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KIERKEGAARD ou Le cri paradoxal de l'intériorité par Léon-Louis Grateloup

Publié le 17/06/2020

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« L'exception et le paradoxe L'Histoire, que Kierkegaard a si sévèrement interrogée, offre parfois des raccourcis saisissants et presque intemporels. Ainsi, la même année 1841, tandis que Feuerbach publiait L'Essence du christianisme, deux jeunes gens — dont la pensée allait s'inscrire bien différemment en marge de la philosophie officielle — soutenaient leur thèse de doctorat en philosophie. L'un, à léna : il s'appelait Karl Marx. L'autre, à Copenhague, s'appelait Sôren Kierkegaard. Et il y avait à peine dix ans que la philosophie officielle venait de perdre, avec Hegel, son plus illustre sinon son dernier grand représentant : or, c'est Hegel qui devait fournir à ces jeunes docteurs, tous deux penseurs d'exception et si radicalement différents, leur seule référence commune — et négative. Mais tandis que l'œuvre de Marx allait révéler sa tumultueuse fécondité en donnant naissance aux divers marxismes, celle de Kierkegaard devait rester à tous égards exceptionnelle, même sous la catégorie de la marginalité. C'est d'ailleurs Kierkegaard lui-même qui a placé son œuvre sous le double signe de l'exception et du paradoxe. Exceptionnelle, elle l'est en effet, en un premier sens, par son ampleur, par son style et par sa forme même, qui ressortit à un mode d'expression baroque, aux confins de la philosophie spéculative, de la théologie savante et de la poésie lyrique. Et le paradoxe est d'abord que cette œuvre n'est exceptionnelle, sous son affabulation poétique et sa diversité pseudonymique, qu'à force d'être obstinément fidèle à son dessein de manifester une unité sans couture entre le penseur et l'homme, entre l'existence et son écriture. Pourtant, au fond de sa singularité, cette œuvre déconcertante nous découvre, comme entièrement inédite, la problématique de l'universel. Le cri qui s'élève des écrits de Kierkegaard, est celui d'une revendication de la subjectivité, qui prétend disqualifier tout savoir et ébranler tous les « discours », objectifs, bien ordonnés et bien-pensants. Si bien qu'après avoir été longtemps réputée excentrique, l'œuvre de Kierkegaard se retrouve insensiblement au centre de l'espace philosophique, comme un terrible préalable à tout système, comme si, de tout temps, elle avait barré les lignes de fuite de toutes les spéculations. Dans son élan, cette œuvre pose, comme elle ne s'était jamais posée auparavant, la question du fondement de la morale. Un terrible procureur S'il n'est pas aisé de déchiffrer un cri, il est possible de l'entendre. Surtout lorsqu'il s'élève crescendo, depuis la thèse sur Le Concept d'ironie constamment rapporté à Socrate (1841) jusqu'au dixième numéro de L'Instant, que Kierkegaard avait préparé pour la publication au moment de sa mort (nov. 1855). Encore convient-il de prévenir quelques contresens. Par exemple, il n'est pas tout à fait inexact de dire que l'auteur de Crainte et Tremblement est, comme il le dit d'ailleurs lui-même, un « auteur religieux » et que son œuvre est religieuse du commencement jusqu'à la fin. A condition de préciser que, pour Kierkegaard, « être religieux » c'est se demander : comment devenir chrétien, dans un pays où « tout le monde est chrétien » c'est-à-dire « païen baptisé » — et où l'Eglise dispense les privilèges, au point qu'« il faut prouver qu'on est baptisé pour pouvoir gagner sa vie comme tenancier de bordel ». (Papirer, XI 1A74). Si l'œuvre de Kierkegaard concerne la philosophie, c'est parce que, loin de fournir une réponse confortable à la fameuse question : « Que dois-je faire ? », elle creuse, dissèque et amplifie cette question jusqu'à lui donner la forme d'un cri irréductible, face au système hégélien et à la philosophie judéo-chrétienne. Il n'est donc pas tout à fait inexact de considérer Kierkegaard (en danois : « la ferme du temple ») comme un auteur chrétien, à condition de préciser qu'il a toujours répété qu'il n'était pas chrétien, cherchant au contraire comment il était possible de le devenir, et dirigeant constamment son ironie et ses anathèmes contre ce qu'on appelle « la religion », plus précisément « la chrétienté », qui n'a jamais vu se dresser devant elle, en l'espace de dix-huit siècles, un plus terrible procureur. Or, de même qu'il accuse l'Eglise — dite chrétienne — d'avoir fait main basse sur « le divin » qu'elle prétend détenir et d'être en réalité « une entreprise lucrative de transport vers l'éternité, qui n'évite le discrédit que parce qu'on est sans nouvelles des voyageurs », —• de même Kierkegaard reproche à la philosophie spéculative — hégélienne — de prétendre détenir « la réalité » dans les mailles abstraites de son système : « comme la pancarte qu'on peut voir chez un brocanteur annonce « Ici on repasse le linge », ?— mais si on apporte son linge à repasser, on est bien déçu : l'enseigne est à vendre » (Diapsalmata, 28 in Ou bien... Ou bien, lre partie). Le cri du butor étoilé « Quand un butor étoilé, cette voix familière de la solitude, répète trois fois son cri et, après un court silence, recommence... Oiseau étrange, pourquoi soupires-tu et gémis-tu ainsi ? —1 ton seul désir, pourtant, est de rester dans la solitude... » C'est Frater Taciturnus qui s'exprime ainsi dans Coupable ? — Non coupable ?, mais nulle part, peut-être, ne s'affirme mieux, sous le pseudo-pseudonyme, la signification paradoxale de l'œuvre de Kierkegaard, ce long cri solitaire qui s'élève inexorablement, de l'ironie à l'anathème : « J'ai besoin, dit-il, d'une voix terrifiante comme le soupir des géants » qui, vaincus par les dieux à qui ils avaient disputé le ciel, étaient, selon la légende, emprisonnés sous les volcans dont ils produisaient les grondements et les éruptions. « Mais ma voix est rauque, dit-il, comme le cri de la mouette. » Que dit cette voix rauque ? Elle dit : « Savez-vous ce que c'est que la Foi ? Avez-vous lu l'histoire d'Abraham et de son fils Isaac ? Sérieusement, l'avez-vous lue ? Et si vous l'avez lue, l'avez-vous comprise ? Avez-vous compris ce que c'est que la Foi ? » Kierkegaard écrit : « Et Dieu mit Abraham à l'épreuve et lui dit : Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t'en au pays de Morija, et là, offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai » (cf. Anthologie philosophique, n° 4, p. 466.) ...»

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