L'auteur d'une introduction à l'édition récente des Fables de La Fontaine souligne que la versification d'apparence facile est dans cette oeuvre l'expression même d'une diversité fondamentale. Qu'en pensez-vous ?
Publié le 09/12/2021
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Introduction
«La Cigale et la Fourmi», «Le Corbeau et le Renard» et d'autres fables où l'on voit un loup croquant un agneau, unchêne se révéler plus faible qu'un roseau, quand ce n'est pas une grenouille voulant faire le bœuf, ce sont toujoursces histoires de bêtes et de plantes, rarement d'hommes que retient la mémoire enfantine et scolaire.
Leçons peuvariées et récitations monotones !Cependant, qui s'applique à mieux connaître ces fables peut percevoir leur « diversité fondamentale », selonl'expression d'un commentateur.Leur mise en page rend évidente la diversité des mètres employés ; mais celle-ci est repérable à bien d'autressignes.
À tel point qu'il semble légitime de s'interroger sur ce qui peut faire l'unité sinon de l'ensemble des Fables, dumoins du second recueil et plus particulièrement du livre IX : sa cohérence, mais aussi les traits permanents del'artiste dont on trouve ici peut-être l'expression.
Première idée directrice : les manifestations de la « diversité ».
I.
Diversité des destinataires (enfants ou adultes)
Le premier recueil est dédié «à Monseigneur le Dauphin», fds de Louis XIV, qui a 7 ans en 1668 ; le livre XII au filsdu Dauphin, Monseigneur le duc de Bourgogne, qui a 11 ans au moment où il paraît en 1693.
Par contre, La Fontaines'adresse à Madame de Montespan, maîtresse du roi, au début du livre VII, à Madame de la Sablière, femme cultivéequi héberge La Fontaine, au livre IX, et au livre X au duc de La Rochefoucauld dont les Maximes sont rééditées pourla cinquième fois en 1678, quand paraît le deuxième recueil des Fables.Si l'on peut considérer que le fabuliste s'adresse pour une part aux enfants, c'est surtout à la sensibilité et àl'intelligence de ceux qui connais-sent le monde qu'il s'adresse.
II.
Diversité des sources
— La Fontaine puise son inspiration dans l'Antiquité : parmi les Grecs, chez «Ésope le Phrygien», dont il place labiographie comme celle d'un
« père » tutélaire en tête du premier recueil.
Ésope lui inspire, par exemple, dans le livre IX, «Le Songe et leRenard», «Le Loup et le Chien maigre», ou «Jupiter et le Passager».
Il prend aussi son bien chez Hésiode («Le Milanet le Rossignol»).
Chez les Latins, dans Phèdre ou, pour le livre IX, Horace et ses Satires, Ovide et sesMétamorphoses ;— dans les contes orientaux de Pilpay : Le Livre des Lumières est à l'origine du «Dépositaire infidèle» (IX, 1) ou des«Deux Pigeons» (IX, 3), par exemple ;— chez Rabelais, si peu en honneur parmi les « classiques » : le Perrin Dandin de « L'Huître et les Plaideurs » est unpersonnage du Tiers Livre.
La Fontaine se souvient du Quart Livre dans «Le Milan et le Rossignol» (IX, 18) ou «LeBerger et son troupeau» (IX, 19) ;— dans les romans de l'époque dont La Fontaine est grand lecteur comme L'Astrée ou ceux de Mademoiselle deScudéry sans laquelle les « Deux Pigeons » n'exprimeraient peut-être pas au même degré le sentiment de tendreamitié ;— dans la tradition poétique du siècle : Boileau pour « L'Huître et les Plaideurs», Racan, Saint-Amant, ou Voituredans d'autres livres que le 9e;— dans les «Fantaisies» d'un Tabarin, bateleur sur le Pont-Neuf, dont La Fontaine, comme Molière, appréciait lesparades : elles sont à l'origine du « Gland et la Citrouille » (IX, 4) ;— enfin chez lui même : «L'Écolier, le Pédant et le Maître d'un jardin» semble inventée à partir de «L'Enfant et leMaître d'école» (i, 19) et du «Jardinier et son Seigneur» (IV, 4).
III.
Diversité des tons
Les Fables relèvent des tons suivants :— celui de la comédie, moins perceptible toutefois dans le livre IX que dans les livres VII ou VIII, X ou XI : il s'agittantôt d'un comique d'apparence («Un héron au long bec emmanché d'un long cou» [VII, 4]), d'un comique degestes (celui rageur du Coq qui « aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs» [VII, 12]), d'un comique de situation(«LaTortue et les deux Canards» font un curieux baptême de l'air [X, 2]) ;— celui de l'élégie dans « Les Deux Pigeons » ;— celui de la philosophie dans le «Discours à Mme de la Sablière» ;— celui des chroniques d'un temps où la presse n'existe guère : le fabuliste se fait commentateur politique dans « LeBerger et le Roi » (X, 9) en rappelant les cabales contre Fouquet, ou chroniqueur de faits divers dam «Le Curé et leMort» (VII, 10).
Dans les livres VII et VIII, il se met son vent au service de la politique royale, pour étonnant quecela puisse paraître chez un homme que sa relation avec Fouquet et les milieux libertins rendra toujours suspect àLouis XIV.
Ainsi dans «Le Pouvoir des Fables » (VIII, 4) La Fontaine tente-t-il d'empêcher l'Angleterre de se joindreaux ennemis de la France dans la guerre de Hollande.
IV.
Diversité de la versification.
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