ITALIE (le théâtre en)
Publié le 30/10/2022
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«
ITALIE (le théâtre en).
La dualité fonda
mentale qui a to�joûi:-s séparé le théâtre dra
matique du théâtre comique trouve ses
racines danS la scission que l'Eglise a déterminée entre les deux genres, permettarit
ainsi la poursuite d'une tr�dition qui, deptlis
l'Antiquité, a · toujours lié une forme au
sacré, l'autre au profane.
Cette différencia
tion a tr�vaillé l'ensemble de l'inspiratiqn ��
des structures dramaturgiques, surtout dans
..certaines périodes où l"on seilt que I'élaboration d'une dynamique théâtrale va de pair
avec la liberté qe mouvement et d'espace
offert� par le..
pouvoir.
�
De ,l'église à la cour
�
Le drame liturgique, créé à partir d'un
noyau social, développe les premières,tègles
et défi�tions scéniqufS·:= le théâtre du
Moyen Age naît dans l'Eglise et associe· bien
vite à la représentation· rituelle dramatique
le ludus, qui entraîne dans son sillage tout
l'héritage du théâtre païen, voire préhistori
que, lié aux fêtes de fécondation de la terre.
L'Eglise essaie d'enliser et de discipliner ces
rites qui donnent parfois lieu à d'extrava
gantes cérémonies, comme la fête des Fous,
dont le ton de liberté révolutionnaire et
comique est condamné par la papauté.
De
la cassure qui en résulte naît le théâtre comi
que italien, dont les premiers auteurs
acteurs vont rejoindre les troupes des bouf
fons, des histrions et des jongleurs qui ont
toujours été exclus de la dramaturgie liturgi
que.
Les jongleurs, qui sont diseurs, acteurs,
danseurs traversent l'Italie de la Sicile jus
qu'en Provence, jouant leurs «contrastes»
dont le plus beau fleuron est Rosa fresca
aulentissima (Rose fraîche et parfumée) de
e
Ciullo d'Alcamo (XIII siècle), magnifique
exemple de réalisme dramatique.
Il n'existe pas encore de mise en scène,
comme il n'y a pas non plus de scène ;.
on
:?
se .sert des lieux de !�église, on joue autour
de l'autel.
La première implantation de
scène a lieu en Ombrie dans les confréries
et au sein même du franciscanisme, d'où
�
naît une forme très pure qui va ouvrir à
d'autres genres de représentations.
Il s'agit
de la lauda qui humanise l'idée du divin à
travers ces personnages essentiels que sont
Jésus et la ..
Madone ; la Complainte de la
Madone (Pianto della Madonna) de Jacopone
da Todi {1Q36 ?-1306) est centrée, avec une
parfaite intelligel1.ce théâtrale, sur le drame
de la mère.
Avec la lauda, c'est le moment
de passage du lyrique au dramatique, du
chant au dialogue: d'elle dérive la Sacra
Rappresentazione - qui s'apparente aux
mystères en France -, par un processus
d'autonomie qui oublie les finalités des rites
et s'adonne au plaisir du pur spectacle.
La
Sacra Rappresentazione réinvente, avec l'Inge.
gno, ses machines de jeu et devient vite, sur
toyt en Toscane, la forme par excellence du
-spectacle ...populaire ; elle continue tout au
long de la Renaissance et compte, parmi ses
auteurs les plus connus, Pulci (1438-1488),
Belcari (1410-1484) et Laurent le Magni
fique.
Les multiples facettes de la Renaissance
.-Le théâtre dramatique s'éloigne petit à
petit de l'église ou du parvis et s'abrite dans
les cours de la1 Renaissance.
En quittant son
lieu d'élection, le drame se développe
d'abord comme une imitation raffinée, litté
raire encore plus que théâtrale, de modèles
gréco-latins.
Il faut attendre jusqu'à l'arrivée
sur scène de la Favola d'Orfeo (Fable d'Or
phée) de Poliziano (1454-1494) pour qu'un
genre nouveau, la pastorale*, entreprenne,
jusqu'à la fin du xvn siècle, sa longue car
rière qui s!achève, en Italie, avec un autre
·chef-cl' œuvre, l'Aminta du Tasse*.
Le théâtre
des cours de la Renaissance, à .I'élaboration
duquel participent souvent des artistes tels
que Mantegna, Léonard, Raphaël, Andrea
del .Sarto, reprend surtout la grande tradition
classique de la scène et, sous la conduite de
la Poétique d'Aristote*, on refait Sophocle*,
Euripide* ou Sénèque*.
Les dialogues splen
dides de Horace (.La Orazia) de l'Arétin* ou
les textes anonymes de Gli Ingannati (les
Dupes) ou La Venexiana (la Vénitienne) sont
les grands moments de cette époque ; Tris
-sino, Rucellai, Speroni, Giraldi* Cinthio,
Bibbiena et Piccolomini en sont les grands
_.,
....
e
auteurs.
Plaute* et ·Térence*, de leur côté,
inspirent la comédie hédoniste, tandis que
!'Arioste*, avec ses cinq comédies qui pui
sent dans l'anecdote contemporaine; fait
revivre les anciennes figures de la comédie
classique.
Plus que des représentations, ce
sont des divertissements qui se rattachent à
la tradition des fêtes de carnaval, si impor
tantes dans l'histoire du théâtre italien.
