La morale peut-elle être ramenée à ce qu'Auguste Comte appelle l'altruisme ?
Publié le 16/05/2020
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La morale peut-elle être ramenée à ce qu'Auguste Comte appelle l'altruisme ?
Ces trois sujets ont d'étroites relations.
Le premier consiste dans un simple exposé, les deux autres dansune discussion de la morale positiviste.
En ce qui concerne la discussion, l'altruisme étant un sentiment,on voit que la question rentre dans la critique générale des doctrines sentimentales.
Pour l'exposé, on varésumer ci-dessous les grandes lignes de la morale de Comte.De tous les philosophes contemporains, Comte est peut-être celui qui a le plus contribué à mettre encrédit cette idée que la question morale est une question sociale.Tout en accordant dans ses préoccupations de penseur et de réformateur de la société une large place àla morale, Comte n'a jamais considéré qu'on dût en faire une science particulière, encore moins qu'elledevînt l'objet de recherches théoriques, d'une étude de principes.
D'une part il n'y a pas dans ses oeuvresde traité de morale ; ses idées sur la question sont disséminées dans tous ses écrits.
D'autre part ellesont un caractère éminemment pratique : Comte n'a jamais pensé qu'il y eût un intérêt quelconque àchercher sur quoi se fonde le devoir, ce que c'est que la conscience, la responsabilité, etc.
Sa morale estune prolongation de la sociologie.
On sait l'importance qu'il attachait à cette science et aux applicationspratiques qu'on en peut faire ; il comptait sur ces applications pour réformer progressivement l'état socialet amener l'ère du bonheur universel.
La morale en est une à ses yeux : c'est bien une des questionssociales, pas autre chose.Toute la morale, selon Comte, repose sur un sentiment : l'altruisme.
Il est la fin de la vie humaine ; la loimorale se ramène à cette formule : vivre pour autrui.
Ennemi des recherches théoriques, Comte ne songepas à justifier ce principe par des raisonnements a priori; il se borne à constater les faits.
Toutel'évolution humaine, dit-il, se résume dans les progrès de l'altruisme ; il est la civilisation même ; il est lefait social primitif, donc, à plus forte raison, le principe moral.
Et les progrès de ce sentiment ont étéprovoqués par deux causes concourantes : d'une part le développement organique des sociétés, les faitséconomiques tels que l'échange, la division du travail qui ont rapproché les hommes comme par une actionextérieure ; d'autre part les progrès de la réflexion qui les ont amenés à comprendre de mieux en mieuxles bienfaits de la société.
L'altruisme a pris naissance dans la famille ; et aujourd'hui encore c'est lafamille qui en est la meilleure école.
Le progrès moral des choses l'a étendu ensuite au petit groupe socialformé d'un agrégat de familles, et c'est ainsi qu'est né le patriotisme.
Un progrès ultérieur a enfin permis àl'homme d'étendre son horizon, de reculer au delà des frontières nationales les limites de sa sympathie, etde s'élever de l'amour de la patrie à l'amour de l'humanité.
Sous cette dernière forme, l'altruisme estparfait, et quand l'amour de l'humanité sera le sentiment prédominant et universel, la morale aura atteintson couronnement.Dans l'application, c'est-à-dire dans la morale pratique, Comte fera tout converger vers ce but : ledéveloppement de la vie sociale.
Toutes les vertus, vertus personnelles, familiales, etc., sontsubordonnées à la vertu par excellence qui est le dévouement à la société.
Il en résulte une conséquenceimportante : c'est que l'individu est sacrifié au groupe.
L'idée la plus surprenante de la morale de Comte,très cohérente d'ailleurs avec l'ensemble du système, c'est la négation absolue du droit.
Pour Comte,l'idée de droit est une idée fausse et funeste ; fausse parce qu'elle part de la conception erronée quiattribue une valeur intrinsèque à la personne ; funeste en ce qu'elle fournit à l'individu un prétexte derévolte contre la discipline sociale.
L'individu n'a pas de droits, sinon ceux que lui confère l'État, et quisont une délégation des droits de l'État omnipotent ; il n'a que des devoirs.On n'oubliera pas que la morale qui vient d'être brièvement résumée se complète, dans le systèmepositiviste, par la religion de l'Humanité, religion inventée par Comte, et qui tenait une si grande placedans les idées qu'il conçut pendant la seconde période de sa vie, sous l'influence de Clotilde de Vaux..
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