Jean-Luc LAGARCE, 𝙅𝙪𝙨𝙩𝙚 𝙇𝙖 𝙁𝙞𝙣 𝙙𝙪 𝙈𝙤𝙣𝙙𝙚 , "La tirade de Suzanne"
Publié le 21/04/2024
Extrait du document
«
Le texte est de Jean-Luc Lagarce auteur contemporain français né
en 1957 et mort en 1995.
Malgré sa mort prématurée, il laisse derrière lui
plusieurs dizaines de pièces qui rencontreront un succès posthume.
Parmi
ces pièces, Juste la fin du monde publiée en 1990, dont l’intrigue repose
sur l’annonce par Louis à sa famille de sa mort prochaine.
Le texte soumis
à notre analyse est un extrait de cette même œuvre.
Dans cet extrait, qui
est la scène III de la partie I, Suzanne évoque dans une longue tirade le
départ de Louis et des nouvelles écrites qu’il donne, du point de vue de
leur mère sur l’éloignement de Louis, de leur frère Antoine et de sa
situation, tout en abordant le passé et ses sentiments.
Mon projet de lecture consistera donc ici à montrer comment la
communication familiale est remise en question par Suzanne.
Pour mener à termes mon analyse, je la subdivise en trois mouvements,
allant des reproches faites par Suzanne à l’égard de son frère Louis, vers
le don pour l’écriture de ce dernier et pour finir l’incompréhension de
Suzanne par rapport à la façon qu’à Louis de s’exprimer.
Le premier mouvement est constitué d'une seule phrase dans
laquelle Suzanne dépeint la façon dont Louis donne des nouvelles écrites
à sa famille.
L'adverbe « parfois » répété deux fois montre que la pratique
de Louis n'est pas fréquente.
L'hésitation de Suzanne entre l'emploi de
l'imparfait et du présent interroge : quand elle parle au passé, « envoyais
», on peut se demander si cette période est terminée et si elle fait déjà un
récit de leur vie, comme s'il était déjà mort.
Dans la phrase suivante,
Suzanne actualise son propos en prononçant la phrase au présent
d'énonciation, « envoies », comme pour se rattraper, par égard pour
Louis.
Dans la suite de la phrase, Suzanne précise la forme écrite de la
communication, au début, cette forme est désignée par un nom précis,
appartenant au domaine épistolaire « lettres » ; puis l'emploi des groupes
nominaux « petits mots » et « une ou deux phrases » qui confèrent à
cette forme un aspect plus restrictif, plus vague.
Dans la suite du propos
de Suzanne, cette forme se réduit encore pour arriver au néant avec le
pronom indéfini « rien ».
La recherche de précision dans l'expression de
Suzanne est également signifiée par la présence de propositions incises
interrogatives, « qu'est-ce que c'est? » et « comment est-ce qu'on dit? »,
s'adressent-elles à Louis ou bien se parle-t-elle à elle-même ? L'adjectif
final associé à « lettres » choisi par Suzanne est « elliptiques », selon elle,
il manque des mots dans les messages de Louis.
Ce mouvement s'achève
sur une phrase aboutie et synthétique de ce qui précède, « Parfois, tu
nous envoyais des lettres elliptiques », elle est prononcée entre
guillemets, habituellement employés pour une citation.
On peut penser
que ces guillemets signalent l'achèvement de la recherche de vocabulaire
et de précision et le souhait qu'a Suzanne de montrer cet achèvement en
se citant elle-même.
Ce mouvement débute qui sur la parole de Suzanne,
hésitante mais déterminée, marque la volonté de cette dernière à qualifier
la forme des messages de Louis qui perdent peu à peu de la valeur dans
son propos.
Dans le début du deuxième mouvement, Suzanne évoque son
enfance marquée par le départ de Louis : en effet, la proposition
circonstancielle de temps qui évoque ce départ, débutant par « lorsque »
semble bloquée sur ce moment marquant.....
»
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