La liberté comporte-t-elle des degrés ?
Publié le 16/05/2020
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Introduction
La liberté est, si on la définit d'une manière générale, un pouvoir de faire ou de ne pas faire (on appelle ce pouvoir le" libre arbitre "), capacité à être le propre principe de ses actions, sans être contraint par rien d'extérieur à nous.Or, on a coutume de parler de la liberté en plusieurs sens, i.e., d'attribuer la caractéristique d'être libre en fonctionde considérations différentes.
Par exemple, on dit d'un tel qu'il est libre parce qu'il n'est contraint par rien nipersonne à agir de telle sorte, i.e., parce qu'il n'est pas esclave ; on dit d'un autre, par exemple, un prisonnier, qu'ilest libre de penser malgré le fait qu'il est enfermé dans une geôle contre sa volonté ; on dit encore qu'est libre celuià qui, au sein d'une société, est laissée la possibilité, et qui a le pouvoir effectif, de faire certaines choses ; ouencore, à un autre niveau, qu'est libre le sage, qui, et parce qu'il, maîtrise ses passions, etc.
La liberté comporte-t-elle, dès lors, des degrés ? Cela nous paraît être immédiatement évident, puisqu'on ne peut pas dire, en effet, que lenon esclave, le prisonnier, le sujet d'une société, le sage, etc., sont libres à un même niveau : il semble donc bien yavoir plusieurs niveaux de liberté.
Chacun de ces personnages serait dès lors " plus " ou " moins " libre, de telle sortequ'on pourrait tracer une échelle de la liberté, qui irait du niveau le plus bas de la liberté, au niveau le plus haut.Mais peut-on vraiment être plus ou moins libre ? Ne faudrait-il pas plutôt dire que la liberté ne comporte pas dedegrés, et réside seulement dans ce que nous caractérisons comme étant son plus haut degré ? Le problème qui sepose est donc celui de savoir si, hormis ce niveau extrême, on peut encore vraiment parler de liberté, i.e., si celafait sens de parler de " liberté moindre " ou " seulement en puissance ".
Si ces niveaux inférieurs de liberté sontmoindres que le niveau supérieur de l'échelle, alors, ne sont-ils pas tout simplement faux, et ne convient-il pas alorsde parler à leur propos de liberté illusoire ? Le discours sur la liberté en termes de degrés est-il donc sensé ? Laliberté ne serait-elle pas par définition ce qui échappe à tout degré ? N'est-elle pas un absolu ?
I- Au premier abord, il paraît nécessaire d'accorder que la liberté comporte des degrés
Il apparaît en effet que si la liberté était seulement ce qui se situe au niveau extrême, supérieur, de cettehypothétique échelle de la liberté que nous avons commencé à tracer dans notre introduction, alors, il serait toutsimplement impossible que nous soyons dits, en tant que nous sommes des êtres non raisonnables, mais seulementrationnels (doués de raison), " libres ".
En effet, comme on peut le voir chez Leibniz, dans le chapitre XXVI du livre IIdes Nouveaux Essais, qui trace ici une telle échelle, c'est Dieu qui se situe au niveau extrême, et donc supérieur, del'échelle.
Par conséquent, on voit bien que si l'on ne traçait pas une telle échelle, sur laquelle viendraients'échelonner des degrés de liberté, seul Dieu pourrait être dit libre ; à ce compte, même le sage ne serait pas libre,car, en tant qu'il a à prendre en compte les passions qui existent en tout homme, il n'a pas la liberté parfaite quipeut appartenir à Dieu seul.
On voit aussi Descartes recourir à une considération de la liberté en termes de degrés, afin de rendre compte de lapossibilité, pour l'homme, d'être dit libre.
Ainsi est-il amené, en raison de sa théorie de la création des véritéséternelles par Dieu, exposée dans les lettres à Mersenne de 1630, et qui a pour conséquence de poser que Dieu estle modèle même de ce qu'est un être libre, à savoir, que la véritable liberté consisterait à créer et à vouloir en mêmetemps ce qu'on connaît, i.e., à ne pas " adhérer " ou assentir à quelque chose d'extérieur, à dire, dans sa QuatrièmeMéditation Métaphysique, que " le plus bas degré de la liberté " est la liberté d'indifférence ".
La liberté entenduecomme pouvoir de faire ou de ne pas faire, sans être " déterminée " par aucun motif, n'est pas une vraie liberté, oun'est pas une liberté parfaite..
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