LA COULEUR
Publié le 16/05/2020
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COULEUR
La couleur n'est pas un attribut de la lumière ou des corps.
C'est une propriété révélée par le cerveau.
La couleur n'existe pas dans lanature, elle n'apparait que lorsque l'on introduit le cerveau et la conscience.
La lumière qui rentre dans l'oeil va engendrer une cascade dephénomènes physico-chimiques, qui finissent par envoyer dans la conscience tout à fait autre chose que la lumière entrante.
La couleur cen'est pas la longueur d'onde.
La couleur est le résultat d'une élaboration complexe, et appartient par ses propriétés à un espace mentaltout à fait différent de l'espace physique.
Tout comme pour la perception des formes, où l'espace pictural n'est pas l'espace physiqueeuclidien, l'espace des couleurs n'est pas non plus un espace physique euclidien.
Le grand physicien Erwin Schrödinger avait très biencompris le caractère particulier de la géométrie de l'espace des couleurs.
A cheval sur l'Art et la Science, l'étude et l'emploi de la couleuront mobilisé les plus grands artistes et les plus grands savants, tout en constituant le sujet de débats épistémologiques et philosophiquesincessants.
On ne peut cependant que regretter que la connaissance de la couleur reste un des parents pauvres de la culturecontemporaine.
Et ce d'autant plus que l'omniprésence de la couleur, banalisée par les technologies, tend à occulter l'ensemble desdéveloppements théoriques et conceptuels qui la concernent.
A ceux qui pensent que la couleur révèle la nature du monde et à ceux quisoutiennent -à juste titre d'ailleurs- qu'elle révèle la nature du cerveau (avec l'oeil pour "éclaireur") on a envie d'opposer ceux quipenseront un jour, qu'à travers la couleur la nature du cerveau révèle la nature du monde.
Il y a là comme une boucle fermée essentielle,tout comme si, allant de la syntaxe vers la pragmatique en passant par la sémantique, on refermait la pragmatique sur la syntaxe pour lajustifier.
Les signes et leur syntaxe ne valent que s'ils assurent une bonne correspondance avec le réel.
Un clin 68 d'oeil à l'a priori deKant que Semir Zeki, le neurobiologiste, spécialiste bien connu de la vision des couleurs, ne se prive pas de suggérer : "Plus sans doutequ'aucun autre aspect de la vision, son étude - celle de la couleur - nous force à modifier notre conception du rôle des aires sensoriellesdu cortex cérébral.
Cette étude commence à nous faire comprendre que le cortex ne se borne pas à analyser les couleurs de notreenvironnement visuel.
En fait il transforme l'information qu'il recueille pour créer des couleurs, qui deviennent des propriétés du cerveau etnon du monde extérieur.
Mais en même temps, le cerveau rapproche autant que possible ces constructions - les couleurs - des constantesphysiques dans la nature, et dans ce processus, il se rend aussi indépendant que possible de la multitude des modifications del'environnement.
Pour faire écho aux lignes de conclusion de Charles Darwin dans son grand livre, il y a là une splendeur dans cette visiondu cortex cérébral, qui en partant de l'information perpétuellement changeante qui lui parvient, distille les véritables constantes de lanature et construit la variété pratiquement infinie des couleurs qui, outre qu'elle agit comme mécanisme de signalisation, enrichit notreexpérience du monde visuel".
On ne peut cependant pas considérer le phénomène couleur comme purement individuel.
La perception descouleurs, comme la perception en général est d'abord une activité collective et culturelle avant de prendre un sens individuel.
Cette activitécollective a des lois et se constitue en véritable paradigme.
L'activité perceptive constitue un processus actif et non passif, interactif et nonisolé, cognitif et non purement visuel, de sorte que toute perception est en même temps un processus d'interprétation, lequel repose surun savoir implicite ou explicite, qui n'est d'autre qu'une conséquence des conditions paradigmatiques qui règlent la perception à tel ou telmoment dans telle ou telle culture donnée.
Ainsi sous la perception des couleurs se cache une activité symbolique au même titre que lelangage.
La couleur est un langage.
Aussi ne faut-il pas s'étonner de voir apparaître des systèmes de classification des couleurs les unespar rapport aux autres, des systèmes chromatiques.
La notion de couleur complémentaire y joue un rôle central.
