Klein (Melanie)
Publié le 06/12/2021
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Klein (Melanie). Psychanalyste britannique d'origine autrichienne (Vienne 1882-Londres 1960).
Elle naît sans être désirée dans une famille juive, les Reizes. Sa mère, bril-lante, tient pour les besoins familiaux un négoce de plantes et de reptiles, son père est médecin odontologiste. Il meurt quand Melanie est adolescente. En 1903, elle épouse A. Klein. À ce nom, elle attribuera toute son oeuvre, alors pourtant qu'ils divorcent en 1926. Auparavant naissent une fille puis deux garçons. L'un d'eux, quand il est petit, est analysé par sa mère, qui tire de cette analyse, entre 1919 et 1926, plusieurs conférences et articles qui font son renom.
À Budapest depuis 1910, elle com-mence en 1914, année de la naissance d'un de ses fils et de la mort de sa mère, une analyse avec S. Ferenczi. En raison de la guerre, cette analyse est suspen-due; elle est reprise en 1924, mais à Berlin, avec K. Abraham, qui meurt l'année suivante ; elle se conclut à Londres avec S. Payne. M. Klein s' installe en 1927 sur les instances deE. Jones, créateur et organisateur de la Société britannique de psychanalyse. Elle y enseigne sa théorie et y fonde une école, ce qui lui vaut dès 1938 de très violents conflits avec A. Freud. En théorie, celle-ci lui reproche ses conceptions de l'objet, du surmoi, de ('oedipe et des fantasmes originaires ; pour elle, l'envie, la gratitude, les posi-tions dépressive et schizoïde-para¬noïde ne sont pas psychanalytiques. En clinique, elle lui fait grief de soutenir qu'avec un enfant en cure un transfert est possible, qui rend inutile tout travail
avec les parents. M. Klein réfute ces critiques et reproche à sa rivale de n'être pas freudienne. En 1946, deux groupes différents de formation des psychanalystes sont créés, et en 1955 le Melanie Klein Trust est fondé.
Remarquable approfondissement de la formation des jugements d'attribu-tion et d'existence tels que S. Freud en a formulé les principes dans son article da Dénégation « (Die Verneinung, 1925), la théorie kleinienne se structure sur deux concepts: la position schno-paranokle, qui combat illusoirement mais violemment toute perte, et la posi¬tion dépressive, qui en prend réellement acte. Ces deux positions sont relatives à la perte, au travail du deuil et à la réparation, consécutifs de deux objets psychiques partiels et primordiaux, dont tous les autres ne sont que des substituts métonymiques: le sein et le pénis. Ces deux objets partiels entrent en jeu dans une scène imaginaire inconsciente, nommée «scène mater¬nelle« par M. Klein.
Dans ce théâtre du «je-naissant«, sur cette autre scène où se jouent leur exis¬tence et leur attribution, ces objets vont paraître ou regagner les coulisses et leur magasin des accessoires. Leurs représentations psychiques y trouvent les indices de réalité, les traits réels et les figurations propres à leur donner une identité familière et repérable parce que correspondant à ces autres objets réels que sont les sujets paren¬taux. De ces travestissements identifi-catoires élaborés par la psyché de l'infans — cet imaginaire connaît en effet sa quintessence entre trois et dix mois — et grâce auxquels il se retrouve dans l'étrange des autres, M. Klein donne un très bel exemple littéraire, une oeuvre de M. Ravel sur un texte de Colette (1925): l'Enfant et les sortilèges. La réalité extérieure n'est par con¬séquent dans sa théorie qu'une Welt-anschauung de la réalité psychique elle-même. Mais elle permet cepen¬dant au très jeune enfant de s'assurer d'une certaine identité de perception et
