a causées à Des Grieux, ses derniers
instants sont consacrés uniquement à un amour pur et sublime.
Mais le lexique tragique vient rapidement remplacer cette ultime
manifestation amoureuse : « expirait » ; « fatal » ;
« déplorable événement ».
On voit ensuite que Des Grieux emploie un vocabulaire religieux :
« âme » ; « Dieu » ; « puni » ; « misérable » pour accentuer sa peine en
lui donnant un caractère de punition divine.
Finalement, il se punit lui-même en confirmant sa marginalisation : « je
renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.
» (sa vie)
bêtes sauvages.
Je formai la résolution de l’enterrer, et d’attendre la
mort sur sa fosse.
La mort de Manon Lescaut : Analyse
Linéaire
Un récit douloureux
Le narrateur commence son récit par une prière à l’impératif :
« pardonnez si j’achève en peu de mots un récit qui me tue.
» On voit
donc immédiatement qu’il lui est très difficile, même après coup, de
revenir sur ce tragique événement.
Par ailleurs, les mots de cette première phrase contiennent peu de
syllabes (1 ou 2) ce qui peut suggérer les sanglots du personnage, ou
tout du moins des difficultés d’élocution liées à sa peine.
Le pronom « vous » est intéressant car il brouille la frontière entre le
marquis de Renoncour, véritable destinataire du récit, et le lecteur.
Cela
confirme donc l’hésitation qui peut être perçue par l’utilisation....
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