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La Malibran

Publié le 16/05/2020

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« La Malibran1808-1836 Les quatre vers de Lamartine gravés sur le tombeau de la Malibran dans le cimetière de Laeken sont plus qu'un dernier hommage renduà la grande cantatrice ; ils symbolisent en quelque sorte les dons miraculeux de cette femme exceptionnelle :Beauté, génie, amour furent son nom de femmeInscrit dans son regard, dans son cOeur, dans sa voix,Sous trois formes au ciel appartenait cette âme,Pleurez terre et vous cieux, accueillez-la trois foisCombien devait être fascinant le modèle avec l'âme passionnée que nous lui connaissons et cette voix unique qui, comme l'écrivait legrand critique musical Fétis, "par la réunion des deux voix de contralto et de soprano aigu, frappait toujours d'étonnement ceux quil'entendaient passer de l'une à l'autre avec des traits hardis, rapides et qui ressemblaient à rien de ce qu'on avait entendu".

Du jour aulendemain, n'ayant pas encore vingt ans, Maria Felicia Malibran, inconnue la veille, conquit Paris un soir de janvier 1828 dans un galadonné à l'Opéra.

Elle était fille du célèbre ténor espagnol Manuel Garcia et elle arrivait d'Amérique, où son père l'avait emmenée trois ansauparavant avec toute sa famille pour fonder là-bas une troupe d'Opéra italien.

Elle y avait chanté avec succès tous les grands rôles durépertoire, s'y était mariée avec un banquier français émigré, de trente ans plus âgé qu'elle, Malibran, et en décembre 1827 elle étaitrevenue à Paris, seule, brouillée avec son père et ruinée par un mari en faillite et sans scrupules.

C'est grâce à l'appui de la comtesseMerlin, compatriote et élève de son père, femme cultivée qui avait un des salons musicaux les plus cotés de Paris, qu'elle eut l'occasionde se faire entendre en public et qu'elle fut engagée au Théâtre Italien, où elle fit de sensationnels débuts dans la somptueuseSémiramis de Rossini, le 8 avril 1828.

Jusqu'à la fin de la saison, elle y triompha encore dans cinq autres ouvrages, dont quatre deRossini.

Elle aborda avec le même bonheur des rôles aussi divers que la cruelle Sémiramis, la touchante Desdémone ou l'espiègle Rosine.Son engagement aux Italiens lui fut renouvelé pour une nouvelle saison au cours de laquelle elle se trouva en rivalité avec une autregrande cantatrice, l'Allemande Henriette Sontag.

Ce fut la période la plus glorieuse des Italiens de Paris, période qui devait atteindre sonapogée les saisons suivantes, lorsque les deux divas furent affichées dans les mêmes ouvrages tels que Tancredi de Rossini, Don Juande Mozart et Sémiramis où, cette fois, la Malibran chanta le rôle travesti d'Arsace.

En février 1830, la Malibran reprit aux Italiens le rôle deSuzanne dans Les Noces de Figaro de Mozart et au mois d'avril après la clôture annuelle du théâtre, elle alla faire la saison d'été àLondres, au Covent Garden, où elle souleva dès son apparition dans la Cenerentola le même enthousiasme qu'à Paris.

C'est au cours deses représentations londoniennes qu'elle chanta pour la première fois avec le grand baryton Lablache dans Le Mariage Secret deCimarosa.

Elle y parut dans le rôle de la vieille tante excentrique Fidalma.

Admirablement grimée et étourdissante de fantaisie cocasse,elle en fit une composition inattendue qui divertit fort les Londoniens.

L'automne venu, elle reparut aux Italiens.

Elle devait y resterjusqu'en janvier 1832, interprète inégalable de Rossini alors à l'apogée de sa gloire.

Ce fut la fin de sa carrière en France.

Avec Lablache,ami fidèle et dévoué, elle partit à la conquête de l'Italie.

Elle débuta à Rome et y trouva le même accueil qu'à Paris ou à Londres.

De là,elle poursuivit sa route triomphale jusqu'à Naples, où elle donna une série de représentations éblouissantes au Théâtre San Carlo, malgréla cabale que mena contre elle la prima donna attitrée du célèbre théâtre : Madame Ronzi de Bégnis, plantureuse favorite du roi deNaples.

Bologne à son tour accueillit la Malibran.

Elle y fut pour la première fois, au Théâtre Communal, l'interprète du plus mélodique etdu plus tendre compositeur italien : Bellini.

Elle joua et chanta Roméo dans son opéra Capuleti avec une telle bouleversante émotion queles spectatrices sensibles s'évanouissaient dans la salle.

Elle devait, l'année suivante, aborder un autre ouvrage de Bellini, LaSonnambula, d'abord à Naples, puis à Londres au théâtre de Drury Lane, où elle fit sur scène la connaissance du jeune compositeur, àl'issue d'une représentation inoubliable qui les jeta dans les bras l'un de l'autre devant une salle en délire.

