John Dalton
Publié le 16/05/2020
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John Dalton
L'idée de comprendre les corps de notre expérience comme des structures complexes édifiées à partir de particules élémentairesd'espèces relativement peu nombreuses est fort ancienne.
Déjà, quatre siècles avant notre ère, Démocrite tentait d'en faire la based'une explication des phénomènes.
Pour lui, il existe de très petits objets corporels constituant chacun du "plein" par opposition aumilieu vide dans lequel ils se trouvent en compagnie d'une multitude d'objets analogues.
Insécables, qualitativement semblables, cesobjets diffèrent entre eux par leur grosseur et leur forme.
Ce sont les différentes complexions qu'ils peuvent former qui rendent raisondes corps et des propriétés qu'ils ont à notre échelle.
Contrebattue par la physique d'Aristote, impuissante par ailleurs à prendre piedsur-le-champ dans un système à peu près cohérent d'explications, la conception démocritéenne est restée longtemps à l'état deschéma confus.
Le lyrisme d'un Lucrèce pouvait bien la magnifier poétiquement.
Elle n'en était pas moins scientifiquement inutilisable.
La situation change à la fin du XVIIIe siècle et surtout au cours des dix premières années du XIXe siècle.
L'alchimie vient de terminerson balbutiement millénaire : à l'école de Scheele, de Priestley, de Cavendish, les esprits commencent à avoir l'idée nette de ce quec'est qu'un corps pur, chimiquement identifiable.
Ils ont une notion de plus en plus précise de la dualité entre corps simples et corpscomposés.
Ils soupçonnent que le nombre des corps simples doit être assez petit en dépit de la multitude des composés.
L'idée de"réaction chimique" s'est précisée.
En posant la loi de l'invariance de la masse au cours d'une réaction, Lavoisier acquiert à la penséeun instrument fondamental de progrès.
La balance va permettre de juger du rapport du composé aux composants.
En 1805, J.-L.Proust formulera la conclusion de l'étude pondérale des combinaisons chimiques : dans une combinaison déterminée, les proportionsen poids des éléments combinés sont constantes.
Ainsi le même poids d'eau contiendra-t-il toujours le même poids d'hydrogène et lemême poids d'oxygène.
Cette fois les choses sont assez avancées pour permettre à la vieille intuition démocritéenne de prendre pied solidement déjà dans ledomaine de la science.
C'est à John Dalton que le mérite revient de l'avoir le premier entrevu clairement.
De tous ses titres de gloire le plus grand est celui d'avoir aperçu dans l'atomisme le principe même de toutes les lois pondérales de lachimie.
Il est impossible d'être là-dessus plus explicite qu'il ne l'est lui-même.
"L'analyse et la synthèse chimique ne vont pas à davantage qu'à séparer des particules les unes des autres ou à en unir entre elles.Point de nouvelle création, ni de destruction de matière dans tout ce à quoi peut atteindre l'action chimique.
Nous pourrions tout aussibien prétendre introduire une nouvelle planète dans le système solaire ou annihiler l'une de celles qui en font partie, que créer oudétruire une particule d'hydrogène.
Tous les changements que nous pouvons produire consistent à séparer des particules qui sont dansun certain état de cohésion ou de combinaison, ou encore à lier entre elles celles qui étaient auparavant séparées."
"Dans toutes les recherches chimiques, on a, à juste titre, considéré comme un objet important la détermination des poids relatifs descorps simples constituant un composé.
Mais malheureusement la recherche s'est arrêtée là alors que, de ces poids relatifs ayant traitaux corps pris en masses, on aurait pu déduire les poids relatifs des particules ultimes ou atomes des corps...
C'est un des principauxobjectifs du présent travail, que de montrer l'importance et l'avantage qu'il y a à fixer les poids relatifs des particules ultimes, tant pourles corps simples que les composés, et de même le nombre de particules simples élémentaires qui constituent une particule composée,ou encore le nombre de particules moins composées qui concourent à former une particule plus composée."
"Si deux corps A et B sont disposés à se combiner, voici quelles combinaisons pourront avoir lieu en commençant par les plus simples.
1 atome de A + 1 atome de B = 1 atome de C, binaire1 atome de A + 2 atomes de B = 1 atome de C, ternaire2 atomes de A + 2 atomes de B = 1 atome de C, ternaire."
Ce texte si sobre tiré de A new system of Chemical Philosophy, publié à Manchester en 1808, montre combien, avec l'hypothèseatomique, Dalton se sentait assuré de pouvoir rendre compte et de la loi de Lavoisier et de la loi de Proust, tout en apportant en outreun incomparable instrument de schématisation des phénomènes chimiques.
De fait, il apparaît aussitôt que : "quand des éléments ense combinant peuvent donner naissance à plusieurs composés, les poids d'un élément donné rapportés à un même poids d'un autreélément se trouvent avoir des rapports simples entre eux", loi usuellement connue sous le nom de loi de Dalton.
Il apparaît aussi quecertains composés seront identiques entre eux, à la substitution près d'éléments "équivalents" entre eux, tels le méthane CH4 et lechlorure de méthyle CH3Cl dans lequel un atome de chlore a substitué un atome d'hydrogène.
La "chimie de la structure" est déjà engerme dans cette remarque.
Du coup la moderne alchimie pourrait déjà entrevoir où il lui faut désormais faire porter son effort : il luireste à atteindre les "particules" dont le génie de Dalton a su faire la divination.
On pourrait croire tout l'essentiel de l'idée atomiqueacquis avec John Dalton.
En fait, l'intuition avait à être complétée.
Dalton avait entrevu l'atome et ses composés.
Mais il était incapablede discerner, pour un même élément simple, tel l'oxygène, entre l'atome et la molécule.
Il ne pouvait dès lors achever le débrouillaged'un ensemble important de phénomènes.
C'est à Avogadro qu'incombera cette partie de la tâche.
Jamais l'histoire de la science n'a donné l'exemple de discernements à aussi lointaine portée que ces intuitions de tous premiersthéoriciens de la chimie.
Ils furent les premiers à deviner la nature du rapport entre le monde des corps de notre expérience usuelle etle monde physique à l'échelle moléculaire.
Or ce n'est qu'avec la physique contemporaine que nous avons pleinement assimilé toutesles conséquences de ce qu'ils entrevirent.
Pensant dégager les bases d'une "philosophie chimique" comme on disait alors, ce sontfinalement les bases mêmes de notre moderne "philosophie physique" comme nous pourrions dire aujourd'hui qu'ils ont en faitreconnues..
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