Databac

La mode nous domine-t-elle ? (Lipovetsky)

Publié le 15/05/2020

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : La mode nous domine-t-elle ? (Lipovetsky) Ce document contient 2640 mots soit 6 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Littérature.

« On évoque parfois dans les médias, pour les vanter ou les dénigrer (mais la peur perce souvent sous l'éloge), lesfabuleux progrès techniques du xxe siècle, qui laissent souvent désemparés nombre de contemporains.

Il semble quetout change si vite qu'on n'a guère le temps d'assimiler ; à peine est-on habitué à un « progrès » qu'une nouvelleinvention rend caduque la précédente.

Course effrénée pour ne pas rater la dernière mode ; il y a de cela aussi : onvoudrait ne pas être en retard d'une nouveauté.

Dans tous les domaines, les modes se succè-dent.

Toute référenceau passé disparaît ainsi : telle est au moins la thèse soutenue par Gilles Lipovetsky dans L'Empire de l'éphémère : les modèles du passé seraient-ils tous abandonnés ? Serions-nous entièrement guidés par l'empire éphémère de lamode ? Certes nous le verrons, nous sommes soumis à la mode, et les progrès techniques rendent vaines nombre deréférences au passé.

Mais certaines modes ne nous conduisent-elles pas parfois, au contraire, à renouer avec lepassé ? Et ce passé, en sommes-nous toujours aussi indépendants qu'on le croirait ? Les modèles du passé semblent en effet considérablement délaissés aujourd'hui dans certains domaines particuliers.Ainsi en est-il dans tout ce qui concerne l'aspect matériel de la vie.

La technologie actuelle rend caduc tout ce quia pu être mis au point dans les années antérieures : qu'il s'agisse de moyens de transport ou de médecine, le passé a cessé d'être un modèle, une référence.

On peutd'ailleurs considérer ce phénomène comme relativement récent, puisqu'il remonte au xixe siècle (et par ce fait aussi,on peut dire qu'il ne caractérise pas « l'homme moderne » au sens très étroit du mot) : en effet, les développementsconsidérables de la science, les progrès techniques vont entraîner une radicale modernisation de la vie.

Les poètescomme Vigny ont beau, dans la Maison du berger (1844), tempêter contre les chemins de fer, leur regret ne change rien à l'affaire : la construction des infrastructures ferroviaires va bon train et rend primées les diligences.

Le passéne sert plus de référence qu'aux nostalgiques de la lenteur, condamnant sans appel le « cheval de fer », le modernedieu Moloch, qui dévore inéluctablement le paysage, incendiant tout sur son chemin.

Le TGV subit aussi de vivesattaques, pour des raisons diverses (si chacun utilise volontiers le TGV, plus rapide et commode quoi qu'on dise, peunombreux en revanche sont ceux qui aiment vraiment le voir traverser leur jardin...) ; et les balades à bicycletteconcernent davantage la rêverie et la détente dominicale que le transport proprement dit.

De la même manière, lesvoiliers intéressent plus les sportifs ou les vacanciers que les voyageurs poussés au voyage par la nécessité ; quantaux automobiles anciennes, elles sont plutôt appréciées des collectionneurs que des usagers de la route... Il en va également ainsi dans le domaine médical : certes, les résistances existent, sous forme de soins par lesplantes, médecines douces ou autres méthodes ancestrales (remèdes de bonnes femmes...) ; mais en cas demaladie grave, c'est le médecin officiel que l'on va de préférence consulter et l'on est prêt à subir les assauts de latechnologie de pointe quitte à avoir parfois le sentiment d'être transformé en cobaye.

Plus personne en tout cas nese réfère vraiment à Hippocrate (excepté pour le serment) ou à Galien (alors que les médecins de Molière ne juraientencore que par eux ; ce respect du passé explique largement leur incapacité notoire).

Les recherches actuelles surl'embryon, la procréation programmée, avec congélation du sperme et usage de mère porteuse, semblent nous avoircoupés de tout contact avec la tradition, d'où le désarroi, légitime d'ailleurs, de certains. De la même manière, nos sociétés évoluent si vite que la transmission du savoir ne peut plus guère se faired'ancêtres à enfants L'agriculteur d'aujourd'hui n'a plus rien à apprendre de son grand-père (si l'on s'en tient à lapure technique) s'il veut survivre décemment : il fait des études, comme tout le monde, pour savoir comment gérerau mieux ses biens.

Et il en va ainsi pour presque toutes les activités professionnelles ; la conséquence inéluctablec'est, naturellement, la fin d'un certain respect dû aux ancêtres, à leur savoir particulier, à leur expérience, deve-nus totalement (ou presque) inutiles.

Cela crée nécessairement des liens nouveaux entre les générations (etprobablement inédits dans l'histoire).

Remarquons néanmoins que dans tous ces exemples il ne s'agit pas de « mode».

Paradoxalement, et n'en déplaise à Gilles Lipovetsky, les modes dans ce domaine vont plutôt à rebours. La mode, en effet, ce serait plutôt de « vivre à l'ancienne » en refusant la modernité, en arborant dans les grandesvilles de superbes bicyclettes, pour se faufiler dans les embouteillages ; en choisissant de déjeuner « naturel » et den'acheter que des produits biologiques (cultivés sans engrais par des- agriculteurs qui auront su oublier tout cequ'ils ont appris au lycée agricole sur le rendement et autres pratiques qui les conduisent trop souvent, d'ailleurs, àfermer leurs exploitations), ou en se faisant soigner exclusivement par les plantes, l'acupuncture ou l'homéopathie.De même que la mode pousse à naviguer à nouveau à la voile, à faire du cheval, ou à s'exhiber dans une rutilantePanhard et Levassor, beaucoup plus « chic » que la Renault moderne de Monsieur Tout le Monde, avec « toutélectronique » (et panne incurable).

On serait tenté de dire la même chose dans bien d'autres domaines où la modeest plutôt au retour vers le passé.

On connaît le sketch très décapant de Sylvie Joly où une femme très bon chicbon genre redécouvre dans le fin fond de l'Auvergne les roboratives valeurs du monde ancien, les vertus du fumier,des odeurs fortes et de l'amour sauvage.

La mode la plus en vue consistant justement à faire celui qui ne suit pas lamode, on se retrouve très nombreux à être ainsi à « contre-courant », et le phénomène devient...

une mode trèssuivie.

Mais pas moderne du tout, encore que, naturellement, les adeptes du retour aux vraies valeurs renouent bienvite, les vacances passées, avec leur automobile diesel, leur minitel et leur scanner préférés. Il ne faut pas abuser, en effet, des senteurs du terroir (et le surgelé, c'est bien commode, comme la purée-minute,quand on est pressé par le temps).

Le décalage entre idées à la mode et pratique quotidienne est parfois énorme :un discours de plus en plus dominant (Jean-Pierre Coffe en tête) nous conduit vers un retour aux sources du bongoût, faisant fi de toute modernité dans l'alimentaire (à juste titre d'ailleurs) si elle est accompagnéed'industrialisation massive et de déperdition du goût (le quantitatif tue, là comme ailleurs, le qualitatif) ; mais le brave consommateur, s'il rêve devant les beautés de la cuisine familiale à la mode de « grand-mère » (notons quedans l'imaginaire d'aujourd'hui, toutes les grand-mères n'avaient que cela à faire, oubliant que, déjà, certaines. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles