Texte de Bergson, extrait du chapitre IV de L'Evolution créatrice
Publié le 23/05/2020
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Introduction
Ce texte de Bergson, extrait du chapitre IV de L’Evolution créatrice , a pour objet d’exposer la racine d’une illusion
trop répandue en ce qui concerne notre rapport au réel.
On peut d’ores et déjà préciser que cette genèse, en même
temps qu’elle sera la déconstruction de cette illusion, en sera le redressement.
Ainsi la qu estion centrale du texte,
qui revient à se demander pourquoi les philosophes se trompent inéluctablement quand ils spéculent sur le réel,
revient aussi à nous imposer la véritable nature du réel (et, en conséquence, la manière vraie de le saisir " tel qu’i l
est ").
Le texte est donc de nature à la fois ontologique et épistémologique.
Bergson veut ainsi montrer qu’il est possible de connaître l’absolu, si l’on se débarrasse toutefois de l’illusion
dénoncée, puisqu’alors, on aura reconnu comment le réel est c onnaissable.
Afin de bien dégager l’argumentation du texte, nous l’étudierons en trois parties.
En effet, nous avons distingué,
respectivement, la position d’une thèse (que l’on dira double), lignes 1 à 8 ; de là, Bergson nous décrira la situation
" couran te " et opposée à cette thèse (lignes 8 à 17) ; enfin, nous aurons (lignes 18 à 27) la description génétique et
la définition de l’illusion des philosophes (qui découlera de la description de notre mécanisme usuel de
connaissance).
Première partie : la thè se : quelle est la nature de la réalité ? Et comment la connaissons -nous ?
Le texte commence par l’exposé de la thèse de Bergson, qui peut être dite double (voire triple).
En effet, elle se
rapporte à deux questions : 1) quelle est la nature de la réalité ? ; 2) comment pouvons -nous la saisir (si c’est
possible) ?
En fait, Bergson commence par nous dire ce qui existe, ou ce qu’on doit admettre comme réel.
Toutefois, il nous faut
préciser que la question ne sera pas, dans ce texte, celle des constituants ult imes de la réalité, mais, comme nous
l’avons dit, celle de la nature de la réalité.
Ce qui revient aussi à tenir pour accordée l’existence de ce qui sera admis
ici comme réel.
Bergson pose donc (ligne 1) l’existence de deux types de réalité .
On peut dire q ue, selon lui, la réalité est double,
puisque ce à quoi réfère le mot " réalité " est aussi bien la matière que l’esprit.
=l convient de préciser que Bergson
ne dit pas que la réalité réfère à la matière et l’esprit ; il relie en effet ces deux réalités pa r un " ou ".
Ce " ou ", selon
nous, serait à rapprocher du " ou " logique, qui peut être à la fois exclusif ou inclusif.
C’est -à-dire que matière et
esprit sont irréductibles entre eux, mais qu’ils sont chacun (ou tous les deux) une partie de la réalité.
= ls sont donc
différents mais en même temps, de même nature.
Toutefois, la thèse de Bergson est loin d’être un dualisme.
En effet, il ne dit jamais que la nature de la réalité est la
matière et/ ou l’esprit : pour cela, il aurait fallu dire que la réalité e st " matière ou esprit ".
Pour Bergson, ce qui fait
la nature de la réalité, c’est le qualificatif de " perpétuel devenir "(ligne 1).
Ce qualificatif, qui connote la manière
d’être du réel, est donc ce qui fait du réel, qu’il est réel.
D’où, finalement, un e thèse métaphysique ou ontologique,
qui revient à dire que tout ce qui est, est de même nature (donc, si on tient vraiment à ranger la thèse de Bergson
sous un nom en –isme, ce qu’il ne voudrait pas, il faudrait choisir le mot de " monisme ").
Ainsi, si d ifférence il y a
entre matière et esprit, elle sera de degré.
On peut dire que Bergson rompt ici radicalement avec la philosophie traditionnelle.
En effet, pour lui, ce qui fait de
l’être qu’il est être, c’est qu’il est en devenir perpétuel .
Cela choquera bon nombres d’esprits (mais nous verrons
justement pourquoi !) puisque, traditionnellement, le devenir, connotant le domaine des apparences (trompeuses)
s’oppose au stable, qui est, lui, la véritable réalité.
Mais on peut se demander comment Bergson a pu être amené à faire une telle découverte.
Car, comme il le dit, la
réalité " (nous) est apparue … " (ligne 1) comme étant telle.
Le terme d’apparaître connote quelque chose de l’ordre
de l’expérience, et de la vision.
Ce qui explique pourquoi Bergson ne nous dit pas que la réalité est un perpétuel
devenir, mais qu’elle lui est apparue " comme un perpétuel devenir ".
Il emploie une métaphore, et ce, afin de nous
suggérer ce qu’est la structure ultime de la réalité.
C’est -à-dire que la vérité de la thèse de Bergson ne se démontre
pas.
Elle est de l’ordre de l’expérience, et non de la déduction : elle s’éprouve, elle se vit.
Bergson innove donc, dans
ce texte, non seulement par le contenu de sa thèse, mais aussi par la méthode : sa métaphysique est une
métaphysique de l’expérience .
Ce qui implique qu’elle est possible (et q ue l’absolu sera connaissable !)..
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