La maitrise et la technique
Publié le 25/03/2024
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«
Le travail et la technique
La nature plurielle du concept de travail impose d'abord une analyse du terme lui même.
Il peut signifier l'action de
transformer ou de façonner un matériau brut (par exemple : le travail sur la pierre).
Mais il peut aussi signifier le résultat de
cette activité (par exemple :l'œuvre produite).
Par ailleurs, on appelle « travail » le métier lui même, un terme qui va se
rapprocher de la notion d'emploi.
Nous avons alors l'expression : « avoir du travail » et bien sûr son opposé : « perdre son
travail », se retrouver au chômage.
D'une manière générale, le travail est synonyme de peine, voire de souffrance.
Travailler vient du terme latin
« Tripaliare » qui signifie : tourmenter, torturer.
Il y a donc à l'origine une image négative du travail.
Cependant, nous
pouvons l'envisager comme une activité réfléchie, qui suppose un certain degré de préparation.
Nous avons donc un travail
qui est d'abord un projet et ensuite une réalisation.
Dés lors, le travail pourrait se concevoir comme la production
consciente d'un objet.
Toute production fait appel à un processus technique .Une technique qui nous vient du Grec : « Technê ».
C'est à
dire un savoir faire, une maîtrise qui peut se perfectionner et se spécialiser.
Ceci aura pour conséquence la division du travail
en différents corps de métier.
Cette division technique se transformera en division sociale du travail qui métamorphosera la
société et le monde.
Alors le travail et la technique nous ouvrent sur un monde propre à l'Homme.
C'est celui de la Culture
dans son rapport à la Nature.
L'enjeu philosophique sera de penser l'articulation du travail et de la technique, afin de comprendre que l'un et l'autre
se modifient mutuellement ,dans un progrès sans fin, c'est à dire sans achèvement, et peut être sans finalité.
I Le travail : Aliénation ou liberté ?
Le mot latin « Labor » désigne à la fois le travail et la souffrance.
Nous trouvons dans son étymologie l'expression
de la servitude humaine.
C'est la souffrance pour s'adapter au milieu naturel , ou à la société.
Le travail est donc d'emblée
le signe de l'aliénation.
C'est à dire la soumission à une tâche obligée, nous rendant étrangers à notre propre
existence ,comme en exil par rapport à nous mêmes, (aliénus : étranger).
Aux racines de la civilisation Grecque, nous avons l'opposition entre le liber , l'homme libre et l'esclave, le servus
(qui nous a donné serf).
Le servus, c'est l'homme qui ne s'appartient pas, il est la chose d'un autre.
Il va se confondre avec
sa tâche et son labeur.
Selon le philosophe Aristote dans son ouvrage Les politiques, l'esclave est une propriété animée, c'est
une sorte d'instrument, d' outil humain.
Nous percevons que l'idée de travail est articulée à l'esclavage.
Le monde du travail
est méprisé et dévalué par un philosophe aristocratique comme Platon.
Le travail appartient à la caverne, au monde sensible.
Cette approche négative, va se perpétuer dans la réflexion théologique.
En effet le travail est conçu comme une
déchéance, une punition afin d'expier le pêché originel.
Adam et Eve ayant mangé le fruit de l'arbre de la connaissance, furent
chassés du jardin d'Eden et condamnés, pour Adam à se procurer le pain quotidien par le travail, et pour Eve, à enfanter
dans la douleur.
Le travail pour l'église catholique, est l'incarnation de notre faute, le signe de notre condition.
Seul le
dimanche, le travail cesse car c'est le jour consacré au seigneur.
Cependant, l'Église protestante avec Calvin et Luther va
apporter une autre approche.
En effet, tout va partir d'une relecture des saintes écritures.
Le travail va être envisagé comme
le moyen de notre rédemption, comme le signe de notre salut et de notre grâce.
L'homme est sur terre afin de faire
fructifier les fruits de la création, de cultiver la terre de l'enrichir et de la rendre meilleure.
Pour Max Weber, dans son
ouvrage L'esprit du capitalisme et l'éthique protestante, il y a une corrélation entre la réussite dans notre travail et être dans
la grâce de dieu.
Ceci va donner l'esprit d'entreprendre et la réussite dans notre entreprise obligera à la charité .
C'est un
esprit que nous allons retrouver dans le monde anglosaxon.
Le travail peut être rédempteur, il peut nous sauver, changer notre condition et peut être nous changer nous même.
Nous croisons ici la réflexion du philosophe Hegel dans son ouvrage La phénoménologie de l'esprit et plus particulièrement
le passage surnommé :la dialectique du maître et de l'esclave.
