Joseph II
Publié le 16/05/2020
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1741-1790 L'empereur Joseph II, premier souverain d'Autriche de la maison de Lorraine, est, malgré l'échec de la plupart de ses réformes, la plus grande figurede cette dynastie.
Il est entré dans l'histoire comme un fanatique de l'égalité, un despote éclairé, mais obstiné, le destructeur des anciennes traditions enracinéesdans le peuple et le précurseur d'une nouvelle époque qui s'ouvre avec la Révolution française.
Il est né le 13 mars 1741, après l'occupation prussienne de laSilésie, au milieu du combat désespéré mené par Marie-Thérèse pour sauvegarder son héritage paternel.
Héritier désiré depuis longtemps, il prit conscience deson importance.
Il reçut de ses précepteurs un vaste mais superficiel savoir et eut en aversion les érudits et les livres.
Néanmoins, dès son premier mémoire(1761), l'archiduc Joseph nous apparaît comme le champion de l'égalité et l'adversaire des privilèges féodaux, principes qui n'ont pas changé jusqu'à sa mort etqui devaient déterminer son œuvre réformatrice tout entière.
Son premier mariage avec Isabelle de Parme, une Bourbon intelligente et attirante, fut apparemmenttrès heureux.
La mort de cette épouse en 1763 représente à la fois la plus grande douleur et le tournant de sa vie.
Désormais, celle-ci s'écoulera dansl'accomplissement le plus rigoureux du devoir et un travail sans répit pour l'État.
Contrairement à sa mère, femme au cœur sensible qui ne voulait voir autour d'elleque des visages heureux, le fils devint le défenseur du bonheur abstrait de la majorité du peuple, le champion d'un État unitaire, centralisé, presque déifié, auqueltout devait être sacrifié.
A l'âge de vingt-quatre ans, par la mort de son père, Joseph devint, trop tôt, empereur et corégent.
Un épuisant combat s'engagea entrela mère et le fils, avec pour enjeu l'avenir de l'État, où l'impératrice seule décidait des affaires intérieures.
Ce combat devait durer quinze ans.
Tout en s'efforçanten vain d'insuffler une nouvelle vie au Saint-Empire, Joseph II, allié au prince Kaunitz et contre le gré de sa mère, put imposer une politique extérieure ambitieuseet expansionniste.
Les acquisitions de la Galicie (1772), de la Bukovine (1775) et de l'Innviertel (1770) ont compensé Partiellement la perte de la Silésie mais cesterritoires — de même que les conquêtes de Frédéric de Prusse (son modèle secrètement admiré) — ne sont parvenus à l'Autriche qu'avec des droitsinsuffisants.
Ainsi Joseph II s'engagea sur un chemin dangereux qui le mena plus tard a sa propre perte.
Il compensait son inactivité forcée dans le domaine desaffaires intérieures par de constants voyages dans ses provinces et à l'étranger.
Aucun souverain autrichien, ni avant ni après lui, n'eut une meilleureconnaissance de ses États et nul n'exerça un contrôle plus minutieux.
De tous ces voyages à l'étranger, celui de 1777 en France influença le plus son œuvreréformatrice ultérieure.
C'est là que Joseph II découvrit bon nombre de choses qu'il essaya de mettre en pratique plus tard chez lui, avec sa précipitationcaractéristique.
C'est là également qu'il se trouva en contact avec les principaux représentants des théories politiques du rationalisme.
La mort de l'impératrice(novembre 1780) toucha profondément son fils, mais avec elle disparut le dernier lien avec un passé dont il fallait tenir compte.
La reconstruction de l'État pouvaitcommencer.
Il la mena à bien, rapidement, car s'il ne ménageait jamais sa santé, il savait n'avoir que peu de temps à sa disposition.
Les premières mesures prisespar Joseph II atteignirent la noblesse de cour, toujours favorisée par Marie-Thérèse.
Les pensions de faveur furent annulées, la cour radicalement limitée.
Cen'était plus la grâce du souverain qui devait décider, mais les droits acquis régulièrement.
Les innovations les plus décisives touchèrent le domaine religieux : lapatente de tolérance (octobre 1781) assurait aux adhérents d'autres religions chrétiennes la libre pratique de leur culte et de tous les droits politiques ; l'églisecatholique restait toutefois l'Église nationale.
Les juifs furent libérés d'une part au moins des humiliations endurées depuis si longtemps.
Désormais, les réformesreligieuses se précipitèrent : suppression impitoyable de la splendeur baroque des églises ; dissolution des ordres contemplatifs et réquisition de leurs biens auprofit d'un fonds de religion qui fut employé à la création de nouvelles paroisses.
L'État se chargea de l'instruction des prêtres, l'influence de la Curie futcomplètement éliminée.
Même la visite spectaculaire de Pie VI à Vienne (1782) ne put rien changer.
