Kandinsky, Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier
Publié le 30/11/2021
                             
                        
Extrait du document
«
                                                                                                                            Un bâtiment de grandes, très grandes, de petites ou de moyennes dimensions, divisé
en   salles.
                                                            
                                                                                
                                                                      Les   murs   de   ces   salles   disparaissent   sous   des   toiles   petites ,   grandes   ou
moyennes,  souvent  plusieurs   milliers   de   toiles.
                                                            
                                                                                
                                                                      Sur  ces  toiles  au  moyen  de   la  couleur,   des
morceaux de «   nature   »   : animaux éclairés ou dans l’ombre à l’abreuvoir ou près de l’eau   ; à
côté, un Christ en croix, représenté par un peintre qui ne croit pas au Christ   ; des fleurs, des
êtres   humains   assis,   debout,   marchant,   souvent   aussi   nus,   une   foule   de   femmes   nues
(fréquemment en raccourci et vues de dos), des pommes et des plats d’argent, le portrait du
conseiller   d’État   N…,   un   soleil   couchant,   une   dame   en   rose,   une   bande   de   canards,   le
portrait de la baronne X…, un vol d’oies, une dame en blanc, des veaux à l’ombre avec çà et
là des taches de soleil d’un jaune criard, le portrait de Son excellence Y…, une dame en vert.
Tout cela soigneusement imprimé dans un livre   : noms des artistes, titres des tableaux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Des
gens, ce livre à la main, vont d’une toile à l’autre   ; ils le feuillettent et lisent les noms.
                                                            
                                                                                
                                                                    Puis ils
repartent   aussi   riches   et   aussi   pauvres   qu’ils   étaient   en   entrant,   et   ils   sont   immédiatement
repris par leurs préoccupations qui n’ont rien à voir avec l’art.
                                                            
                                                                                
                                                                    Qu’étaient-ils venus faire ici   ?
Chaque tableau enferme mystérieusement toute une vie, une vie avec ses souffrances, ses
doutes, ses heures d’enthousiasme et de lumière.
  À   quoi   tend-elle,   cette   vie   ?   Vers   qui   l’âme   angoissée   de   l’artiste   se   tourne-t-elle
quand,   elle   aussi,   participe   à   son   activité   créatrice   ?   Que   veut-elle   annoncer   ?   «   projeter   la
lumière   dans   les   profondeurs   du   cœur   humain,   telle   est   la   vocation   de   l’artiste   »   écrit
Schumann.
                                                            
                                                                                
                                                                    Et Tolstoï   : «   Un peintre est un homme qui peut tout dessiner et peindre.
                                                            
                                                                                
                                                                      »
   De  ces   deux  définitions   de  l’activité  de   l’artiste,  c’est  la   seconde   qu’il faut  choisir,  si
l’on   pense   à   l’exposition   dont   nous   venons   de   parler.
                                                            
                                                                        
                                                                     Avec   plus   ou   moins   d’habileté,   de
virtuosité, de brio, on a rapproché sur la toile des objets qui avaient entre eux des rapports
de   valeur   tantôt   élémentaires,   tantôt  complexes.
                                                            
                                                                                
                                                                     C’est   l’harmonisation   de   l’ensemble  sur   la
toile   qui   réalise   l’œuvre   d’art.
                                                            
                                                                                
                                                                      On   regarde   cette   œuvre   d’un   œil   froid   et   d’une   âme
indifférente.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les connaisseurs en admirent la facture comme on admire un danseur de corde
et goûtent la peinture comme on goûte un pâté.
Les âmes affamées s’en vont affamées.
La foule se traîne de salle en salle et trouve les toiles «   jolies   » et «   sublimes   ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Celui
qui   aurait   pu   parler   à   son   semblable   n’a   rien   dit,   et   celui   qui   aurait   pu   entendre,   n’a   rien
entendu.
C’est ce qu’on appelle «   l’art pour l’art   ».
Cet   étouffement   de   toute   sonorité   profonde   qui   est   la   vie   des   couleurs,   cette
dispersion inutile des forces de l’artiste, voilà l’art pour l’art.
                                                            
                                                                                
                                                                    (…)
Comprendre ,   c’est   éduquer   le   spectateur,   l’amener   à   partager   le   point   de   vue   de
l’artiste.
                                                            
                                                                                
                                                                    Nous avons dit plus haut que l’art est l’enfant de son temps.
                                                            
                                                                                
                                                                    Un tel art ne peut que
reproduire  ce  qui, dans   l’atmosphère  du  moment, est  déjà  totalement accompli.
                                                            
                                                                                
                                                                     Cet art qui
ne renferme en soi aucune puissance d’avenir, qui n’est que le produit du temps présent et
n’enfantera   jamais   «   demain   »,   est   un   art   castré.
                                                            
                                                                                
                                                                      Il  vit   peu   de   temps   et,   privé   de   sa   raison
d’être, meurt quand vient à changer l’atmosphère qui l’a créé.
Il est un art susceptible d’autres développements encore.
                                                            
                                                                                
                                                                    Lui aussi prend racine dans
son   époque.
                                                            
                                                                                
                                                                      Mais   il   n’en   reste   pas   seulement   l’écho   et   le   miroir   ;   il   possède   en   outre   une
force   prophétique   d’éveil   capable   d’un   large   et   pénétrant   rayonnement.
                                                            
                                                                                
                                                                      La   vie   spirituelle   à
laquelle l’art  appartient aussi et dont il est un des agents les plus puissants se traduit par un
mouvement   (…).
                                                            
                                                                                
                                                                      C’est   le   mouvement   même   de   la   connaissance.
                                                            
                                                                                
                                                                      Quelque   forme   qu’il
prenne, il garde le même sens profond et le même but.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Kandinsky,  Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier  (1911)5
10
15
20
25
30
35
40
45.
                                                                                                                    »
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- explication de texte: Vassily Kandinsky in « du spirituel dans l’art ».
- Kandinsky : Du spirituel dans l'art
- WASSILY KANDINSKY : DU SPIRITUEL DANS L'ART (Résumé & Analyse)
- PEINTURE: L'art de l'enluminure au Moyen Age
- « Que croyez-vous que soit un artiste ? Un imbécile qui n'a que des yeux s'il est peintre, des oreilles s'il est musicien ou une lyre à tous les étages du coeur s'il est poète ?......Non, la peinture n'est pas faite pour décorer les appartements. C'est un instrument de guerre offensive et défensive contre l'ennemi. » Pensez –vous que l'art (sous ses différentes formes) puisse être une arme de guerre ?
 
     
                