LA GABELLE
Publié le 15/05/2020
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LA GABELLE
Parmi les impôts de l'ancien régime, aucun n'est plus impopulaire que la gabelle.
Son taux élevé, ainsi quel'organisation particulière de sa perception, incitaient les gens à s'en affranchir.
L'affiche que nous publions nouspermet de saisir sur le vif le fonctionnement de l'administration des gabelles, ainsi qu'une des affaires les pluscaractéristiques parmi celles dont elle devait s'occuper.Après avoir examiné dans une première partie comment s'effectuait la vente du sel avant la Révolution, nousverrons, en nous appuyant sur le texte, comment on essayait d'éluder le paiement de l'impôt et commentl'administration réagissait avec brutalité.
La réglementation du commerce du sel
Il s'agit, bien entendu, pour le gouvernement, d'une mesure purement fiscale, d'un monopole de vente analogue aumonopole actuel du tabac ou des allumettes.Mais pourquoi ce monopole porte-t-il sur le sel ?Le sel est, à cette époque, beaucoup plus utilisé que de nos jours.
Il est pratiquement le seul procédé courant deconservation des aliments (les boites de conserves ne datent que de 1809).
Chaque famille en consomme donc uneassez grande quantité.
De plus, son extraction peut être facilement surveillée, aussi le gouvernement est-il certain,en imposant le sel, d'obtenir tous les ans une somme importante.La vente du sel.
— Le sel est stocké dans des dépôts, comme celui de Dieppe- dalle, mentionné sur l'affiche.Chaque grande ville possède en outre un grenier à sel où le sel est vendu au détail (dans bien des localités existeencore une rue du grenier à sel).Le grenier à sel n'est pas seulement un dépôt, c'est aussi un tribunal qui juge les petites causes relatives à lagabelle.
(Le grenier à sel de Paris siégeait rue des Orfèvres).L'impôt sur le sel n'étant pas uniforme, le prix du sel varie suivant les provinces.Le prix du sel est très très élevé dans les pays dits de grande gabelle (Ile-de- France, Champagne, Normandie,Perche, Orléanais, Touraine, Picardie, Maine, Anjou, Berri, Bourbonnais, Bourgogne), où l'Etat vend 2 880 livres cequ'il achète 40 livres, et chacun est obligé d'acheter chaque année une quantité minimum de sel dit "sel du devoir".Le prix est plus modéré dans les pays de petite gabelle, situés presque tous a l'Est et au Sud-Est du Massif Central.Il est minime dans les pays de salines (Lorraine et trois évêchés, Franche- Comté, Alsace), ainsi que dans les paysrédimés (c'est-à-dire qui ont racheté l'impôt : la France du Sud-Ouest.Il est nul enfin dans les pays francs (Bretagne, Artois, Flandre et Hainaut, Béarn, Navarre).Un des privilèges les plus enviés est le privilège de franc salé oui permet d'acheter le sel à un prix très faible (pourles hôpitaux par exemple).La perception de la taxe, selon la pratique courante de l'ancien régime, n'est pas faite par l'Etat.
La gabelle estaffermée ainsi que les autres impôts indirects (aides, traites, tabacs) et les domaines à un fermier général cautionnépar une quarantaine de financiers (qu'on nomme improprement fermiers généraux).
L'affiche mentionne "Thibault deRue, adjudicataire général des Fermes-Unies de France".A l'époque où est affiché le jugement, l'adjudication se monte pour la gabelle à environ 40 millions par an (presqueautant que la taille qui rapporte 60 millions).Le taux élevé de la gabelle et surtout les grandes différences de prix entre provinces voisines font que bien desgens essaient d'échapper à cet impôt.
Les efforts pour s'affranchir de l'impôt
Le faux saunage.
— La tentation est grande d'acheter du sel dans des pays exempts de gabelle, en Bretagne parexemple, et de le revendre dans des pays de grande gabelle.Il ne faut pas croire que le faux-saunage soit le fait d'individus isolés qui écoulent clandestinement leur marchandise."La fraude était universellement pratiquée et trouvait appui dans les châteaux, les chaumières, les couventsmême...
Le faux saunage était vraiment dans tous les pays situés au contact des pays exempts et des pays degrande gabelle, la grande industrie nationale.
Il y avait des hommes isolés portant sur eux une charge de 50 à 80livres de sel, des femmes, des enfants, des chiens même, il y avait des convois entiers, il y avait des bandesfortement organisées, faisant volontiers avec les gabelous exécrés des "heurtements" où elles avaient souventl'avantage...
"Necker rapporte que la contrebande du sel amenait annuellement l'arrestation de 2 300 hommes, de 1 800 femmes,de 6 600 enfants, la confiscation de 1 100 chevaux et 50 voitures et 300 condamnations aux galères".M.
Marion (Dictionnaire des institutions de la France.)
L'acte qui est jugé par la cour des aides est évidemment plus grave que la contrebande.
Plutôt que d'aller acheter lesel en Bretagne, quatre individus : deux ouvriers du textile, un soldat, un passeur (on remarquera la diversité desconditions) ont préféré cambrioler un des dépôts, la nuit du 31 décembre 1744.
Le cambriolage est important, car.
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