Jean-Marie Gustave LE CLÉZIO - La Ronde. Commentaire
Publié le 19/12/2021
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«
Jean-Marie Gustave LE CLÉZIO - La Ronde
[Le Clézio est conscient de l'angoisse de l'homme moderne qui a perdu ses
contacts sensoriels avec la nature et les éléments : véritable communication
entre les êtres et la matière allant jusqu'à la métamorphose, à l'échange, à la
confusion des uns et des autres.
Ses personnages appréhendent avec ivresse,
douleur ou folie cet univers primitif, cette réalité pure supprimée par la
civilisation des sciences et de l'urbanisme.
Son écriture est une quête de ce
monde.
Parmi ses œ uvres : le Procès-verbal, le Chercheur d'or.]
Martine roule devant Titi, elle fonce à travers les rues vides, elle penche
tellement son vélomoteur dans les virages que le pédalier racle le sol en
envoyant des gerbes d'étincelles.
L'air chaud met des larmes dans ses yeux,
appuie sur sa bouche et sur ses narines, et elle doit tourner un peu la tête pour
respirer.
Titi suit à quelques mètres, ses cheveux rouges tirés par le vent, ivre,
elle aussi, de vitesse et de l'odeur des gaz.
La ronde les emmène loin à travers
la ville, puis les ramène lentement, rue par rue, vers l'arrêt d'autobus où attend
la dame au sac noir.
C'est le mouvement circulaire qui les enivre aussi, le
mouvement qui se fait contre le vide des rues, contre le silence des immeubles
blancs, contre la lumière cruelle qui les éblouit.
La ronde des vélomoteurs
creuse un sillon dans le sol indifférent, creuse un appel, et c'est pour cela aussi,
pour combler ce vertige, que roulent le long des rues le camion bleu et l'autobus
vert, afin que s'achève le cercle.
Dans les immeubles neufs, de l'autre côté des fenêtres pareilles à des yeux
éteints, les gens inconnus vivent à peine, cachés par les membranes de leurs
rideaux, aveuglés par l'écran perlé de leurs postes de télévision.
Ils ne voient
pas la lumière cruelle, ni le ciel, ils n'entendent pas l'appel strident des
vélomoteurs qui font comme un cri.
Peut-être qu'ils ignorent même que ce sont
leurs enfants qui tournent ainsi dans cette ronde, leurs filles au visage encore
doux de l'enfance, aux cheveux emmêlés par le vent.
Dans les cellules de leurs appartements fermés, les adultes ne savent pas ce qui
se passe au-dehors, ils ne veulent pas savoir qui tourne dans les rues vides, sur
les vélomoteurs fous.
Comment pourraient-ils le savoir ? Ils sont prisonniers du
plâtre et de la pierre, le ciment a envahi leur chair, a obstrué leurs artères.
Sur
le gris de l'écran de télévision, il y a des visages, des paysages, des
personnages.
Les images s'allument, s'éteignent, font vaciller la lueur bleue sur
les visages immobiles.
Au-dehors, dans la lumière du soleil, il n'y a de place que
pour les rêves.
Les nouvelles qui mettent en scène des enfants ne sont pas nécessairement, surtout chez
J.-M.
G.
Le Clézio, auteur de La ronde, l'expression d'un monde idyllique.
Par la
description d'une scène ordinaire (course de vélomoteurs), l'auteur compose le tableau
d'une ville construite sur deux espaces, l'un extérieur et animé, l'autre intérieur et mort.
Cette répartition suggère une vision pessimiste de la vie moderne.
Nous nous
attacherons donc à analyser d'abord les systèmes d'oppositions mis en place, avant de
montrer quelle image de notre modernité ils sous-tendent.
La course en vélomoteurs qu'effectuent les deux adolescentes dans une ville assoupie par
le soleil, permet un jeu de contrastes très net.
Le fil directeur en est la confrontation et l'opposition entre un espace clos et un espace
ouvert qui fonde la structure du texte.
Le premier paragraphe suit la ronde mentionnée
dès les premiers mots : «Martine roule devant Titi» (l.
1).
Les deux paragraphes suivants
s'amorcent par «dans» (l.
17 et 26) et suivent une progression : l'on avance vers
l'extérieur, des" « immeubles » (l.
17) aux « appartements ».
La fin du texte nous fait
ressortir au soleil.
Il s'agit donc de deux espaces, l'un illimité, l'autre étriqué.
Le dehors est caractérisé par
le «vide des rues» (l.
1 et 11) qui permet d'aller « loin à travers la ville » (l.
8).
A cet
espace large s'ajoute le vent qui emmêle les cheveux (l.
24), cet « air chaud » (l.
3) qui.
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