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Jean de Witt

Publié le 16/05/2020

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« Jean de Witt - 1625-1672Des quatre-vingts années de lutte pour la libération des Pays-Bas, de 1568 à 1648, naquit une confédération de petites républiques autonomes.

Dans lamajeure partie de celles-ci se maintint provisoirement un dernier restant de l'ancienne organisation seigneuriale : le stathoudérat, qu'à la longue la maisond'Orange monopolisa à titre héréditaire.

Guillaume Ier, mort en 1584, organisa le soulèvement, et ses fils, Maurice, mort en 1625, et Frédéric Henri, morten 1647, se montrèrent irremplaçables comme commandants de l'armée et de la flotte.

En conséquence, la Confédération conserva quelque peu jusqu'en1648 le caractère d'un "pronunciamiento".

Ensuite, débuta, selon l'expression de Jean de Witt, le règne de "la véritable liberté".

De 1650 à 1672, la plupartdes provinces n'eurent pas de stathouder.

Pendant presque tout ce temps, la Confédération des Pays-Bas fut dirigée par Jean de Witt, fils de commerçants,né à Dordrecht le 24 septembre 1625.

Après avoir étudié le droit à Leyde, il passa son doctorat à Angers en 1645.

Il devint pensionnaire de Dordrecht en1650, puis grand pensionnaire de Hollande en 1653.

Bien que n'étant en principe rien de plus qu'un fonctionnaire d'une province, il exerça, en fait, lesfonctions de président de la Confédération, du moins aux yeux des deux puissances avec lesquelles les rapports étaient des sources de soucis continuels:la France et l'Angleterre.Les rapports avec la France étaient particulièrement difficiles car après le Traité des Pyrénées, en 1659, une ferme amitié diplomatique se développaitentre l'Espagne et les Provinces-Unies ; elle avait pour but le maintien de la souveraineté espagnole sur les Pays-Bas du Sud.

Pour ce maintien, l'Espagnedépendait à peu près totalement de l'appui de la Confédération qui désirait conserver un tampon grâce auquel les coups de la France pourraient êtrebloqués.L'Angleterre et les Provinces-Unies étaient rivales pour le commerce et l'expansion coloniale.

Depuis que les Stuart avaient été restaurés en 1660, leurétroite parenté avec les Orange rancuneux constituait la principale menace contre la "véritable liberté".

En jouant l'un contre l'autre les agresseurs enpuissance, De Witt put maintenir la paix pendant des années.

Elle prit pourtant fin en mai 1667 quand Louis XIV déclencha la guerre de Dévolution, tandisque De Witt dressait contre lui la Triple Alliance, comprenant l'Angleterre, la Suède et les Provinces-Unies.

Ce fut la première de ces coalitions contre laFrance qui, par la suite, devaient pendant cinquante ans caractériser le climat politique de l'Europe.

Par ailleurs, la politique mercantile de Colbertreprésentait une menace spéciale pour le commerce néerlandais.

Un rapprochement temporaire de la France et de l'Angleterre était possible dans cedomaine; par lui, Charles II visa à la chute de Jean de Witt.Ainsi un traité secret fut conclu à Douvres en mai 1670.

Les deux souverains s'y accordaient pour surprendre les Provinces-Unies en les attaquantsimultanément par terre et par mer puis, après que la Zélande et les îles de la Hollande méridionale auraient été cédées à l'Angleterre et le Brabantseptentrional à la France avec la totalité des Pays-Bas du Sud, y installer comme souverain vassal de l'Angleterre le prince Guillaume III d'Orange, Stuartpar le côté maternel.

Jean de Witt n'apprit ce plan que fort tard et quand l'attaque par surprise eut lieu en mai 1672, elle eut sur terre un succès presquecomplet, car les faibles forces terrestres, placées sous le commandement du prince Guillaume, qui n'y était nullement préparé, n'offrirent pratiquement pasde résistance ; par contre, l'invasion par mer ne dépassa pas le stade de l'illusion, car l'amiral De Ruyter, qui partageait les opinions politiques de De Witt etjouissait de sa confiance, porta en 1672-1673 de tels coups aux flottes unies d'Angleterre et de France que l'idée d'un débarquement dut être abandonnée.Cela fournit rétrospectivement la preuve que les principes défensifs de De Witt, basés sur une puissante marine, étaient bien fondés.Entre temps, il fut mis fin à la carrière de De Witt, ainsi qu'à sa vie.

Cela avait fait aussi partie du plan de campagne.

Pour l'exécution de ce programme, ons'en remit à une "cinquième colonne" de La Haye où des parents bâtards des Orange, souvent mariés à des Anglaises, donnaient le ton.

Parmi eux, Frédéricde Nassau-Zuylensteyn, fils naturel de Frédéric-Henri, marié à une dame de la cour des Stuart, venait en tête.

Il détestait profondément De Witt et ne cessade travailler à sa perte depuis que le grand pensionnaire était parvenu à placer, comme enfant de l'État, le jeune prince d'Orange sous une certaine curatelleet en avait profité pour éloigner de la cour Van Zuylesteyn et d'autres agents des Stuart.Le 21 juillet 1672, au soir, une tentative de meurtre fut perpétrée contre le grand pensionnaire ; on la jugea grave, mais pas alarmante.

