Jean Paul Sartre: « Nous eûmes nos mythes, nos tics de langage… »
Publié le 30/01/2022
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Séquence 1Séquence 1
: :
lecture analytique de Sartre, lecture analytique de Sartre,
Les Mots.Les Mots.
TexteTexte
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« Nous eûmes nos mythes, nos tics de langage… »
Nous eûmes nos mythes, nos tics de langage, nos plaisanteries rituelles Pendant près d'une année
je terminai mes phrases, au moins une fois sur dix, par ces mets prononcés avec une résignation
ironique : « Mais ça ne fait rien, » Je disais : « Voilà un grand chien blanc.
Il n'est pas blanc il est gris
mais ça ne fait rien.
» Nous primes l'habitude de nous raconter les menus incidents de notre vie" en
style épique à mesure qu'ils se produisaient ; nous pariions de nous à la troisième personne du pluriel.
Nous attendions l'autobus, il passait devant nous sans s'arrêter : l'un de nous s'écriait alors : « Ils
frappèrent du pied le sol en maudissant le ciel » et nous nous mettions à rire .
En public nous avions
nos connivences : un clin d'œil suffisait .
Dans un magasin, dans un salon de thé, la vendeuse nous
semblait comique, ma mère me disait en sortant : «Je ne t'ai pas regardé, j'avais peur de lui pouffer
au nez », et je me sentais fier de mon pouvoir : il n'y a pas tant d'enfants qui sachent d'un seul regard
faire pouffer leur mère.
Timides, nous avions peur ensemble : un jour , sur les quais, j' avais découvert
douze numéros de Buffalo Bill que je ne possédais pas encore , elle se disposait à les payer quand
un homme s'approcha, gras et pâle , avec des yeux charbonneux, des moustaches cirées, un canotier
et cet aspect comestible qu'affectaient volontiers les beaux garçons de l'époque.
Il regardait fixement
ma mère, mais c'est à moi qu'il s'adressa : « On te gâte, petit, on te gâte ! » répétait-il avec précipita-
tion.
D'abord, je ne fis que m'offenser : on ne me tutoyait pas si vite : mais je surpris son regard
maniaque et nous ne fîmes plus, Anne-Marie et moi, qu'une seule jeune fille effarouchée qui bondit
en arrière.
Déconcerté, le monsieur s'éloigna : j'ai oublié des milliers de visages, mais cette face de
saindoux, je me la rappelle encore ; j' ignorais tout de la chair et je n'imaginais pas ce que cet homme
nous voulait mais l'évidence du désir est telle qu'il me semblait comprendre et que, d'une certaine
manière, tout m'était dévoilé .
Ce désir, je l'avais ressenti à travers Anne-Marie ; à travers elle , j'appris
à flairer le mâle , à le craindre, à le détester.
Cet incident resserra nos liens ; je trottinais d' un air dur ,
la main dans la main de ma mère et j' étais sûr de la protéger.
Est-ce le souvenir de ces années ?
Aujourd'hui encore, je ne puis voir sans plaisir un enfant trop sérieux parler gravement, tendrement
à sa mère enfant ; j' aime ces douces amitiés sauvages qui naissent loin des hommes et contre eux.
Je
regarde longuement ces couples puérils et puis je me rappelle que je suis un homme et je détourne
la tête.
Jean-Paul SARTRE
AuteurAuteur
::
Jean-Paul Sartre (1905 – 1980)Jean-Paul Sartre (1905 – 1980)
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C’était un écrivain du 20e siècle.
Il fût orphelin de père très tôt.
Il fut élevé au foyer de son grand père « Jusqu’à l’âge de 10 ans, je passais ma vie entreC’était un écrivain du 20e siècle.
Il fût orphelin de père très tôt.
Il fut élevé au foyer de son grand père « Jusqu’à l’âge de 10 ans, je passais ma vie entre
un vieillard et deux femmes ».
On le surnommeun vieillard et deux femmes ».
On le surnomme
« Poulou ».
« Poulou ».
Il fait de très brillantes études de philosophie.
Sartre est considéré comme un philosophe.
Il aIl fait de très brillantes études de philosophie.
Sartre est considéré comme un philosophe.
Il a
appartenu au mouvement appartenu au mouvement
existentialismeexistentialisme
( (
Caractère d’une philosophie qui est centrée sur l’homme, avec ses caractères irréductibles.
Doctrine philosophiqueCaractère d’une philosophie qui est centrée sur l’homme, avec ses caractères irréductibles.
Doctrine philosophique
selon laquelle l’homme n’est pas déterminé d’avance par son essence mais qu’il est libre et responsable de son existence).selon laquelle l’homme n’est pas déterminé d’avance par son essence mais qu’il est libre et responsable de son existence).
Il a obtenu le prix Nobel de Il a obtenu le prix Nobel de
littérature en 1964 mais l’a refusé au nom de ses principes.
C’était un écrivain engagé politiquement et une de ses cibles était la bourgeoisie dont il dénoncelittérature en 1964 mais l’a refusé au nom de ses principes.
C’était un écrivain engagé politiquement et une de ses cibles était la bourgeoisie dont il dénonce
l’hypocrisie.
C’est un auteur de romans (La Nausée), théâtre (Les Mains Sales, Huis-Clos) et d’essais philosophiques (Les Mots).
l’hypocrisie.
C’est un auteur de romans (La Nausée), théâtre (Les Mains Sales, Huis-Clos) et d’essais philosophiques (Les Mots).
ŒuvreŒuvre
: (d’où est tiré l’extrait): (d’où est tiré l’extrait)
L’œuvre est une œuvre autobiographique écrite en 1963.
Le récit s’étend de la naissance à l’âge de onze ans (1905 – 1916).
L’œuvre estL’œuvre est une œuvre autobiographique écrite en 1963.
Le récit s’étend de la naissance à l’âge de onze ans (1905 – 1916).
L’œuvre est
composée de deux partiescomposée de deux parties
: :
LireLire
et et
Ecrire.Ecrire.
Lire est consacré à la toute petite enfance et Ecrire à l’éveil de sa vocation d’écrivain.
Il accorde dans cette œuvre Lire est consacré à la toute petite enfance et Ecrire à l’éveil de sa vocation d’écrivain.
Il accorde dans cette œuvre
une grande importance au rapport étroit avec sa mère et son grand-père.
Il a vécu entouré d’adulte, sans enfants entourés à lui.
Ce livre ne constitue pasune grande importance au rapport étroit avec sa mère et son grand-père.
Il a vécu entouré d’adulte, sans enfants entourés à lui.
Ce livre ne constitue pas
une confession attendrie, émouvante.
Sartre pose sur lui et sur sa famille un regard critique, un peu moqueur, plein de dérisions et il cherche autant, sinonune confession attendrie, émouvante.
Sartre pose sur lui et sur sa famille un regard critique, un peu moqueur, plein de dérisions et il cherche autant, sinon
plus à démonter qu’à raconter.plus à démonter qu’à raconter.
Axes de lectureAxes de lecture
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I>I>
CommentComment
s’exprime dans ce texte la connivence qu’il y a entre l’enfance et sa mère.s’exprime dans ce texte la connivence qu’il y a entre l’enfance et sa mère.
II>II>
L’irruption d’autrui et ces conséquences.L’irruption d’autrui et ces conséquences.
III>III>
Comment dans ce texte et dans quel but est faite la narration autobiographique.Comment dans ce texte et dans quel but est faite la narration autobiographique.
RéfRéf
: p.1, texte 2: p.1, texte 2
RéfRéf
: p.2, texte 2: p.2, texte 2 5
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