Cette liaison étroite entre l'Église et l'État créée par Joseph II,qui transformait le clergé en un corps de fonctionnaires d'État, fut appelée plus tard joséphisme et son influence continua d'opérer presque jusqu'à nos jours.
Ledevoir de secourir les pauvres incombait à l'État et les biens des confréries furent réunis en un fonds des pauvres.
La construction de la Policlinique de Vienne,la fondation du “ Josephinum ”, destiné à la formation des médecins militaires, l'organisation d'asiles de vieillards, d'hospices pour les enfants trouvés et lesorphelins, la préoccupation incessante de soulager la misère sont bien caractéristiques de l'empereur.
Il collabora lui-même à l'élaboration des projets et exerçaune constante surveillance personnelle.
La population au début ne s'y habitua que difficilement ; l'évolution ultérieure donna raison a l'empereur.
L'abolition duservage était d'une grande importance, particulièrement en Bohême, en Hongrie et en Galicie.
Mais Joseph II ne put mener à bien le projet de supprimer aussil'obligation de corvée et d'instituer un impôt foncier physiocratique frappant en même temps les seigneurs et les paysans.
Il rencontra l'opposition de la noblesseet la méfiance des paysans.
La réforme fiscale qui aurait fait de l'Empire des Habsbourg l'État le plus avancé de l'Europe fut ensuite abolie par ses successeurs.L'importation de marchandises étrangères fut rendue plus difficile par des droits de douane élevés ; la fondation d'usines par contre fut encouragée.
De cetteépoque, datent en Autriche les premiers décrets au profit des ouvriers.
Le nombre des écoles primaires fut considérablement augmenté et ainsi la scolaritéobligatoire rendue possible.
Par contre, quelques universités furent abaissées au niveau des lycées et la recherche scientifique négligée.
La censure desouvrages imprimés fut relâchée à tel point que, pour la première fois, une sorte de presse libre et une profession de journaliste apparurent alors en Autriche.
Lacentralisation de l'administration fut avancée par tous les moyens, et les fonctionnaires, surveillés par des rapports secrets, furent dotés d'un pouvoirconsidérable, mais on exigeait d'eux l'entier accomplissement de leur devoir.
Les pays historiques furent groupés en nouvelles provinces et leurs Étatsprovinciaux totalement supprimés.
En ce qui concerne la justice, les tribunaux spéciaux pour la noblesse furent abolis, la torture et la peine de mort supprimées,mais la crainte du châtiment continuait d'être quand même le principe conducteur de la justice.
L'étendue des peines déshonorantes, même pour les membres desclasses privilégiées, a provoqué un énorme scandale auprès des contemporains qui sentaient désormais peser la lourde main de l'État.
Ce qui était encorepossible dans les provinces allemandes, en Bohême, en Galicie et en Lombardie, s'avéra irréalisable en Hongrie et en Belgique.
En Hongrie, l'abolition de laConstitution fut ressentie comme insupportable ; de même que la soumission aux autorités centrales de Vienne et la fin de l'autonomie de la noblesse, mais avanttout l'introduction de l'allemand comme langue officielle à la place du latin.
Dans les Pays-Bas autrichiens, une rébellion ouverte éclata, principalement à cause desinnovations religieuses.
La plus grande faute de l'empereur fut d'avoir continué à mener une politique extérieure agressive, parallèlement à une reconstructionradicale de l'ordre intérieur.
Le traité de la Barrière fut dénoncé unilatéralement.
Les tentatives pour lever la fermeture de l'Escaut ou pour échanger la Belgiquecontre la Bavière échouèrent sur l'opposition des grandes puissances et une coalition des princes allemands, conduite par la Prusse.
On élabora des projetspour acquérir Venise.
Mais le plus dangereux fut l'étroite liaison avec la Russie qui eut pour conséquence la malheureuse guerre contre la Turquie (1787).
Malgrésa prédilection et sa préoccupation constante pour les affaires militaires, Joseph II s'y montra un commandant suprême incapable.
Cette guerre, traînant enlongueur, ébranla le crédit de l'État et mina la santé du monarque affaiblie depuis longtemps.
Épuisé par une longue maladie, Joseph II mourut, le 20 février 1790.Dans les derniers mois de son règne, la monarchie semblait s'écrouler.
La menace d'une alliance de la Prusse avec les Turcs, la séparation de la Belgique,reconnue par les grandes puissances, et le début d'une insurrection en Hongrie permirent aux conseillers de l'empereur mourant de lui arracher la révocation deses réformes les plus importantes.
Pourtant la patente de tolérance et l'abolition du servage restèrent en vigueur.
Ainsi une grande expérience avait échoué.
Lesmalédictions générales et la jubilation saluant l'avènement de son frère accompagnèrent l'empereur dans la tombe.
En même temps, en France, la Révolution semit à rattraper son retard sur beaucoup de mesures que Joseph II avait déjà réalisées dans sa monarchie.
Dans un État, c'était la lenteur des réformes et dans unautre leurs excès et leur précipitation qui avaient conduit à la Révolution..
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