La conscience de classe

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« La fortune du terme remonte au Manifeste communiste où Marx déclare que « l'histoire de toutes les sociétés est celle de la lutte des classes ». Selon Marx, la classe est essentiellement d'origine économique et les rapports de classe correspondent exactement aux « rapports de production ». Boukha-rine 1 définit la classe comme << une collectivité de gens qui jouent le même rôle dans la production et soutiennent les mêmes relations avec d'autres gens, participant au processus de production ». Mais les marxistes reconnaissent qu'une classe ne se constitue définitivement que si elle prend conscience de son existence et de sa solidarité en vue d'une action commune. Ainsi les liens qui unissent les membres d'une même classe comportent-ils, au moins en puissance, un élément moral. Ils varient d'ailleurs selon la situation de la classe, dans la hiérarchie sociale. [...] Homme politique soviétique, théoricien du marxisme (1888-1938). L'existence d'une conscience de classe dans plusieurs couches sociales — notamment dans le patronat bourgeois, • chez les ouvriers, et même dans la paysannerie — ne saurait être niée; mais de nombreux auteurs contestent qu'elle résulte directement du statut économique et du rôle dans la production. Selon eux interviennent d'emblée certains facteurs psychologiques et culturels. II. La classe se définirait surtout par un style de vie et de pensée commun, une similitude de besoins, d'éducation, d'aspirations. Certains vont même jusqu'à soutenir que c'est moins le rôle dans la production que le style de consommation qui détermine l'appartenance à une classe et la conscience d'en faire partie. Ce sont ces auteurs qui, à l'inverse de Marx, refusent de ranger les «travailleurs à col blanc », salariés de bureau, petits intellectuels, parmi les prolétaires. Et il faut bien reconnaître que ces catégories sociales tendent psychologiquement (sinon économiquement) à se hausser au-dessus du prolétariat ouvrier envers lequel elles éprouvent souvent une sorte de mépris, mêlé de crainte, et non un sentiment de solidarité. [...] . Faut-il se résoudre à une véritable distinction entre classe économique et classe psychologique? Ce serait alors méconnaître l'influence certaine du niveau sur le style et même sur l'idéal de vie, et le rôle réciproque que joue ce dernier, en poussant certains individus — quand la structure sociale le permet — à s'élever dans la hiérarchie des classes. Il est plus prudent de convenir que la conscience de classe n'existe fortement que là où niveau et style de vie vont de pair c'est-à-dire chez les ouvriers et dans la haute bourgeoisie. Tout le secteur intermédiaire — nommé si souvent « classes moyennes» — est psychologiquement étiré entre ces extrêmes, même si l'on admet, économiquement, une prolétarisation croissante. Il faudrait signaler enfin les éléments idéologiques (super-structures) de la conscience de classe, là où elle existe avec intensité. III. Dans les classes privilégiées, apparaît un processus de justification, engendrant les sophismes de classes », destinés à la fois à mystifier autrui, et à se donner bonne conscience. Comme le remarque Pradines, il n'y a pas de sophismes qu'on n'ait inventé pour établir qu'un dosage convenable d'oppression était la forme nécessaire et légitime de la collaboration sociale. Ces soplusmes postulent d'ailleurs une conception pessimiste de la nature humaine, qui est sans doute l'effet indirect d'une mauvaise conscience. Inversement, dans les classes opprimées, et chez leurs théoriciens, le ressentiment contre l'état de fait se transcende souvent en une mystique ...»