Deux grandes personnalités se détachent
de ce riche tableau, où pourtant tout se noie
da·ns le conformisme : d'une part Machia
vel*, qui donne le chef-d'œuvre de la comé
die burlesque avec la Mandragore (La
Mandragola) où le monde complexe de la
Renaissance est peint avec une âpreté impi
toyable excluant toute forme de salut.
L'au
tre, c'est le plus renon1mé des dramaturges
dialectaux, Angelo Beolco de Padoue, plus
1
connu sous le nom de Ruzzante*: l ampleur
de son lyrisme lui penr1et de s'inventer une
langue et un tissu comique· tout à fait parti
culiers dans l'histoire théâtrale de cette
.,
epoque.
Le triomphe de la machinerie
L'avènement de la Contre-Réfor1ne mar
que de tout son poids la vitalité dramatique
des auteurs suivants qui héritent de la sen
sualité du théâtre de la Renaissance, trou
blée d'ailleurs par l'idée du péché qui donne
souvent lieu à un moralisme très affecté.
L'éloquence rhétoricienne imprègne tous les
textes et cache une fuite dans l'irréel qui se
pare de décors fastueux, aux contrastes vio
lents.
C'est l'époque du grandiose baignant
dans la moire du sentimental, de la scéno
graphie baroque non soutenue pourtant par
les grands textes que le théâtre espagnol
produit à ce même moment.
Tou-te la
recherche théâtrale semble centrée sûr !'-in
vention de mécanismes assurant la mise en
scène de > sans autre vitalité que
celle de leur étonnante puissance.
C'est ici
qu�il faut chercher la véritable curiosité
théâtrale, où l'invention prend résolument
la place d'une vérité introuvable ou insaisis
sable.
Dans ce climat, le hasard fait que
Boniface et le pédant (Le Candelajo}/ caricature
1
violente de l'hypocrisie de 1 époque, qui
ouvrit les portes à la modernité, ait été écrite
par Giordano Bruno*, brûlé vif sur les
bûchers contre-réformistes.
La commedia dell'arte
C'est par l'affaiblissement de la comédie
littéraire que s'affirme, entre 1550 et 1600,
la commedia* dell'arte.
Les comiques pro
fessionnels, de :r;nétier (dell'arte), qui ani
ment cette formê sont les héritiers en ligne
directe des saltimbanques .�t des jongleurs.
Ceux-ci, bannis , une fois pour toutes des
églises et des cours, toujours à la lisière
entre le licite et l'interdit, avaient su donner
vie à des jeux d'acteurs particulièrement
bien réglés, animant aussi les fêtes du carna
val.
Ce qui les distingue d'emblée est l'usage
du masque, symbolisant le côté animal et
démoniaque de ces acteurs reniés par tous
les pouvoirs à cause qe leurs paroles et de
J
leurs gestes trop fortement chargés des
signes de la révolte.
Les autres atouts du
succès des acteurs de la commedia dell'arte
tenaient au fait que les femmes, jusqu'alors
interdites sur.
scène, y jouaient; et au fait
qu'ils ne travaillaient jamais sur des textes
écrits, mais à partir de canevas*.
La con1IT1e
dia dell'arte affirme ainsi l'autonomie: de
l'acteur face au texte: certains acteurs sont
si excellents dans cette lutte acharnée entre
masque et texte qu'ils imposent parfois leur
nom au masque.
Au moment où ce genre
théâtral est au comble de sa splendeur, les
plus grandes compagnies de l'Art, les
Gelosi, les Uniti, les Fedeli, se répandent
partout en Europe, contribuant à la nais
sance des théâtres nationaux, comrr1e ·· à
Paris, où la Comédie-Italienne* est la pierre
de touche essentielle de la naissance de la
Comédie-Française*.
Passé cette vague de
splendeur qui dura plus d'un siècle, la com
media dell'arte s'épuise lentement dans la
répétition des mêmes schémas et des
mêmes forrr1es, jusqu'au moment où Carlo
Goldoni* s'en empare en les retravaillant de
l'extérieur.
Un autre des mérites de la com
media dell'arte est d'avoir changé les carac
téristiques du public, même si la dichotomie
., de départ entre public plébéien et public,
, aristocratique se poursuivra longtemps.
Il
est vrai que les valeurs p·rofessées par les
comédiens de l'Art élargissaient, d'un côté
comme de l'autre, points de vue et points
de mire d'un art dans lequel ils savaient
maîtriser parfaitement la science des dosa
ges, en mélangeant les genres.
Il faudra
cependant attendre l'opéra et le triomphe
indiscuté de la bourgeoisie pour prétendre à
un public qui, dans son ensemble le plus
large; accédant à la modernité, a gardé jus
qu'à nos -jours les mêmes particularités de
goût et de réception.
Les tentations du mélodra1ne
Quant à la tragédie, l'esprit de la Contre
Réforme continue à donner des résultats
tout à fait médiocres, si l'on exclut Judith
(Giuditta} de Francesco Della Valle et Mérope
de Maffei (1675-1755).
Les molles voluptés
du mélodrame italien triomphent, permettant à un public désabusé de la vie mais
assoiffé de mondanités de recréer au théâtre
ses,.
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