« La Maison du Berger », Alfred de Vigny. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
Jean-Jacques Rousseau puis les romantiques ont célébré la nature comme un havre de
paix, propice à la méditation.
Alfred de Vigny, bien qu'il ait su décrire les splendeurs de Paris dans ses Poèmes
antiques et modernes, nous invite, dans « La Maison du Berger », à quitter les villes pour
trouver la liberté dans la campagne.
Dans ce poème des Destinées, l'auteur peint les pouvoirs de séduction de la nature,
comme la variété des paysages et la beauté du soleil couchant.
Il y ajoute d'autres
attraits : la liberté, la possibilité de s'isoler et de rêver, un monde pur et harmonieux.
Les trois strophes de sept vers extraites de « La Maison du Berger » évoquent un
paysage de montagnes et de champs, décrits à un moment de la journée privilégié, le
crépuscule.
Les premiers éléments qui le caractérisent sont l'espace et la dimension.
Les bois sont « grands » (v.5), les champs sont « vastes » (v.5), les colonnes de la forêt
« profondes » (v.12).
S'y ajoutent la hauteur des montagnes et le creux des vallées.
La
campagne apparaît comme une large « mer » peuplée d'« îles » (v.6), l'horizon s'étend
loin, couvert de « bois » (v.l 8).
Cette immensité conserve une grande harmonie : la nature malgré ses dimensions
importantes reste accueillante par une température modérée (le soleil est présent, mais
s'accompagne de l'humidité des rivières et des sources).
Elle est animée d'un
mouvement lent et régulier qui lui donne une grande douceur : les lys se balancent dans
l'air du soir (v.11), le crépuscule «se balance» (v.19).
On notera également la variété des différentes parties du décor et de la flore.
Le paysage comprend des sommets (v.13), une vallée (v.15), des bois et forêts (v.5, 12,
18), des rivières et une source (« pâles ondes », v.13 ; « source », v.17 ; « rivages »,
v.20), des « champs » (v.5).
Parmi les arbres est cité le « saule » (v.14), particulièrement bien décrit puisque ses
branches tombantes sont comparées à des « reposons », ces autels dressés dans les
villages ou le long des étapes d'une procession, pour que le prêtre catholique y dépose le
Saint-Sacrement.
On les ornait souvent de fleurs et de feuillages, ce qui les rendait plus
proches encore de la nature qui les entourait.
D'autre part le saule, comme dans la
réalité, est situé près d'une pièce d'eau ou d'une rivière (« sur les pâles ondes le saule \
13-14).
Cet arbre en effet apprécie la fraîcheur.
Deux discrètes allitérations en [s] et [1]
retranscrivent son mouvement souple el lent (v.
13-14) :
«...
sur les pâles ondes
Le saule a suspendu ses chastes reposoirs »
Les plantes indiquent aussi qu'il s'agit d'un paysage d'Europe, dans un climat doux et
agréable.
Les fleurs sont présentes dans chacune des strophes, soit par le terme
générique (v.7 et 21 ), soit par les «lys» (v.11), qui font partie des plus belles corolles.
Ou encore deux allitérations, en [b] et [1], soulignent l'effet de la brise : « Balance les
beaux lys » (v.l 1).
La comparaison avec les « encensoirs » (v.11) évoque l'odeur suave
de ces fleurs.
On mentionnera aussi «l'herbe» (v.9,16), le «gazon» (v.16) et les «joncs »
(v.17).
Le coucher du soleil donne à ces plantes et au paysage un charme supplémentaire par la
qualité des couleurs et la douceur des lumières.
Ainsi le « crépuscule » (v.15) s'étend « sur l'herbe d'émeraude et sur l'or du gazon »
(v.16).
Deux belles images expriment dans la dernière strophe le mouvement du soleil
qui s'abaisse à l'horizon.
Il « se balance en fuyant sur les grappes sauvages » (v.l9), et «
jette son manteau gris sur le bord des rivages » (v.20).
Quant au « nuage des soirs »
(v.9) qu'élève l'herbe, il peut s'agir d'une buée d'humidité, ou de ses teintes
particulières.
Le thème du sommeil qui saisit la nature contribue à cette douceur.
« Le crépuscule [...]
s'endort dans la vallée » (v.15), déjà le bois rêve (v.18).
Nulle tristesse dans cet
endormissement, comme pourrait le faire croire le « soupir d'adieu du soleil à la terre ».
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