De cette soirée mémorable,devait naître, chez Bellini, une adoration passionnée pour la Malibran.

Elle ne put lui accorder qu'une affection admirative et fraternelle.

En1834, la grande cantatrice devait aborder le rôle le plus beau et le plus dramatique de toute sa carrière avec Norma, le chef-d'Oeuvre deBellini, créé récemment par la Pesta ; ce fut au San Carlo de Naples, le 23 février.

Triomphe indescriptible pour la tragédienne et lachanteuse, qu'elle renouvela quelques mois après, le 15 mai, à l'occasion de ses débuts à la Scala de Milan.

En 1835 enfin, la Malibranétait engagée à Venise pour une série de représentations au théâtre de la Fénice, cadre digne d'elle par la splendeur architecturale de sasalle, pur joyau blanc et or du XVIIIe.

Les Vénitiens lui donnèrent des sérénades et elle en fut quelques jours l'idole avant de reprendre saroute errante et glorieuse pour Londres, où elle interpréta pour la première fois le Fidélio de Beethoven au Covent Garden et de nouveaupour la Scala de Milan, où elle ajouta à son répertoire cette adorable partition de Donizetti : L'Elisir d'Amor.

Elle y chanta également unautre ouvrage du fécond Donizetti : Maria Stuarda, opéra dramatique sur l'infortunée reine d'Écosse, que la censure interdit après laseptième représentation, y trouvant des allusions politiques déplaisantes pour le gouvernement autrichien, dont le joug pesait lourdementsur les Milanais.

Le printemps de 1836 retrouva la cantatrice à Londres pour la saison.

En juin, lors d'une chasse à courre chez LordLennox, la Malibran, amazone intrépide, eut un accident de cheval dont les suites devaient lui être funestes.

Sa monture s'étantemballée, elle voulut sauter à terre, son pied resta pris dans l'étrier et elle fut traînée une centaine de mètres.

Ne voulant pas interrompreses engagements, elle dissimula ses souffrances et négligea de se soigner efficacement.

En septembre, elle était à Manchester pour yparticiper à un grand Festival de Musique.

Sa tête, qui avait dans sa chute heurté violemment le sol, à présent lui causait des douleursintolérables.

Le 13 septembre, elle se trouva mal à la cathédrale au cours du concert spirituel, et le lendemain au théâtre, ce fut son chantdu cygne.

Après avoir chanté quatorze morceaux devant un public qui ne cessait de la rappeler, la Malibran, blême, épuisée, fut ramenéedans sa loge sans connaissance.

Transportée à son hôtel, elle devait y mourir le 23 septembre 1836, ayant préféré brûler sa vie jusqu'aubout plutôt que d'accepter un repos salutaire qui aurait déçu le public avide de la voir, de l'entendre sans cesse. Il nous reste maintenant à évoquer le dernier nom de femme de la Malibran : "Amour".

Ce nom ne prit pour elle qu'un visage, celui d'unjeune violoniste belge de grand talent : Charles de Bériot.

C'est aux Italiens qu'elle le rencontra.

Très beau, d'une élégance raffinée, ilhantait tristement les coulisses du théâtre dans l'ombre d'Henriette Sontag, qui lui préférait le comte Rossi.

Maria Malibran plaignit d'abordl'amoureux éconduit, mais elle s'aperçut bien vite qu'en réalité elle l'aimait.

Elle lui fit un soir l'aveu de ses sentiments avec unespontanéité qui était bien dans son caractère et Bériot, aveuglé jusqu'ici par la blonde Henriette, découvrit la femme à travers l'artiste qu'iladmirait.

Il fut immédiatement conquis.

Maria, dès cet instant, n'eut plus qu'une pensée, obtenir son divorce pour épouser Charles deBériot, mais Malibran s'ingénia à faire durer la procédure ; aussi la jeune femme, sans hypocrisie, brava les conventions et s'abandonna àcet amour.

Elle fut enceinte ; le public bourgeois des Italiens la jugea avec sévérité ; aussi prit-elle la décision de ne plus chanter à Parisavant d'être légitimement mariée à celui qu'elle aimait et ils partirent tous deux pour l'Italie.

Ce n'est que le 29 mars 1836 que laMalibran, son divorce ayant enfin été prononcé, put épouser Bériot.

Ils se marièrent à Paris et Maria envisagea, après une absence dequatre ans, de faire sa rentrée aux Italiens après sa saison habituelle en Angleterre, mais le sort devait en décider autrement.

Ce 23septembre 1836, dans la grande salle du Festival de Manchester, Charles de Bériot entra en scène pour donner son récital de violon aprèsle triomphe indescriptible de sa femme, sans se douter qu'on la déposait mourante dans sa loge.

C'était la fin du merveilleux romand'amour de deux êtres que la nature avait comblés.. »

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