JAPON (le théâtre au)
Publié le 30/10/2022
Extrait du document
«
JAPON (le théâtre au).
Le Japon doit à
son isolemetit rigoureux jusqu'au milieu du
e
XIX siècle :d'avoir mieux sauvegardé que
d'autres cultures les formes originales de
son théâtre traditionnel.
Il s'est ensuite mis
à l'école de l'Occident avec une volonté
délibérée d'assimilation et il a essayé diver':.
ses formules empruntées à l'étranger.
A par
tir de 1960 environ il a atteint une sorte
d'équilibre, où la tradition - particulière
ment celle du jeu - est mise au service de
thèmes marqués par les réalités japonaises
contemporaines.
Mais les conditions �com
IDerciales d'exploitation rendent difficile le
développement d'un théâtre de création.
-.
�illONNEL
1HÉÂTRE TitAn
On appelle traditionnel ou classique le
théâtre antérieur à l'ouverture du Japon aux
influences occidentales." Si le nô* (xrve
e
xvm siècle), le ningyô-jôruri, théâtre de pou
pées connu aujourd'hui sous le nom de bun
e
e
raku* (xvn -xvnr siècle), le kabuki*, théâtre
e
e
d'acteurs (xvn -xrx siècle) sont les plus célè
bres, d'autres formes de spectacles ont
existé depuis le vue siècle, associant des
représentations -et des chorégraphies, en
rapport ;-étroit avec les deux grandes reli
gions, le shintoïsme et le bouddhisme.
Le
sarugaku-no-nô, devenu plus tard le nô,- fut la
première forme de théâtre à réaliser la syn
thèse des formes archaïques du théâtre
•
•
Japonais.
Si le kagura, .
En 1909
il fonde avec Ichikawa Sadanji, un jeune
acteur venu du kabuki, le Jiyû Gekijô (le
Théâtre-Libre en référence à Antoine*) où il
essaie en tâtonnant de recréer un style natu
raliste à partir de théories composites et de
pièces étrangères qu'il n'a jamais eu l'occa
sion d� voii jouer.
En 1912 et 1913, il
voyage en Europe et en Russie.
Comme lui,
pendant une dizaine d'années, la plupart de
ceux qui formeront l'ossature du shingeki
�oyagent et ramènent en ordre dispersé des
br�bes d'expériences comme les morceaux
d'un puzzle à reconstituer au Japon
(Copeau*, Reinhardt*, Stanislavski*, Meyer
hold*).
En 1924, Osanai I(aoru fonde avec
son disciple Hijikata Yoshi (1898-1959) -1e
Petit Théâtre de Tsukiji (Tsukiji shôgekijô)
qui,.
pendant quatre ans, va être le labora
toire et le creuset du nouveau théâtre.
Cent
vingt pièces, la plupart étrangères (Gorki*,
Tchekhov*, Maeterlinck*), seront montées
(dont cinquante par Osanai lui-même), for
mant ainsi la base d'une nouvelle culture
dramaturgique.
> 1 annonçait fièrement le programme
d'une pièce de Pirandello*..
La priorité accor
dée aux traductions et le rôle prépondérant
du metteur en scène ne facilitèrent pas, à
la différence du roman, l'éclosion d'auteurs
japonais très originaux.
La mort d'Osanai
mit fin à l'expérience du Petit Théâtre de
Tsukiji et le mouvement pour le nouveau
théâtre éclata en deux tendances rivales,
l'une voulant un théâtre�>, l'au
tre un théâtre désengagé et>.
Murayama Tomoyoshi (1901-1977), dis
ciple de Piscator*, auteur de grandes pièces
militantes et de montage d'agit-prop*,
représente bien la tendance militante, divi
sée en de nombreux petits groupes, qui sera
petit à petit réduite au silence, lqrs de l_a
montée du militarisme.
, .,
A l'opposé, en 1925; I (Tenjôsa
jiki) se transportera de rriinuscules salles
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aménagées· â la '"diable au gigantesque hangar portuaire où il monta un de -ses derniers
7'> -,
spectacles ·Cent Ans de solitude (d'après Gar
cia Marquez, en passant par l'espace infini
de la rue - ainsi Knock �(1975) sema le
désordre dans la.
ville durant plus de trente
heures.
Son univers, souvent qualifié de sur
réaliste, est profondément marqué par le
pays natal (le Tôhoku, dans le nord de
Honshû), les figures d'une mythologie per
sonnelle : le père absent, la mère perdue,
l'enfant solitaire.
C'est une réflexion sur le travail du corps
de l'acteur dans les théâtres traditionnels qui
permet à Suzuki Tadashi de retrouver le
sens de la tragédie dans les Troyennes qui
mêle .la guerre de Troie et le Japon dévasté
de l'après-guerre à travers le personnage
1
d une vieille femme d·ont le visage· prend
successivement tous l€s masques du nô
(admirable actrice Shiraishi Kayoko).
Les
mouvements des guerriers, du peuple et du
chœur sont réglés selon un travail inhumain
du corps qui doit retrouver sa capacité à
s'exprimer san:' �tre influencé gar l�� divers
codes théâtraux européens.
En réaction contre le texte, le corps est la
pierre de touche du travail théâtral.