de pensée entre ses objets imaginaires et d'autres plus réels; ensuite d'acqué¬rir progressivement des jugements d'attribution et d'existence à leur pro-pos, enfin de réaliser une maîtrise des angoisses auxquelles le confrontent pulsions de vie et de mort, puisque ces pulsions exigent de lui des objets réels ou des substituts imaginaires pour leur satisfaction. À cet égard, la théorie klei-nienne développe une élaboration inté-ressante. Ces objets que sont pour l'enfant le sein et le pénis, ainsi que leurs redoublements réels partiels ou totaux (parents, frère, soeur, demi-soeur, etc.), l'infans peut-il les livrer sans discernement à l'exigence pulsion-nelle, alors qu'ils représentent pour lui un fondamental enjeu attributif, exis-tentiel et identificatoire et alors que, par identification avec eux, il pourrait se trouver lui-même livré aux pulsions ? Il ne le peut sans discernement; mais ce discernement, en quoi consiste-t-il? Il prend consistance de deux opérateurs défensifs, auxquels succède, quand ils opèrent, une série de processus de type sublimatoire. Les deux opérateurs sont
V
our l'un d'ordre quantitatif et, pour autre, d'ordre qualitatif. Quantitative-ment, l'objet est fractionné, parcellisé, morcelé et multiplié, en quelque sorte, par clivage (—s clivage de l'objet); quali¬tativement, une sorte de plus petit commun diviseur répartit tout ce qui se trouve ainsi clivé en deux seules caté-gories: celle du bon et celle du mauvais. Ces deux opérateurs défensifs que sont donc la multiplication par le clivage et la division par la classification ouvrent ensuite accès à des processus de type sublimatoire: l'introjection en soi, la projection hors de soi et l'identification à ce qui est introjecté ou projeté, les processus pouvant se combiner pour produire notamment des identifica¬tions projectives et introjectives. Ces processus sont sublimatoires parce qu'ils médiatisent les rapports du sujet à la pulsion dont la satisfaction doit opérer des détours suspensifs, ceux que justement ces processus lui impo
sent. Dès lors que se mettent en place ces circuits pulsionnels complexes, que se produisent ces sublimations, objets, pulsions, angoisses et autres affects peuvent être conservés, rejetés, repris, détruits, idéalisés, réparés, bref élabo¬rés puisque médiatisés de la sorte par l'enfant; ce qui lui permet de s'ouvrir à des jugements d'attribution et d'exis-tence ainsi qu'à des possibilités identi-ficatoires, par lesquelles l'objet ne prend plus pour lui valeur que de sa perte réelle. Cette perte est également celle qui laisse définitivement tomber quelque chose dans l'inconscient, ce qu'exprime le concept de refoulement primaire.
Sublimations, défenses, enjeux attri-butifs, existentiels ou identificatoires, maîtrise des pulsions et des angoisses, refoulement: ce sont là des fonctions traditionnellement attribuées au moi en psychanalyse. Car l'instance du moi, immédiatement à l'oeuvre par ces fonctions vitales, est dans la théorie kleinienne d'entrée de jeu confrontée à un oedipe, que ses objets imaginaires, redoublés sur ceux de la réalité pour fonder leur identité, mettent précoce-ment en scène. Et avec lui se présente un surmoi féroce et terrifiant, qui fait le tourment du sujet, et entre en lui, son inconscient sentiment de culpabilité. Toutefois, même si M. Klein ne le théo-rise pas exactement en ces termes, sa conception du moi suppose un sujet qui lui soit différent et avec lequel il ne peut se confondre. Dans la mesure en effet où les rapports objectaux se relaient des objets imaginaires à ceux de la réalité extérieure, le moi, qui en ordonne les haltes aux sublimations qu'il ouvrage, peut-il lui-même devenir autre chose qu'un de ces objets, tra-vaillé comme eux par des processus de type sublimatoire, comme eux partagé par d'identiques clivages, comme eux réduit aux mêmes classements et, enfin, comme eux conduit à de simi-laires destins par rapport au ça? À par-tir de ses élaborations sur l'identifica-tion, M. Klein le traite bien comme tel.
Mais, dès lors, quelle peut en être la sublimation, sinon celle de devenir un sujet qui lui soit autre, qui s'en divise, pour mieux pouvoir s'en subvertir et n'avoir à se soutenir que du seul désir?
Comment dans la théorie kleinienne le moi ne prend-il valeur que de sa perte réelle, de son refoulement radical, afin qu'en advienne le sujet? Par le surmoi.
