LA LITTÉRATURE FRANCOPHONE

« La litterature francophone LA FRANCOPHONIE Forge au xx, siecle, ce mot designe ('ensemble des pays o0 Ion parle le francais.

Un espace a geometrie variable, suivant que le francais y est parle par la majorite de la population, comme c'est le cas en Wallonie, au Quebec et en Suisse romande, ou par une tres petite minorite, comme en Israel ou aux Etats-Unis.

La France est, bien sCir, au cceur de la francophonie, meme si elle a pu jouer un retie moins actif dans ses institutions que le Canada, par exemple.

En revanche, quand on traite de litterature francophone, on n'inclut generalement pas les ecrivain francais. Une litterature francophone a pu se developper dans certains pays pour des raisons evidentes : ainsi, en Suisse romande, on ecrit depuis sept cents ans en francais.

Dans d'autres pays, comme ceux de I'Afrique noire, le francais s'est impose du fait de ('experience coloniale, et parce que les langues locales n'avaient pas de forme &rite.

Au Maghreb et au Proche-Orient, enfin, le francais est pratique en concurrence avec l'arabe, selon un jeu qui n'exdut pas une forme de complementarite et implique des choix esthetiques, culturels et ideologiques. EN SUISSE Son voisinage avec la France donne a la Suisse romande une situation paradoxale, dans la mesure 00 nombre de ses ecrivain ont ete annexes par l'histoire litteraire francaise.

Beaucoup d'entre eux, nes en Suisse, ont ete attires par Paris, oO ils ont ecrit l'essentiel de leur 1817), opposee a Napoleon, se refugie a Coppet.

La, elle redige ses oeuvres les plus importantes, De la litterature (1800) et De l'Allemagne (1810), qui brisent le carcan dassique au profit d'un pluralisme culturel et d'une esthetique faisant la part belle aux passions.

Son roman Corinne (1807) en offre une bonne illustration. Les ecrivain suisses de langue francaise se distinguent par leur goat pour fintimite; dans la lignee des deux precedents, Henri- FrEdEric Andel (1821-1881) s'impose au xuF siecle comme un extraordinaire explorateur des profondeurs de l'etre, avec son monumental Journal (publie partiellement en 1882-1884). Plus pres de nous, une ouverture au monde, a ses rythmes et a ses beautes traverse ('oeuvre du poete Blain Cendrars (1887-1961) : avec La Prose du transsiberien et de la petite Jehane de France (1912), it nous emmene bien loin de Paris... et de Geneve.

On pourrait citer aussi Charles-Albert anpia (1883- 1954) et Charles-Ferdinand Rama (1878-1947), deux prosateurs attentifs au mouvement du monde et des saisons. Parmi les auteurs marquants de la Suisse d'aujourd'hui, Philippe laccottet (1925) apparaft comme un poete de tout premier plan : Lignorant (1957) donne une bonne idee de son oeuvre, habit& par un souci de transparence et marquee par l'angoisse de la mort.

Mais Jaccottet, qui vit en Ardeche depuis des dizaines d'annees, est-il encore oeuvre : c'est le cas de kaw-Iscgtres Roassemi (1712-1778), dont les deux Discours, Emile (1762), Julie ou la Nouvelle Heloise (1761), Les Confessions (1782) et Le Contrat social (1762) sont des oeuvres phares des Lumieres francaises.

A ('inverse, certains sont revenus de Paris pour se fixer dans les environs de Geneve. Ainsi, Germaine de Mad (1766- suisse? Le romancier Jacques Giessen (1934), qui a recu le prix Goncourt 1973 pour L'Ogre, apparaft au contraire comme le veritable porte-drapeau d'une «ecole Suisse n, marquee par une certaine distance vis-a-vis du microcosme parisien. EN BELGIQUE Si le «detour suissen de la litterature francaise se situe incontestablement a la fin du siecle des Lumieres, on pourrait dater des annees 1880-1890 le «moment beige», celui qui volt Bruxelles simposer comme rivale de Paris et terre d'avant-garde. Le bref exil bruxellois de Victor Hugo, au debut des annees 1850, n'y est peut-kre pas kranger ; mais factivite intense d'un editeur comme Kistenmackers explique mieux la montee en puissance d'une sensibilite beige, marquee par un certain pessimisme et par un goOt pour la demi-teinte.