Corps
trempés qui émergent de la boue sous la
tente rbuge de I(ara, corps huilés qui s'entre
lacent et forment les rouages d'une mons
trueuse machine désirànte chez Terayama
Shûji, corps §ïlencieux qui évoluent au
ralenti
autour
d'un
point
d"eau
(Mizu
no
Eki
"
d'Qta Shôgo), grappes de figurants qui éclatent en fresques monumentales dans les
mises en scène de Ninagawa�Yukio.
Du côté
des auteurs, cè sont Betsuyaku Minoru, Shi
mizu Kunio et Satô Makoto qui expriment
le mieux les désarrois et les risques pris par
cette génération·.
En dissociant la= modernité
1
de 1 occidentalisation sans pour autant céder
aux vieux démons des valeurs nationalistes,
ils ont rompu le cercle vicieux de la création
japonaise.
Leur apport est vécu aujourd'hui
comn1e une >.
Leur
théâtre reste pauvre comparé aux subven
tions > mais le Shôgekijô Undô
a peu à peù changé d'échelle:- le groupe du
grand magasin., Seibu parraine Kara,:, Nina
gawa règle de somptueux défilés de mode,
Suzuki tourne régulièrement à l'étranger et
4
•
organise chaque été un festival international
de théâtre dans le petit village de Taga.
Derrière cette dizaine de >,
les jeunes troupes, très nombreuses, se suc
cèdent à un tel rythme que l'on distingue
une deuxième, une troi·sième et même une
quatrième génération..
La:\fin.·de l'angura
(autre nom du mouvement avant-gardiste
des >..
des années 60-70; de
l'anglais >) est marquée par le
succès populaire de Tsuka Kôhei qui inau
gure un humour bête et méchant sur fonds
de solides constructions dramatiques (!/Af
faire du crime de la baie d/Atamij et par la réus
site d'une très belle comédie musicale de
jazz, Shanghai Bansking (1979) de Saitô Ren.
Mis à part Yamazaki îfetsu qui s'inspire
de faits divers tragiques, Kishida Rio qui
reprend à son compte l'héritage de
Terayama et quelques autres, la relève des
-années 1980 semble débordée· par un succès
auprès d'un public qui attend surtout.
du
théâtre un divertissement.
Ces années sont,
en effet, cellés d'une véritable explosion de
la pratique et de la consommation théâtrale
parmi la nouvelle génération.
En 1986 on ne
dénombrait pas moins de 1 300 troupes
semi-professionnelles participant à l'eupho
rique comrr1union de·la jeunesse avec sa cul
ture nourrie de rock, de bande dessinées, de
shows télévisés, ou de leur parodie.
La
décennie 1980 fut incontestablement domi
née par le succès du talentueux Nada Hideki
(né en 1955) et de ses Bohémiens du Rêve:
son > d1:1, Ring de Wagner, où
tous les moments de l'histoire de l'humanité
se trouvaient court-circuités, des fossiles
préhistoriques à la transplantation des or
ganes, en passant par Nostradamus, Jules
Verne et la vie d'un boxeur raté, fut donnée,
l·ors d'une reprise de l'intégrale en 1985,
dans un stade comble, devant 10 000 per
sonnes.
> pour les uns,
infantiles pour les autres, les spectacles de
Nada, tout en acrobaties verbales et gestuel
les enchaînées à un rythme volontiers verti
gineux, orchestraient une sorte d'allègre
fuite en avant du sens sùr fond de médiati
sation généralisée de la culture.
Ces années
ont vu aussi naître, sur les scènes d'un théâ
tre commercial soucieux de renouveler son
public, un engouement formidable pour la
comédie musicale (importée ou adaptée de
Broadway ou de Londres)..
Véritable raz-de
marée qui, lors de la décennie 19901 infil
trera progressivement d'autres secteurs de la
production théâtrale où le genre_ se prêtera
aussi bien à d�s adaptations des mythes
japonais qu'à des intrigues sur fond de
frictions commerciales nippe-américaines ;
ainsi, la compagnie ·Shiki, bien connue pour
avoir fait connaître Anouilh* et Giraudoux
dans les années 1950, profitera notanunent
de cette manne I divine pour quintupler
son audience:(300 000 spectateurs en 1980,
1,6 million en 1993, pour 22 productions
présentées ,.durant cette année).
Dans les rangs, très éclatés, du > (désignation qui ne renvoie déjà
plus à un mouvement, mais à des contin
gences de production), les tendances sont
multiples, difficiles à démêler.
Sur le plan
formel, l'éventail des recherches est très
large : il va des di-verses manières de se res
sourcer aux traditions théâtrales japonaises
ou asiatiques .(kabuki-rock, Shakespeare en
kyôgen, etc.) aux explorations multimédias
ou autres expérimentations technologiques
New ,.Wave - dont le meilleur exemple
sera, au cours des années 1990,- le groupe
Dumb Type, réunissant des artistes issus
d'horizons différents (architecture, vidéo,
danse, etc.) dans un travail de collaboration
jouant habilement des tensions entre les dif
férents supports.
Avec les années 1990 s'af
firme par ailleurs une ,..tendance à revenir
au répertoire,.
classiq1.:1e aussi bien que
moderne, occidental (Shakespeare en tête)
que japonais.
Faut-il parler d'un retour au
texte, naguère sciemment neutralisé ou
noyé dans la performance et....
»
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