Son auteur principalfut arrêté, mais ses trois complices purent s'échapper et le prince d'Orange les enrôla immédiatement dans son armée, ce qui les soustrayait auxjuridictions ordinaires.

Tandis que Jean de Witt devait garder la chambre, les États de Hollande se virent contraints par un mouvement populaire orangiste àélever le prince au stathoudérat.

De Witt y trouva un motif pour offrir sa démission.

Celle-ci fut d'abord acceptée "avec honneur", mais le prince exigea quecette formule soit biffée de la résolution.Dans le même temps, une action était engagée contre son frère Cornelis, accusé de complot contre la vie du prince.

Bien qu'aucune preuve n'ait été fournieet que la torture n'ait pu arracher aucun aveu à l'accusé, celui-ci n'en fut pas moins condamné au bannissement à vie.

Le jour où fut prononcée cettesentence, 20 août 1672, lui et son frère Jean, qui était venu le chercher à la prison, furent traînés dehors et massacrés par des éléments de la populace,excités par certains notables orangistes, dont l'amiral Cornelis Tromp et deux ou trois pasteurs réformés, sous les yeux de la milice municipale qui se gardad'intervenir.

Le prince lui-même fut, à bon droit, soupçonné de complicité.

Il avait conféré dans les jours qui précédèrent avec Van Nassau-Zuylesteyn etses acolytes, puis, le 19 août, il avait repoussé la demande des États tendant à renforcer la garnison en raison de troubles prévisibles.

Il quitta même LaHaye le 20 au matin.

Vers midi, un courrier lui apporta un message des États lui demandant de revenir de toute urgence à cause de troubles imminents Il neréagit aucunement, regagna seulement le lendemain La Haye et, en dépit de toutes les insistances, refusa de collaborer à la poursuite des coupables.

Plustard, il récompensa les meneurs, par l'intermédiaire de Van Zuylensteyn, au moyen de gratifications ou même de pensions.L'élimination de Jean de Witt impliquait l'aveu d'une défaite en face de la coalition Stuart-Orange.

Les suites s'en manifestèrent en tout premier lieu par leTraité de Westminster, en février 1674, puis en novembre 1677 par le mariage de Guillaume III avec sa cousine Marie Stuart, héritière du trône après sonpère Jacques II ; ensuite, en 1678, par "l'union des forces maritimes" ; enfin, en 1689, par l'accession de Guillaume III au trône d'Angleterre qui fitmomentanément des Provinces-Unies "une chaloupe derrière la frégate anglaise".De Witt ne put suivre une autre politique contre l'anglophilie des Orange, mais il y a pourtant lieu de se demander si une adhésion moins rigide au dogme dela "véritable liberté" n'aurait pas donné une chance à une évolution qui aurait préservé les Provinces-Unies de cette impuissance gouvernementale danslaquelle elles tombèrent au XVIIIe siècle.

Il faut aussi déplorer que sa vocation de s'opposer aux ambitions dynastiques des Orange ait empêché Jean deWitt de percevoir la valeur d'une union supra-provinciale qui entrait dans les possibilités de ces ambitions.

Le grand pensionnaire n'en avait pas senti toutel'importance.

En intervenant lui-même à plusieurs reprises comme arbitre dans les dissensions qui dans certaines provinces, surtout l'Overyssel etGroningue, désorganisaient l'appareil gouvernemental, il avait montré toute l'utilité d'un organisme gouvernemental central que son dogme de la "véritableliberté" lui interdisait d'approuver.

La forme de son caractère permet de le comprendre aisément.

Un défaut notoire "d'antennes" lui faisait mésestimer lesrépercussions que sa façon rigide de penser et d'agir provoquait souvent.

Il avait peu d'amis, même parmi ses partisans, et sous-estimait l'intensité de lahaine que lui portaient ses ennemis.

Sa seule tactique contre ceux qui ne cessaient de saper ses principes de gouvernement était de farcir tous les corpsgouvernementaux d'hommes qui en étaient partisans et il ne reculait devant aucune intrigue pour y parvenir.

Il fut ainsi le père du système des "actes decorrespondance" qui devait aboutir à la toute-puissance d'une caste dirigeante, corrompue à de nombreux égards.

Ainsi sa "véritable liberté" sombra dansl'impuissance au XVIIIe siècle.Le relativisme de De Witt en tant qu'humaniste érudit forme un assez étrange contraste avec cette ligne de conduite politique doctrinaire.

Il était surtout unphilosophe éclectique avec sa connaissance approfondie des théories de Descartes et de Spinoza.

Il était un juriste éminent reconnu mais il tâta en outre àtoutes sortes d'autres sciences.

Il écrivit quelques études importantes sur les mathématiques et fut un pionnier des études économiques.

Il était de plus unpolyglotte et connaissait bien la littérature européenne, surtout la française.

Tel était l'homme qui, âgé seulement de quarante-sept ans, périt victime d'unevindicte populaire déchaînée contre lui.. »

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