La liberté humaine est-elle limitée par la nécessité de travailler ?
Publié le 15/05/2020
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Introduction
Se fatiguant à la tâche, les hommes rêvent souvent de loisir, de temps libre et éprouvent le travail, dont ils ontbesoin pour vivre, comme un poids, une contrainte; on peut se demander s'il en est nécessairement ainsi et si lanécessité de travailler constitue une limitation de la liberté humaine.Nous verrons que, si elle constitue une limitation de la liberté naturelle, la nécessité de travailler peut être unedimension importante de la liberté proprement humaine, à condition de ne pas se transformer en aliénation del'homme par l'homme.
I.
LA SPÉCIFICITÉ DU TRAVAIL HUMAIN
La nature, marâtre envers l'homme.a) Pour pourvoir à sa subsistance, l'homme est bien moins armé par la nature que la plupart des autres animaux.
Iln'a ni griffes pour chasser, ni crocs pour se défendre, ni toison pour se protéger du froid : sa simple survie est déjàun problème.b) Le mythe d'un paradis perdu, d'un état dans lequel le travail n'était pas nécessaire (âge d'or du Politique dePlaton, Eden de l'Ancien Testament), évoque par contraste cette dure nécessité.
Travail humain et « travail » animal.a) Le travail humain implique la conscience d'un projet.
« Une araignée fait des opérations qui ressemblent à cellesdu tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte.
Mais cequi distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c est qu'il a construit la cellule danssa tête avant de la construire dans la ruche » (K.
Marx, Le Capital, 1867).
L'homme se distingue de l'animal de nombreuses façons : il est doté d'uneconscience, a le sens de la religion, est capable de pensée et de paroles, etc.Il suffit de considérer qu'il produit ses moyens d'existence pour le différencierradicalement de l'animal.
Produisant ses moyens d'existence, il produit sa viematérielle.
Le travail est une relation de l'homme à la nature, par rapport àlaquelle l'homme joue lui-même le rôle d'une puissance naturelle.
Utilisant soncorps pour assimiler des matières, il leur donne une forme utile à sa proprevie.
Et modifiant la nature extérieure, il modifie en retour sa propre nature etdéveloppe ses facultés par l'exercice du travail.
Les animaux, eux aussi,"travaillent" lorsqu'ils accomplissent des opérations semblables à celles desartisans : l'araignée tisse sa toile comme un tisserand, et l'abeilleconfectionne les cellules de sa ruche comme nul architecte ne saurait le faire."Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plusexperte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construiredans la ruche." Le propre du travail humain est d'être l'aboutissement de cequi préexistait idéalement en lui.
Le travail n'est pas une simpletransformation, un changement de forme dans la matière naturelle, c'est laréalisation d'un but ou d'un projet dont on a préalablement conscience, et quiconstitue la loi de l'action à laquelle on subordonne durablement sa volonté.Tout travail exige un effort, une tension constante de la volonté, d'autantplus que le travail est moins attrayant, et que l'homme ne peut y réaliser sesforces génériques.
b) Ainsi, alors que le travail humain est régi par la conscience du but à atteindre, le « travail » animal est instinctifet n'est pas perfectible.• Instinctif: Bergson (dans L'Évolution créatrice, 1907) définit la conscience comme la « différence arithmétiqueentre l'activité réelle et l'activité virtuelle ».
Dans l'instinct, poursuit-il, « la représentation est bouchée par l'action».
Au lieu que, chez l'animal intelligent (= chez l'homme), l'existence d'un déficit entre ce qui est donnénaturellement et ce qui est nécessaire à la survie favorise l'invention des moyens de survivre.• Non perfectible : La perfectibilité de l'homme (sa faculté de se perfectionner) est liée à la nature même du travailhumain.
« Les hommes deviennent plus habiles en trouvant mille adresses nouvelles, au lieu quel les cerfs ou leslièvres de ce temps ne sont pas plus rusés que ceux du temps passé » (Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendementhumain, 1703).
L'animal ne progresse pas.
Les castors d'aujourd'hui ne bâtissent pas avec plus d'art que les premierscastors, et l'abeille ne perfectionne pas la cellule qu'elle habite.
II.
La nécessité de travailler : une limitation de la liberté naturelle...
• Une contrainte extérieure.La comparaison entre les peuples d'Océanie et ceux des pays froids montre que l'homme n'éprouve passpontanément le besoin de travailler mais y est souvent contraint par les difficultés extérieures qui menacent sa vie: climat rude ou nature avare.
D'où, souvent, le sentiment que les peuples favorisés par le climat et la générosité dela nature sont plus heureux et plus libres car ils ne doivent consacrer qu'une très petite partie de leur temps à.
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