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Jean-Jacques Rousseau, Confessions.

Publié le 13/07/2020

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« Je me souviens d'avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés ,en terrasses bordaient le chemin du côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là; la soirée était charmante; la rosée humectait l'herbe flétrie; point de vent, une nuit tranquille; l'air était frais sans être froid; le soleil après son coucher avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient l'un à l'autre, Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin, Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres; un rossignol était précisément au-dessus de moi; je m'endormis à son chant: mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour: mes yeux en s'ouvrant virent l'eau, la verdure, un paysage admirable. Je me levai, me secouai, la faim me prit, je m'acheminai gaiement vers la ville, résolu à mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs (1) qui me restaient encore. J'étais de si-bonne humeur, que j'allais chantant tout le long du chemin. Jean-Jacques Rousseau, Confessions. Sous forme de commentaire composé, vous expliquerez ce texte en montrant comment le site et les circonstances concourent à créer chez l'auteur un sentiment de'bonheur presque parfait. Rousseau rompt en 1728 avec une enfance où les désagréments de toute sorte ont succédé au trop court bonheur de Bossey, près du pasteur Lambercier. Il devient un vagabond sans argent, errant de ville en ville à la recherche d'un improbable travail, participant parfois à des aventures rocambolesques. Séparé de son père depuis 1722, éloigné de Genève, sa patrie, pour laquelle sa tendresse ne se dément jamais, il abjure sans conviction le protestantisme, devient catholique à Turin, et se retrouve dramatiquement exilé, étranger parmi les siens. Le seul point d'attache de son cœur au cours de ces années, c'est Madame de Warens, qui l'a ébloui à Annecy, et a éveillé en lui un trouble attachement; mais, depuis plus de deux ans, Jean-Jacques n'a pas vu celle qu'il appelle « Maman ». Cette page se situe donc à un des moments les plus déshérités, d'une jeunesse errante, où Rousseau connaît la misère et la faim. Pourtant la détresse qui habite les quatre premiers livres des Confessions, à part quelques brefs moments d'illumination, lui permet de faire la plus fructueuse des expériences celle des voyages à pied; non seulement il parcourt toute la Savoie, mais il va jusqu'à Turin, jusqu'à Paris. Pendant ces longs trajets, il réalise une union profonde avec la nature, qu'il rencontre seul à seule: « Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans les [voyages] que j'ai faits seul et à pied. Ici Rousseau, qui a quitté Paris à la recherche de sa protectrice et attend des nouvelles à Lyon, est à bout de ressources; « J'aimais mieux employer quelques sols qui ...»

« Je me.souviens d'avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, ear je ne me rappelle pas lequel des deux.

Des jardins élevés ,en terrasses bordaient le chemin du côté opposé.

Il avait fait très chaud ce jour-là; la soirée était charmante; la rosée humectait l'herbé flétrie; point de vent, une.nuit tranquille; l'air était frais sans être froid; le soleil après son coucher avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l'eau couleur de rose; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répon­ daient l'un à l'autre, Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul.

Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade sans m'apercevoir que j'étais las, Je m'en aperçus enfin, Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres; un rossignol .était précisément au-dessus de moi; jè 11!.'endormis à son chant: mon sommeil fut doux, mon réveil le fùt davantage.

Il était grand jour! mes yeux en s'ouvrant virent l'eau, la verdure, un paysage admirable.

Je me levai, me secouai, la faim me prit, je m'acheminai gaiement ve� la ville, résolu à mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs (1) qui me restaient encore.

J'étais de si-bonne humeur, que j'allais chantant tout le long du chemin.

Jean-Jacques RoussEAU, Confessions.

Sous forme de commentaire composé, vous expliquerez ce texte en montrant comment le site et les circonstances concoui;ent à créer chez l'auteur un sentiment de ·bonheur presque parfait.

Conseils.

Certes, il n'est pas demandé à l'élève de savoir replacer le texte dans les Confessions de Rousseau; éependant, il n'est pas inutile (1) Pièce de p"etlte monnaie. »

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