S'il y'a systèmechromatique, c'est que l'organisation des couleurs entre elles est déjà régi par un ensemble de catégories, de croyances qui participent del'imaginaire de la couleur et règlent également ce qu'on appelle l'harmonie des couleurs.
Un peintre juxtapose-t-il deux couleurs parcequ'elles lui plaisent ou pour satisfaire à un canon d'harmonie chromatique ? A moins qu'il n'ait intériorisé les règles d'harmonie quiprédominent à son époque et qui ont façonné son gout au point de les suivre ou de s'y opposer.
On prétend souvent que la couleur chezles peintres ne relève pas d'un langage mais de l'émotion, et échappe à toute analyse rationnelle.
Bien des études montrent qu'il n'en estrien.
Toute la problématique de la classification des couleurs tourne autour des rapports entre les couleurs et la lumière et la couleurblanche.
Les considérations ordinaires sur la lumière blanche répètent le point de vue de Newton pour interpréter ses expériences avec leprisme : la lumière blanche est un mélange de lumières colorées.
La lumière blanche est de ce fait non homogène et les lumièrescolorées en sont les constituants.
Il est dommage que ce point de vue, justifié lorsque l'on se réfère à Newton, soit encore largementrépandu même chez le physicien 69 qui ne s'intéresse pas à la couleur.
La physique moderne considère la lumière blanche non pascomme un mélange mais comme une superposition.
La lumière blanche est homogène et se présente comme un processus aléatoire dontl'analyse de Fourier fournit les lumières colorées.
Le prisme révèle la structure mathématique de la lumière blanche.
Mais la perceptiondes couleurs est liée à l'excitation dans l'oeil de trois types de bâtonnets et non pas à une logique des longueurs d'onde.
Des lumières decompositions spectrales différentes peuvent être perçues comme une même couleur (couleurs métamères).
On distingue deux catégoriesde compostions des lumières, la synthèse additive par addition des lumières colorées et la synthèse soustractive par mélange depigments colorés Deux couleurs sont dites complémentaires lorsque leur addition (superposition) donne l'aspect de la lumière blanche ouleur mélange (soustractif) donne l'aspect du gris ou du noir.
Il existe des couleurs primaires dont l'addition ou le mélange pondérésdonne l'aspect de presque toutes autres couleurs du spectre.
Ce sont le rouge, le vert, et le bleu en synthèse additive (système RGB) etdu magenta, du cyan et du jaune en synthèse soustractive.
La loi dite de contraste simultané de Chevreul énonce que lorsque deuxcouleurs sont juxtaposées chaque couleur ajoute sa complémentaire à l'autre.
C'est le gris qui modifie le moins une couleur.
C'estpourquoi les imprimeurs de livres d'art utilisent souvent le gris comme fond et que les conservateurs du livre couvrent progressivement degris les salles de peinture.
Les amateurs privés de peinture n'en sont encore pas à peindre en gris les murs de leur salon !! Lephénomène couleur est un phénomène largement perceptif et c'est ce qui fait sa complexité donnant lieu à une véritable science de lacouleur.
Il ne faut pas à propos de la couleur tomber dans le piège physicaliste.
Du point de vue philosophique il existe un vaste débatsur la couleur pour savoir si la couleur appartient au corps ou si elle est en puissance dans le corps.
Pour les physiciens qui ont créé lavision physique du monde depuis le début du XVI ème siècle, la couleur n'y a pas de place, ce qui ne les empêche pas de s'y intéresser.C'est le cas de Galilée, Boyle, Descartes, Newton, Young, Maxwell et Helmholtz.
Les physiciens contemporains s'intéressent peu à lacouleur.
Il est d'autant plus remarquable que l'un des plus grands d'entre eux, Schrödinger, se soit trouvé engagé dans l'étude la couleur,lorsqu'il se tourna vers la fondation de la mécanique quantique en proposant sa célèbre équation.
Cependant d'un point de vue physicisteles couleurs ne dépendent pas de la perception mais sont des aspects intrinsèques et qualitatifs des surfaces physiques.
A cette positionobjectiviste répondent des positions où la couleur dépend de l'observateur de manière physiologique ou sociale.
Pour certains les couleurssont des propriétés culturelles.
Etre rouge pour un objet c'est satisfaire des critères qui permettent d'appliquer le prédicat “rouge”.
Lathéorie de la couleur a ceci de commun avec la mécanique quantique d'être une logique de l'apparence.
Le problème de la couleurconstitue un des grands thèmes de l'examen des rapports entre art et science..
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