La crise et les transformations des formes de l'emploi ne signifient nullement la fin du travail
Publié le 09/09/2020
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«
La crise et les transformations des formes de l’emploi ne signifient nullement
la fin du travail
Les transformations que le travail et l’emploi ont connues depuis la crise de
1974 ont conduit certains observateurs à annoncer la « fin du travail ».
Pour
les uns, le travail changerait de nature, il deviendrait une activité
susceptible de permettre l’épanouissement individuel.
Pour les autres, il n’en
serait rien, mais la réduction inéluctable du temps à lui consacrer en raison
des nouvelles technologies lui ferait perdre la centralité qu’il a eue jusqu’à
présent dans la vie sociale et laisserait la possibilité de se livrer à des
activités libres véritablement créatrices.
Il y a fort à parier que ni l’une ni
l’autre de ces perspectives ne se réalisera.
Les tenants de la thèse de la « fin du travail » par changement de sa nature ont
été sensibles à l’abandon de règles dites tayloriennes dans les entreprises, à
la disparition de nombreuses tâches pénibles et peu qualifiées, ainsi qu’à la
sollicitation de l’initiative des salariés.
Le travail serait donc selon eux de
moins en moins contraint et prescrit.
Il tendrait à devenir une activité
permettant à un nombre croissant de salariés d’accroître leurs compétences,
voire de s’y accomplir.
Mieux encore, il deviendrait possible de développer à
nouveau les emplois de travailleurs indépendants, maîtres de leur temps et de
leurs outils, notamment grâce aux nouvelles technologies.
La « fin du travail »
résulterait de son dépassement.
Une division de l’intelligence du travail bien antérieure au taylorisme
La division du travail aurait atteint son paroxysme avec le travail à la chaîne
et sa généralisation.
Le rejet de ce modèle par les ouvriers dans les années
1970, ses contre-performances en terme de qualité, les limites atteintes en
terme de productivité auraient finalement convaincu un nombre croissant de
dirigeants d’entreprise de la nécessité de remettre en cause les principes
tayloriens.
Après avoir essayé l’« humanisation du travail » préconisée par des
firmes suédoises sous forme de travail en « module », ils auraient finalement
adopté les « méthodes japonaises », consistant à demander aux opérateurs
d’améliorer l’efficacité du travail à la chaîne ou celle des machines en
recherchant et en éliminant les causes des défauts, des dysfonctionnements et
des pannes [voir « Les grandes entreprises occidentales favorisent une
organisation du travail qui repose sur une autonomie contrôlée »].
Les ouvriers
et nombre d’employés pourraient à nouveau trouver dans leur activité
professionnelle la possibilité de s’investir intellectuellement et
affectivement, comme peuvent le faire les techniciens et les cadres.
Cependant, la disparition de tâches de production directe n’aboutit pas à ne
laisser que des emplois de conception, de gestion et de maintenance.
Elle a été
accompagnée d’un déplacement de la division du travail au sein de ces activités.
Il en est de même pour les activités de service, à travers certaines formes
d’informatisation.
En fait, la division de l’intelligence du travail est bien antérieure au
taylorisme, elle remonte au moins à la naissance du capitalisme et du salariat.
Elle s’est imposée dans l’organisation productive et la conception des machines
car les propriétaires ou les dirigeants ne pouvaient avoir la certitude
d’obtenir de leurs salariés la production - en quantité, qualité, coûts et
délais - pour laquelle ils avaient investi en capital.
La limitation de
l’autonomie et du savoir nécessaire des salariés dans la réalisation de la
production a été et demeure, avec la pression du chômage, la voie privilégiée
pour réduire cette incertitude.
L’inversion de la division de l’intelligence du
travail impliquerait de parier sur la confiance et aboutirait de proche en
proche à remettre en cause le rapport salarié lui-même.
C’est la raison pour
laquelle elle n’a jamais durablement prévalu..
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