L'univers dramatique de Paul CLAUDEL

« L'INSPIRATION CHRÉTIENNE Dans son oeuvre théâtrale, comme dans son oeuvre poétique, Paul Claudel éclaire le mystère de l'univers et ledestin de l'homme à la lumière de la foi chrétienne.

Pour lui, les êtres s'étagent sur deux plans différents : « Aux célestes le ciel, et la terre aux terrestres », déclare Jacques Hury dans L'Annonce faite à Marie.

Les « terrestres » représentent l'ordre de la chair ou du péché; avides de biens matériels et possédés par les diverses passionshumaines, ils symbolisent, dans leur solitude égoïste, l'angoisse ou la détresse de la créature sans Dieu : ainsiToussaint Turelure, plébéien hypocrite et féroce, recherche avec obstination les satisfactions les plus éclatantes enpolitique et en amour, mais n'inspire que haine et répulsion à son entourage.

Les « célestes » représentent l'ordre dela sainteté ou de la grâce; souvent contraints d'exercer un douloureux effort pour se détacher de la terre, ilss'acheminent peu à peu vers la Vérité : ainsi don Rodrigue, tour à tour possédé par la passion de la gloire et parl'amour d'une femme, trouve son accomplissement dans l'unique pensée de Dieu. LA VISION COSMIQUE Selon Claudel, l'univers réalise une complexe, mais harmonieuse unité, faite de subtils accords entre le corps etl'esprit, la terre et le ciel, le visible et l'invisible : le rôle du dramaturge est de suggérer cette grandiose « mélodie».

Pour réaliser ce dessein, Claudel s'affranchit des limites spatiales et temporelles que les conventions ou les traditions imposent à la plupart des dramaturges : Le Soulier de satin s'étale sur un demi-siècle et transporte le spectateur du désert de Castille à la côte de.

Mogador, d'une forêt vierge en Sicile à Prague et à Panama, de lapleine mer que sillonnent des caravelles jusqu'au milieu du monde astral.

Mais Claudel ne se contente pas de figurerl'immensité de l'univers; il suggère aussi le mouvement lent et continu qui anime la nature : par là s'expliquel'absence presque totale de péripéties dans beaucoup de ses drames; une progression majestueuse se déroule, sansheurts ni ruptures, telle la coulée d'un grand fleuve.. »