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Jean Giono, Le Hussard sur le toit, ch. VI (1951)

Publié le 19/12/2021

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« Jean Giono, Le Hussard sur le toit, ch.

VI (1951) Durant la grande épidémie de choléra qui sévit en Provence au milieu du XIXe siècle, le héros du Hussard sur le toit, Angélo, perché sur les toits de Manosque, assiste à une procession destinée à conjurer les forces du mal.

Bien longtemps avant que le soleil se lève, une petite cloche se mit à sonner dans les collines.

Il y avait de ce côté-là, sur une éminence couronnée de pins, un ermitage semblable à un osselet.

La lumière encore relativement limpide permettait de voir un chemin qui y montait en serpentant à travers une forêt d'amandiers gris. Le petit vitrail commença à transmettre par le tremblement de ses verres dans leurs cercles de plomb une sorte d'agitation qui bougeait dans les profondeurs de l'église.

Les grandes portes sur lesquelles on avait vainement frappé la veille s'ouvrirent.

Angélo vit s'aligner sur la place des enfants vêtus de blanc et qui portaient des bannières.

Les portes des maisons commencèrent à souffler quelques femmes noires comme des fourmis.

D'autres venaient par les rues qu'il voyait en enfilade.

Au bout d'un moment, en tout et pour tout, ils devaient être une cinquantaine, y compris trois prêtres recouverts de carapaces dorées qui attendaient.

La procession se mit en marche en silence.

La cloche sonna longtemps des coups espacés.

Enfin, les bannières blanches apparurent sous les amandiers gris, puis les carapaces qui, malgré l'éloignement, restèrent dorées, puis les fourmis noires.

Mais, pendant que tous ces petits insectes gravissaient lentement le tertre, le soleil se leva d'un bond.

Il saisit le ciel et fit crouler en avalanche des plâtres, des craies, des farines qu'il se mit à pétrir avec ses longs rayons sans iris.

Tout disparut dans cet orage éblouissant de blancheur.

Il ne resta plus que la cloche qui continua à sonner à grands hoquets ; puis elle se tut.

Cette journée fut marquée par une recrudescence terrible de la mortalité. • On peut faire une double lecture de ce texte : au premier degré, on peut y voir l'exaltation du paysage provençal cher à Giono.

Mais on peut aussi lire cette évocation, sous l'angle ironique du regard d'Angelo, le « hussard sur le toit », comme la mise à mort d'une procession, c'est-à-dire comme la description de l'échec de l'homme à maîtriser l'univers qui l'entoure. • Dans cette perspective, commentez l'expression : « en tout et pour tout, ils devaient être une cinquantaine ». • Suggestions : 1.

Étudiez le rythme et les sonorités de la phrase qui marque la victoire du soleil : « Il saisit le ciel...

» 2.

Comparez cette page au passage de la procession dans Manon des sources de Marcel Pagnol.

Quelle différence observez-vous? (Autre comparaison possible : cf.

le chapitre consacré à la cérémonie religieuse de Bray-le-Haut dans le Rouge et le Noir de Stendhal I,18.) Introduction • Le choix de Giono dans le Hussard sur le toit, roman publié en 1951 : placer un homme (Angelo) dans une totale solitude, le préserver du destin commun (le choléra qui sévit à Manosque) et lui offrir l'avantage d'une « vision » supérieure (du toit où il est réfugié, Angelo assiste aux allées et venues des habitants de la ville et ici à la procession par laquelle ils entendent conjurer la maladie). • D'une contrainte narrative (la « vision » d'Angelo), le romancier tire une double liberté : celle de voir le monde autrement et celle de le juger avec le détachement et la distance que permet la situation du héros. • Ce qui est vu (les préparatifs puis la procession elle-même) prend donc une dimension insoupçonnée (par ceux qui vivent « normalement », c'est-à-dire en bas) : en effet, des toits, Angelo voit plus loin et plus haut que tous.

Il va donc assister au combat perdu d'avance que livrent les hommes contre les forces de la nature. • Deux aspects seront donc abordés : 1.

Le monde vu des toits.. »

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