L'opinion doit-elle être le guide du pouvoir politique?
Publié le 23/05/2020
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L’opinion doit-elle être le guide du pouvoir politique?
Les citoyens d’un Etat n’en finissent pas de donner leur avis sur les décisions
politiques, prises ou à prendre.
C’est un exercice à peu près quotidien, qui révèle
d’ailleurs la variabilité de leur opinion.
Conviendrait-il que le pouvoir tienne compte, avant d’agir, de l’opinion? La
philosophie a fortement souligné ce qui sépare l’opinion de la connaissance, et
comment la première est liée à la sensibilité et aux intérêts immédiats.
On ne peut
donc la confondre avec ce que Rousseau nommait « volonté générale », et il est à
craindre qu’un pouvoir prenant l’opinion pour guide verse dans la semble démagogie,
se rendant incapable de décisions autonomes, et n’exerçant en réalité plus aucun
pouvoir sérieux.
I- Que représente l’opinion?
A- Elle n’est pas une connaissance:
Dans le Ménon, Platon distingue l’opinion (la doxa, qui fait confiance à ce qui
apparaît ou semble évident) de la « science » ou connaissance vraie.
Il inaugure
ainsi une tradition philosophique qui tiendra durablement l’opinion pour un guide peu
fiable, que ce soit dans le domaine de la connaissance ou dans celui de l’action.
L’opinion ne représente que le premier échelon vers une connaissance réelle, ou sa
première approximation (Spinoza).
Il est par exemple notable que l’on ne parle
jamais, à propos d’un mathématicien ou d’un physicien, de son opinion concernant
une théorie ou une démonstration.
Quant à évoquer une opinion en morale, on
devine qu’elle ne serait guère digne d’être suivie, car on pressent qu’elle serait
éminemment subjective, et dès lors incapable de fonder une conduite un tant soit
peu généralisable.
B- Elle est fuyante et versatile:
Platon examine pourtant un cas étrange: il arrive que des opinions puissent
nous guider convenablement, parce qu’elles coïncident avec ce que nous indiquerait
une connaissance.
C’est pour rappeler, à propos de ces « opinions droites », une
plaisanterie concernant les statues de Dédale, dont on disait volontiers (parce
qu’elles imitaient bien le mouvement) qu’il fallait les attacher si l’on voulait les
maintenir en place.
Les opinions droites ne pourraient donc être liées qu’en se
trouvant intégrées dans un raisonnement, c’est-à-dire rapprochées de la
connaissance, autrement dit en n’étant plus des opinions.
Outre que ces dernières
sont « fuyantes », on constate aisément qu’elles peuvent varier d’un individu ou d’un
moment à un autre.
Formulant une réaction rapide (donc irréfléchie) à une situation,
l’opinion change en fonction de l’humeur, d’une information nouvelle qui contredit les
précédentes, ou même du prestige d’un interlocuteur (à l’opinion duquel on se
rangera volontiers); elle est impressionnable et fragile).
C- Elle est liée à des intérêts restreints:
Lorsqu’elle s’affirme individuelle sur le ton du « Moi, je pense comme ça »,
l’opinion revendique sa subjectivité, et révèle l’illusion sur laquelle elle repose,
puisqu’il ne saurait exister, à propos d’un sujet, autant de façons de penser que
d’individus.
Si elle s’annonce collective ou même, comme on la qualifie plus
volontiers aujourd’hui, « publique », c’est pour se réaliser dans une pluralité de
positions, puisqu’une de ses versions ne fait jamais l’unanimité et qu’il existe au.
»
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