Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions. Rencontre avec Mme de Warens
Publié le 19/12/2021
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«
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions.
Rencontre avec Mme de Warens
Je ne trouvai point Mme de Warens ; on me dit qu'elle
venait de sortir pour aller à l'église.
C'était le jour des
Rameaux de l'année 1728.
Je cours pour la suivre :
je la vois, je l'attends, je lui parle...
Je dois me
souvenir du lieu ; je l'ai souvent depuis mouillé de
mes larmes et couvert de mes baisers.
Que ne puisje
entourer d'un balustre d'or cette heureuse place !
que n'y puis -je attirer les hommages de toute l a
terre! Quiconque aime à honorer les monuments du
salut des hommes n'en devrait approcher qu'à
genoux.
C'était un passage derrière sa maison, entre
un ruisseau à main droite qui la séparait du jardin, et le mur de la cour à gauche,
conduisant par une faus se porte à l'église des Cordeliers.
Prête à entrer dans cette porte
Mme de Warens se retourne à ma voix.
Que devins -je à cette vue ! Je m'étais figuré une
vieille dévote bien rechignée : la bonne dame de M.
de Pontverre ne pouvait être autre
chose à mon av is.
Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur,
un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse.
Rien n'échappa au rapide coup
d'oeil du jeune prosélyte : car je devins à l'instant le sien, sûr qu'une religion prêch ée par
de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis.
Elle prend en souriant la
lettre que je lui présente d'une main tremblante, l'ouvre, jette un coup d'oeil sur celle de
M.
de Pontverre, revient à la mienne, qu'elle lit tout entière, et q u'elle eût relue encore si
son laquais ne l'eût avertie qu'il était temps d'entrer.
« Eh! mon enfant, me dit -elle d'un
ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune; c'est dommage en vérité ».
Puis, sans attendre ma réponse, elle ajouta : « Allez chez moi m'attendre : dites qu'on
vous donne à déjeuner; après la messe j'irai causer avec vous »..
»
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