L'ecole symboliste et decadente sera la meilleure expression de cette sensibilite.

II Taut citer ici Max Elskamp (1862-1931), mais aussi et succes, La Confession anonyme. Le siecle est doming par la figure de Georges Memnon (1903-1989), surtout Maurice Maeterliadt (1862-1949), qui offre avec Pelleas et Aldisande (1892) un des manifestes de la sensibilite v fin de siede». Le roman de Georges Rodenbach (1855-1898), Bruges la morte (1892), donne une assez bonne idee de ces atmospheres fort eloignees de la vie parisienne. Dans les generations suivantes, des noms s'imposent : Franz Hellens (1881-1972), romancier touche a tout qui ecrira notamment Les Memoires d'Elseneur (1954), Fernand Crommelyuck (1886-1970), auteur dune pike au succes europeen, Le Cocu magnifique (1921), et surtout deux grandes figures de I'avant- garde litteraire : le dramaturge Michel de Ghelderode (1898- 1962), auteur notamment de La Farce des tenebreux (1952), qui retrouve la dimension bouffone de la peinture flamande; le poke Henri Michaux (1899-1984) qui, avec Un certain Plume (1930), propose une exploration vertigineuse de la condition humaine, envisagee sous ('angle de fetrangete a soi-meme. C'est d'etrangete, precisement, que se preoccupe fecole surrealiste beige, qui travaille des les annees 1920 en etroite collaboration avec le groupe parisien.

A cede de Paul Menge (1895-1965), qui fait partie des precurseurs, on notera en - particulier Garonne War (1901- 1992), qui publie sans nom d'auteur, en 1960, un recit promis a un sit ecrivain prolifique au statut ambigu : on mettra longtemps a reconnaitre derriere le createur du populaire commissaire Maigret un ecrivain de premiere importance, maitre es psychologie et atmosphere (Les Anneaux de Bicetre, 1961). Moins connus du grand public, les romanciers Paul Gadenne (1907- 1956 ; Si/oe, 1941) et Henri Bauchau (1913, (Edipe sur la route, 1990) se sont taille une solide reputation parmi les connaisseurs.

Dans la canadienne des annees 1930. Plus pres de nous, Anne Hebert (1916) interroge dans ses romans les formes et les rites de la societe de son pays, avec entre autres Les Fous de Boson (1982), qui narre la vie d'une petite communaute.

Jacques Godbout (1933), qui a participe generation suivante, on a surtout remarque Pierre Mertens (1939, Les Eblouissements, 1987), tandis que l'ceuvre plus discrete d'Eugene Savitzkaya (1955, Mentir, 1977), hantee par ('experience de la chair, est suivie avec attention par les critiques.

William Cliff (1940), enfin, incarne apres Norge (1898- 1990) le renouveau pokique, avec une voix fluide marquee par un lyrisme quelquefois traverse d'ironie (Autobiographie, 1993). AU QUEBEC Louis Haan (1880-1913) apparaft comme ('une des premieres grandes voix du Quebec litteraire, avec un roman posthume, Maria Chapdelaine (1914), qui connaitra un succes prodigieux.

Mais Hemon est ne a Brest, et s'il a choisi le Canada, on ne sait dans quelle nationalite le ranger... En fait, a la difference notoire des artistes de varietes, les auteurs canadiens auront quelques difficultes a s'imposer en France, et leurs noms sont encore peu connus du public. Gratlen Wilms (1909) est l'un des peres fondateurs de la litterature quebecoise, avec le personnage de Fridolin, un gamin degourdi caracteristique de la societe activement a la vie litteraire de la Belle Province, a publie pour sa part des romans interrogeant fidentite quebecoise.

On citera ainsi Salut Galarneau! (1967), auquel une suite a ete dorm& en 1993. Des auteurs moins realistes se detachent egalement : Victor -Levy Beading (1942), createur d'un personnage extraordinaire : Don Quichotte de la Demanche, qui traverse plusieurs romans; et surtout Mean Ducharme (1941), qui konne les annees 1960 par la surete de son talent et sa virtuosite verbale, mise au service d'un non- conformisme aussi bien social que linguistique et litteraire (L'Avalee des avales, 1966). Nicole Brossard (1943) incarne ('avant -garde poetique, A la fois comme auteur (Mordre en sa chair, 1966) et comme editrice et animatrice de revues teller La Barre du jour et Les Teter de pioche.. »