JEAN-JACQUES ROUSSEAU : LETTRE A D'ALEMBERT SUR LES SPECTACLES (Résumé & Analyse)
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
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Rédigée en trois semaines, cette lettre est une réponse à l'article « Genève » de l'Encyclopédie qui « avait pour but,rappelle Rousseau dans les Confessions, l'établissement de la comédie à Genève ».
Or pour celui qui se désigne alorscomme le « citoyen de Genève », le théâtre est un fléau.C'est d'abord un mal qui atteint l'âme humaine et corrompt le caractère comme les moeurs.
La critique n'est pas trèsneuve, de ce point de vue.
Elle reprend en effet les vieux poncifs hérités des moralistes et des religieux des sièclesprécédents : le théâtre n'est qu'un divertissement qui détourne non seulement de soi-même mais aussi des autres.Loin d'encourager la convivialité, il a une action désagrégatrice :« L'on croit s'assembler au spectacle, et c'est là que chacun s'isole ; c'est là qu'on va oublier ses amis, ses voisins,ses proches pour s'intéresser à des fables, pour pleurer les malheurs des morts, ou rire aux dépens des vivants...
»Rousseau récuse en outre la dimension cathartique du spectacle que les Grecs avaient formulée à propos de laTragédie : « Ainsi le théâtre purge les passions qu'on n'a pas, et fomente celles qu'on a.
» Enfin, la comédie ne vautguère mieux dans la mesure où, si elle se plaît à fustiger les vices, elle célèbre rarement les vertus...
Parfois mêmeelle les tourne en ridicule, à l'instar du Misanthrope de Molière, auquel Rousseau accorde d'ailleurs trop d'attentionpour n'avoir pas cédé à l'identification !Rousseau innove toutefois en dégageant la fonction sociale du théâtre.
Car si l'établissement d'une salle despectacle doit être combattue à Genève c'est qu'elle aurait une action corruptrice non seulement sur les individusmais surtout sur la Cité.
Certes un théâtre saurait attirer, rendre attrayante la ville et partant activer le commerce.Mais à quel prix ! Pour convaincre, Rousseau imagine quelles pourraient être les conséquences de l'ouverture d'unesalle sur d'innocents et de simples montagnards : relâchement du travail, augmentation des impôts, introduction duluxe dans une existence jusqu'alors frappée du sceau de la simplicité, et par conséquent nouvelles dépenses...Plus fondamentalement le théâtre encouragerait ceux-ci, qu'il appelle « Montagnons », à céder au Paraître,permettant ainsi à l'amour-propre de se développer, lequel joue un rôle moteur dans l'accroissement des inégalités.Rousseau n'oublie pas, en effet, qu'on se rend au xviiie siècle au théâtre moins pour voir que pour être vu :« Les femmes des Montagnons allant, d'abord pour voir, et ensuite pour être vues, voudront être parées ; ellesvoudront l'être avec distinction.
»Le théâtre enclenche donc un processus de décomposition sociale qu'accomplissent le progrès du luxe et la religiondu Paraître.Le spectacle éloigne donc le citoyen de ce qu'il est, il fait même du spectateur un comédien, coupable alors de jouerun rôle social et de se livrer à son tour à cet odieux « trafic de soi-même » qui caractérise, selon Rousseau, laprofession d'acteur.La lettre s'achève à la fois sur cette ultime indignation portée sur le statut du comédien mais aussi sur la vibrantedéfense d'une authentique réjouissance civique, la fête publique :« Plantez au milieu d'une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête.
Faitesmieux encore : donnez les spectateurs en spectacle ; rendez-les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie ets'aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis.
»
Un critique moderne écrit à propos de la Lettre à d'Alembert sur les spectacles .
« C'est cette curieuse liaison entre le sentiment, la littérature et la politique, qu'il faut dévoiler ».
Votre lecture de l'œuvre de Rousseau inscriteau programme vous semble-t-elle éclairée par cette affirmation ?
La Lettre à d'Alembert de Jean-Jacques Rousseau s'inscrit dans le cadre d'une controverse intellectuelle autour de points particuliers de l'article « Genève » de l'Encyclopédie, et notamment concernant l'établissement d'unthéâtre dans cette république helvétique.
S'il pouvait déjà paraître curieux qu'une telle discussion s'installe alors quel'Europe est à feu et à sang, la lecture de l'œuvre révèle aussi son lot de surprises, tant Rousseau étend sesdéveloppements aux domaines les plus divers, laissant même parfois l'impression au lecteur que sa réflexion est plusdéterminée par ses sentiments que sa raison.
Un critique moderne a ainsi écrit que c'est justement « cette curieuse liaison entre le sentiment, la littérature et le politique qu'il faut dévoiler ».
Analyser l'œuvre à la lumière de cette affirmation reviendra donc àcerner ces trois sortes d'influences et analyser de quelle manière Rousseau les imbrique dans sa réflexion.
On verra ainsi tout d'abord en quoi il s'agit véritablement d'une œuvre littéraire et non simplement d'un ouvrage à caractère philosophique.
Cette première approche permettra ensuite de s'intéresser plus.
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