Pour M. Klein, ce concept est loin de n'être que l'instance coercitive et morale que comptent les trois instan¬ces créées par Freud dans sa seconde topique. En 1941, pour dénoncer à Jones les malversations théoriques de A. Freud, elle lui écrit que le surmoi est «le point maximal« de la théorie freu-dienne : «À mon avis, la psychanalyse a parcouru un chemin plus ou moins rec¬tiligne, jusqu'à cette découverte déci¬sive qui ne fut ensuite jamais égalée.« Ce point maximal est littéralement le phallus de la théorie kleinienne. Depuis J. Lacan, le phallus est le signi¬fiant du désir; toute théorie possède le sien et en prend consistance ; dans la théorie freudienne, par exemple, c'est la castration. Le dégager permet de savoir, à partir du signifiant du désir qu'il conceptualise, quelle loi en sym¬bolise la logique. La logique du désir et sa loi prennent donc sens du surmoi chez M. Klein.
L'angoisse primaire n'est en rien relative à la castration, mais à un désir de destruction primordial, qui est désir de mort de l'autre réel. Ce désir met en scène un fantasme, où le sujet détruit le corps maternel afin de s'en approprier les organes et, en particulier, le pénis paternel, prototype de tous les objets que ce corps contient. C'est donc non seule¬ment l'organe, que veut ainsi introjec-ter en lui le petit enfant, mais aussi un objet totémique, ou objet ancestral et pro¬tecteur; mais, comme tout totem, il est interdit d'en jouir ou de tirer jouissance de ce qui s'ordonne à sa loi. Son intro¬jection porte donc également du mau¬vais avec elle: l'interdit de l'inceste, l'angoisse corrélative correspondant au désir de le transgresser, la culpabilité
l'inscrivant dans une dimension morale (ou culturelle) et le besoin de punition qui en constitue le processus répara¬teur. Dans la théorie kleinienne, ce totem à deux visages, ce phallus, porte un nom symbolique : le surmoi, instan¬ce archaïque au sens étymologique de ce qui est originaire et fondateur, de ce qui commande et dirige, conduit et sanctionne, attribue et reprend : «Chose qui mord, qui dévore et qui coupe. «
En conséquence de quoi, l'oedipe est prégénital; son vécu traumatique ne peut être symbolisé par l'infans que du discours d'un autre; le refoulement lui est secondaire et ne se soutient que de la part persécutrice de ce surmoi; le rapport du petit sujet à cette instance peut préfigurer les ultérieures identifi-cations à un agresseur: c'est donc d'elle que dépendent les mécanismes identi-ficatoires.
Pour dépouiller la mère du pénis paternel qu'elle détient en son sein, l'enfant doit traverser une première phase de développement, qui est une phase de féminité «d'une importance vitale et insuffisamment reconnue jus¬qu'à présent«, parce que l'enfant y découvre le désir de posséder un organe particulier: le pénis du père. En priver la mère signifie pour le très jeune sujet l'empêcher d'en produire deux équivalents symboliques majeurs : l'enfant et les fèces; équivalents qui sont à l'origine du désir d'avoir, l'envie, et du désir de perdre, la haine. «Dans cette période précoce du développe¬
ment, la mère, qui enlève les fèces de l'enfant, est aussi une mère qui le démembre et le châtre (...). En termes de réalité psychique, elle est déjà, elle aussi, le castrateur.>,
«Elle aussi' : le surmoi doit donc être castrateur aux imagos maternelle et paternelle. Pour M. Klein, d'ailleurs, l'enfant unifie d'abord ses deux parents; il ne les dissocie que pour assurer ses alliances imaginaires quand il engage ses conflits avec eux. Conflits qui sont relatifs au complexe oedipien précoce. L'issue paisible n'en est pos-sible que par identification au père seul. «Si forte que soit l'influence de l'aspect maternel dans la formation du surmoi, c'est cependant le surmoi paternel qui, dès le début, possède un pouvoir décisif. « Ce retour au père se situe au moment où le visible entre en scène, quand le pénis réel devient objet du regard. Cette phase plutôt narcis¬sique est réparatrice parce que le pénis y passe du dedans de la scène mater¬nelle au dehors du corps d'un autre. Ce réel donne ainsi des limites à l'imagi¬naire. Que la mère en fasse souvent les frais laisse son enfant capable de s'y retrouver; il apprend alors qu'il ne peut recevoir d'elle que ce qui lui fait défaut. De ce manque, le surmoi, délesté, reprend signifiance totémique et rede-vient loi du désir plutôt que d'être un identifiant persécuteur. M. Klein a notamment écrit la Psychanalyse des enfants (1932), Essai de psychanalyse (1947), Développement de la psychanalyse (1952), Envie et Gratitude (1957).
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