LA DISSERTATION MAL AIMÉE ? (méthodologie pour la dissertation en économie)

LA DISSERTATION MAL AIMÉE?

Des critiques souvent induites par l'ignorance?

Il est difficile de commencer un ouvrage sur la dissertation sans se référer à son image publique, tant il est vrai que nous vivons dans une société de communication où l’image compte autant que la réalité. Les accusations les plus courantes contre la dissertation résultent d’un malentendu. Avoir une bonne (ou une mauvaise!), note en dissertation est, croit-on souvent, le fruit du hasard. Le candidat malheureux imagine qu’il n’a pas eu la même opinion que son correcteur, qu’en cet exercice littéraire, il n’y a pas d’instrument de mesure sérieux. Pour les uns, avoir révélé son opinion est la cause de l’échec; pour d’autres, un excès de prudence et de dissimulation a rendu le devoir insipide et la note médiocre, mais une autre attitude plus audacieuse, plus « personnelle », aurait fait courir des risques insupportables... Les candidats multiplient à l’infini anecdotes savoureuses ou plaintes amères. Le plus souvent, ces critiques résultent tout simplement de l’ignorance des règles du jeu de la dissertation : c’est ce que ce livre veut rendre limpide.

Les vraies critiques

■ La dissertation favorise ceux qui ont un maniement aisé de la phrase et de l’écriture; en particulier, c'est un exercice où les différences de milieu familial et d'éducation sont très perceptibles. Une telle critique sociale de la dissertation, comme exercice lié à certaines catégories sociales privilégiées par leur accès familial à la culture, n’est pas à négliger, surtout en Sciences économiques et sociales. Il faut néanmoins remarquer que les handicaps dans le domaine que Pierre Bourdieu désigne du nom de « capital culturel » sont perceptibles dans bien d’autres exercices et correspondent aux exigences incontournables de toute activité intellectuelle. Le rôle d’un tel ouvrage et de tout enseignant consiste à rendre explicite la règle du jeu pour que sa maîtrise ne soit pas réservée aux seuls privilégiés de la naissance et de la culture.

■ La dissertation permet de masquer certaines lacunes dans la maîtrise des statistiques à la différence d’exercices plus précis tels que les commentaires de tableaux de chiffres, la construction de graphiques, etc.

■ La dissertation ne fait pas une place assez grande à certains aspects importants de l’analyse économique, comme les schémas ou la visualisation graphique des données. Depuis les nouvelles instructions. du doyen de l’inspection générale de Sciences économiques et sociales, M. Guy Palmade, il est désormais possible et conseillé aux candidats d’intégrer à leurs dissertations des schémas, calculs et graphiques comme autant d’étapes techniques dans leur démonstration. Peu de candidats au Bac B ou aux divers concours administratifs usent, il est vrai, de telles possibilités de rendre plus parlantes leurs copies; pourtant, un schéma vaut parfois mieux qu’un long discours (si dangereux en temps limité).

A ces critiques, on peut répondre en plagiant Marcel Pagnol: « La plus belle copie du monde ne peut donner que ce qu’elle a! » La dissertation n’est ni un mémoire, ni une thèse, ni un dossier, il ne faut donc pas lui demander d’être exhaustive, technique et documentée comme l’article d’une revue spécialisée en économie... Cependant la dissertation donne le sens de la rigueur, des règles précises à respecter. Elle constitue en particulier une préparation indispensable pour savoir ultérieurement rédiger des mémoires, des thèses universitaires ou même les rapports qui sont demandés à tout cadre.