L'enjeu est le suivant : c'est la lutte pour la reconnaissance
entre deux consciences, entre deux êtres.
Nous avons donc, une confrontation, un duel.
Deux hommes vont lutter l'un contre
l'autre, et le plus courageux ira jusqu'à risquer sa vie dans ce duel.
L'autre, n'osera pas relever le défi.
Alors, l'un devient le
maître et l'autre devient l'esclave parce qu'il a eu peur, on le conserve en vie pour servir, c'est le servus.
L'esclave est contraint
au travail, il va rappeler au maître, sa condition de vainqueur.
Sa vie ne vaut que par le travail qu'il peut fournir.
Le maître lui,
se réfugie dans une existence sans labeur, vouée au loisir et à la domination.
Il se retire du monde et du travail.
L'esclave
devient le médiateur obligatoire entre le monde et le maître, entre la nature et le maître.
De la coupe de fruit qu'il y a sur sa
table , le maître n'en connaît que la consommation.
En effet, il n'a pas fabriqué la coupe, il n'a pas récolté le fruit.
Cependant
l'esclave, grâce à son travail, va petit à petit maîtriser la nature, s'approprier le monde.
Il fabrique, il cultive, il récolte.
L'esclave
est confronté à la dureté du monde et le courage qu'il lui a fait défaut dans le duel, il le trouve face au travail, grâce au travail.
En transformant la matière, il se transforme lui même.
C'est la confrontation avec la négativité.
Le maître a de plus en plus besoin de l'esclave pour continuer à être lui même.
L'esclave n'a pas besoin du maître
pour travailler, il est donc devenu le maître du maître.
Tout ceci grâce ou à cause du travail..
Par la force des choses, les rôles
se sont inversés.
C'est tout le travail de la dialectique, c'est à dire du dépassement conservatoire.
C'est la « aufhebung ».
Nous pouvons interpréter cette lutte dialectique entre deux consciences d'une manière plus large.
En effet, nous pouvons y
voir l'opposition de deux groupes, de deux classes sociales ou bien de deux nations.
Nous le constatons, la dialectique de
Hegel est ouverte à l'interprétation.
Il est donc venu le temps des révolutions, c'est à dire de la prise de conscience par
l'esclave qu’il est devenu le maître.
Parce qu'il est dorénavant dans la maîtrise, de la nature par le travail.
L'esclave a donc reconquis sa liberté, il s'est donc ré-approprié lui-même, tout ceci grâce au travail
(l'esclavage, l'aliénation, c'est la dépossession de soi).
Ce dernier prend donc une valeur libératrice, voire réalisatrice de
sa nature profonde.
Cependant, l'homme ne possède pas un simple pouvoir transformateur, sur la nature.
Le travail est
plus que cela car il nous distingue du règne animal.
En effet, si nous considérons le travail comme la production consciente
d'un objet, et donc la réalisation d'un projet alors un animal ne travaille pas au sens strict du terme.
L'homme va utiliser les
animaux, il va faire travailler les animaux domestiques pour son profit.
L'abeille ne fait que poursuivre son déterminisme
biologique qui s'insère dans la vie collective de la ruche.
L'homme conçoit, invente, imagine, son travail et le produit de son
travail.
Ici, nous croisons, le propos de Karl Marx dans son ouvrage Le capital, où il nous affirme qu'il existe une grande
différence entre une abeille et un architecte.
Ce dernier (l'architecte) pense son ouvrage avant de le faire réaliser.
Le travail
est donc le moyen par lequel l'esprit pénètre la matière.
(Cf cours : La matière et l'esprit).
On le sait, l'architecture c'est ce qui reste lorsque la pierre est ôtée, enlevée comme nous le disait Plotin.
L'architecture c'est
l'idée, le concept.
L'esprit de l'homme a voulu faire un monde à son image et peut être à sa démesure.
En fait, le travail va
incarner les valeurs humaines dans le monde.
II Le progrès technique est-il un progrès pour tout le monde ?
Depuis la préhistoire, l'homme se sert de ce que la nature lui a donné.
C'est d'abord la main qui va s'imposer comme
le premier outil.
Nous retrouvons donc le propos de Leroi Gourhan dans son ouvrage Le geste et la parole.
Pour lui, le
développement du cerveau est articulé à la station verticale car elle a permis la libération de la main.
L'outil est d'abord un
simple prolongement de la main ou du poing.
Le développement des techniques, va accompagner l'évolution humaine et
nous allons assister, selon Leroi Gourhan à une approche évolutionniste de la technique.
Chaque culture va posséder ses
propres techniques en conservant les....
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