La batailleOn entendit des craquements et des cliquetis à l'intérieur du meuble, et Marie vit s'ouvrirbrusquement les couvercles de toutes les boîtes où étaient cantonnées pour la nuit lestroupes de Fritz.
Publié le 23/05/2020
Extrait du document
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La bataille
On entendit des craquements et des cliquetis à l'intérieur du meuble, et Marie vit s'ouvrir
brusquement les couvercles de toutes les boîtes où étaient cantonnées pour la nuit les
troupes de Fritz.
Des soldats s'en échappèrent pour sauter sur l'étagère inférieure où ils
formèrent leurs rangs.
Casse-Noisette courait de l'un à l'autre, encourageant ses
bataillons de la voix.
On entendit des hennissements et des piaffements dans l'armoire ; les dragons et
les cuirassiers de Fritz et surtout ses hussards flambant neufs se mirent en marche et
s'arrêtèrent sur le plancher.
Quelques instants plus tard, les canons firent leur apparition : boum ! boum ! Marie
vit des petits pois en sucre atterrir dans les rangs serrés des rats qui se trouvèrent, à leur
grande honte, aspergés de poudre blanche.
Mais les plus grands dégâts furent provoqués
par une batterie de gros canons déployée sur le tabouret de maman qui envoyait sans
discontinuer des bonbons durs sur les rats, faisant de nombreuses victimes dans leurs
rangs.
Mais les rats avançaient irrésistiblement et ils firent même une incursion dans les
positions de l'artillerie.
La confusion était telle et il y avait tant de poussière et de fumée
que Marie avait le plus grand mal à distinguer ce qui se passait.
En tout cas, il était évident
que les deux partis se battaient avec une fougueuse détermination, et l'issue resta
longtemps incertaine.
Les rats déployaient des troupes de plus en plus nombreuses et les
petites pilules argentées qu'ils projetaient avec force et adresse grâce à leurs frondes
atteignaient déjà la porte vitrée de l'armoire aux jouets.
Au c œ ur de la mêlée, l'imposante cavalerie des rats avait surgi sans bruit de
derrière la commode et s'était précipitée sur l'aile gauche de l'armée de Casse-Noisette,
en poussant de sinistres et féroces piaillements.
Mais quelle formidable résistance
rencontrèrent-ils ! Lentement, en raison des difficultés du terrain, il fallut franchir le
rebord de l'armoire vitrée.
Le régiment des porte-étendard, conduit par deux empereurs
chinois, s'était avancé pour se disposer en carré plein.
Ces soldats intrépides, aux
somptueux costumes de jardinier, Tyroliens, coiffeurs, arlequins, cupidons, lions, tigres et
singes combattirent avec sang-froid, courage et détermination.
Ce régiment d'élite aurait arraché la victoire à l'ennemi si un rat fougueux n'avait
sauté dans la mêlée et arraché d'un coup de dent la tête de l'un des empereurs chinois qui
entraîna dans sa chute deux arlequins et un singe.
Cet incident ouvrit une brèche par où
s'infiltra l'ennemi, et le bataillon des porte-drapeau fut bientôt taillé en pièces.
L'armée de Casse-Noisette ne cessa de reculer, perdant de plus en plus de soldats,
jusqu'au moment où l'infortuné Casse-Noisette se retrouva acculé devant l'armoire aux
jouets avec une poignée de fidèles.
«A moi, la réserve! cria-t-il.
Pantalon, Scaramouche, Tambour où êtes-vous ? »
À ce moment précis, deux tirailleurs ennemis le saisirent par son manteau de bois, et
le roi des rats, poussant des piaillements de triomphe de ses sept gosiers, s'élança sur lui.
Marie était hors d'elle.
« Oh, mon pauvre Casse-Noisette ! mon pauvre Casse-Noisette sanglotait-elle.
»
Sans savoir ce qu'elle faisait, elle ôta sa pantoufle gauche, et la jeta à toute volée au
milieu des rats, en visant leur roi.
Au même moment, tout s'évanouit à la vue de Marie.
Elle
ressentit une violente douleur au bras gauche et tomba à terre, sans connaissance..
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