La limace de Raymond Queneau
Publié le 31/05/2021
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Lecture analytique n°4
Raymond Queneau, « La Limace », Battre la campagne , 1968
Introduction
• Présentation du poète
Raymond Queneau (1903-1976) est un poète français du XX ème
siècle ; longtemps membre d'un mouvement
poétique nommé l'OuLiPo (« Ourvoir de Littératures Potentielles »), il cherche à explorer de nouvelle
possibilités poétiques en se fixant des contraintes formelles ou en se donnant des thèmes originaux et
rarement traités en poésie ; son œuvre est donc expérimentale ( on peut parler de laboratoire d'écriture) mais
cependant pleine d'humour et de tendresse.
• Présentation du poème
Dans Battre la campagne (1968), Raymond Queneau évoque les transformations du monde rural à l'époque
de l'industrialisation et du monde paysan ; il évite autant la nostalgie du passé que la célébration du passé.
Parmi les sujets originaux dont il traite dans ce recueil : la limace.
Le poème prend la forme d'une courte
strophe écrite en vers libre : les vers n'ont pas le même nombre de syllabes, et ne riment pas entre eux, la
ponctuation a dispuru.
Queneau peut ainsi développer la musicalité de son texte de manière nouvelle.
• Problématique
Comment Queneau sublime-t-il la laideur de la limace ?
I – Le Portrait complexe d'un mollusque
• Une approche fraternelle : Queneau renverse la vision habituelle que l'on se fait de la limace, animal
considéré généralement comme un parasite laid et dégoûtant.
Il se place sur le plan moral, et
commence son poème par une apostrophe .
C'est à la limace que le poète s'adresse directement, par
le tutoiement , faisant de la limace son interlocuteur, un être auquel on peut s'identifier.
C'est une
manière de reprendre au XX ème
siècle la tradition de l' apologue (que pratiquait par exemple La
Fontaine dans les Fables ) : l'animal devient un moyen pour illustrer une qualité morale, destinée à
s'appliquer à l'humanité.
La limace est d'ailleurs l'objet d'une comparaison directe avec l'humanité :
elle est « semblable aux sargasses humaines » (l.7), vers mystérieux, où les humains sont comparés à
des végétaux (les « sargasses » sont des algues), et les animaux à des humains, comme si le poème
renfermait les végétaux, les animaux et les humains dans une profonde unité.
• Une approche ambivalente : la limace est donc pourvue de qualités morales, par des adjectifs
qualificatifs globalement mélioratifs : « pure et sans tache » (l.
1), elle est ramenée, au sens figuré,
à la pureté, à l'innocence.
Plus loin qualifiée d'« âme sagace » (l.6), elle est pourvue d'une âme,
comme une personne humaine, d'intelligence (de sagacité).
On peut penser que cette insistance sur
l'intelligence de la limace est un jeu de mot de la part de Queneau : limace peut s'entendre malice : le
mot et la chose sont liés entre eux par des correspondances secrètes, comme d'ailleurs limace/sagace.
La Limace est maline, rusée, intelligente : ces qualités rendent le portrait de la limace plus
ambivalent, puisqu'elles sont au service d'une faim dévorante, voire d'une boulimie, que le poète
qualifie de « fringale » (l.
4) et qu'il semble observer avec admiration et amusement ; il décrit en
effet par une hyperbole les « ravages » que la limace provoque sur les salades, dans les jardins.
L'adjectif qualificatf « vorace », renforcé par sa rime avec limace, vient donc donner de l'animal une
image de monstre, de prédateur.
• Une arpenteuse de l'espace : La limace fait partie des animaux qui battent la campagne : elle a donc
toute sa place dans le recueil.
Queneau la situe dans son « espace », par la périphrase le « dédale
des bourraches » (l.2) : les bourraches sont des plantes à fleurs bleues (qui peuvent rappeler le titre
d'un roman de Queneau, Les Fleurs Bleues , paru en 1965) ; le dédale rappelle le labyrinthe où, dans
la mythologie grecque, le Minotaure a été enfermé.
La limace affronte en permance le danger de se
perdre dans le dédale de la nature : on peut ainsi l'identifier au personnage mythologique d'Arianne.
Comme cette dernière trouvait la sortie du labyrinthe grâce à son « fil », la limace trace son chemin
grâce à sa « bave » (l.2), et échappe ainsi à la « haine du campagnard » (l.
9) qui veut la supprimer.
L'insistance sur le courage de la limace est renforcé par le rejet de «vivace » dans les vers 8 et 9 :
« limace brave qui pérpétue ta race/vivace » et par la proposition suborodonné concessive qui suit :
« malgré la haine du campagnard ».
Mais on peut aussi la comparer au Minotaure lui-même,
puisqu'elle est « vorace » et qu'elle « ravage » son milieu..
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