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INTRODUCTION [Amorce] Dès l’Antiquité, les orateurs s’exerçaient au genre de l’éloge dans le cadre de la vie publique.

Publié le 02/12/2021

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : INTRODUCTION
[Amorce] Dès l’Antiquité, les orateurs s’exerçaient au genre de l’éloge dans le cadre de la vie publique.
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INTRODUCTION
[Amorce] Dès l’Antiquité, les orateurs s’exerçaient au genre de l’éloge dans le cadre de la vie publique. Au Moyen Âge, la vie des saints était racontée et magnifiée pour servir de modèle ; au xviie siècle, les beaux esprits pratiquaient dans les salons le blason, éloge de la beauté aimée. De nos jours encore, commémorations et cérémonies funèbres sont l’occasion de discours, de « plaquettes » qui célèbrent la victoire, les exploits ou la « grandeur » d’un être humain exceptionnel ; la composition de ces hommages exige, pour leur assurer toute leur efficacité émotionnelle et persuasive, des qualités littéraires. [Problématique] Les écrivains doivent-ils donc essentiellement se fixer comme but de célébrer ce qui fait la grandeur de l’être humain ? [Annonce du plan] Certes, c’est là une mission noble au service de laquelle il convient de mettre des dons que n’a pas le commun des mortels [1]. Mais est-ce rendre compte de la complexité de l’homme que de ne mentionner que sa « grandeur » ? L’écrivain ne doit-il pas aussi le peindre tel qu’il est, avec sa médiocrité, ses travers et ses vices ? Et, par ailleurs, la littérature doit-elle s’interdire d’autres sujets que l’homme, d’autres missions [2] ?
I. LA LITTÉRATURE, UN MOYEN IDÉAL POUR CÉLÉBRER LA GRANDEUR DE L’HOMME
1. Qu’est-ce qui fait la grandeur de l’homme ?
Bon nombre d’écrivains s’émerveillent des qualités dont l’homme fait preuve et les magnifient. Mais de quelle grandeur s’agit-il ?
Il peut s’agir de performances physiques exceptionnelles. Depuis les légendes et les épopées mythologiques, les écrivains ont dit leur admiration pour des héros comme Ulysse qui navigua dix ans sur des mers déchaînées (L’Odyssée). Plus proche de nous, Montherlant, dans Les Olympiques, célèbre le sens du dépassement de soi des sportifs (« [Melle de Plémeur] avait vingt-quatre ans… L’acte athlétique la transfigurait. Elle s’y échappait dans une humanité accomplie. ») Philippe Delerm, dans La Beauté du geste, médite sur les « gestes […] les plus beaux, les champions les plus charismatiques ».
Mais les écrivains célèbrent surtout des qualités intellectuelles, morales ou artistiques. Ainsi Hugo, lors de des funérailles de Balzac, voit en lui une splendide et souveraine intelligence qui « va briller […] parmi les étoiles de la patrie ! » [Exemples personnels].
2. Pourquoi les écrivains doivent-ils célébrer la grandeur de l’homme ?
Mais pourquoi la littérature devrait-elle célébrer la grandeur de l’homme ?
L’écrivain a, ancrée en lui, cette conviction que Térence, dramaturge latin, exprimait très simplement : « Je suis un homme. Et rien de ce qui est humain ne m’est étranger » (Héautontimorouménos).
L’écrivain veut que son lecteur puisse mieux connaître l’homme et, par là, mieux se connaître soi-même. Il cherche à l’éclairer sur le potentiel admirable de l’être humain et à lui donner enthousiasme et confiance en lui. Dans Les Misérables, à travers le héros Jean Valjean, Hugo montre comment une vie de vertu « rachète » erreurs et faiblesses humaines.
Célébrer l’homme, c’est aussi exprimer l’admiration que tout être suscite : « Parmi tant de splendeurs que la terre a créées, il y a l’homme, lui la merveille du monde ! », constate le dramaturge grec Sophocle. Cette admiration est d’autant plus vive quand elle concerne des êtres d’exception en lutte contre l’adversité ou le destin.
La célébration est aussi l’expression de la reconnaissance pour des êtres qui se transcendent pour sauver leurs « frères », leur patrie et garder une dignité humaine. Ainsi quand Malraux prononce en 1964 l’oraison funèbre du résistant Jean Moulin à l’occasion du transfert de ses cendres au Panthéon, il insiste sur le fait qu’il « a atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous ».
Célébrer la grandeur de l’homme, d’un Jean Moulin par exemple, c’est obéir au devoir de mémoire pour que les autres hommes, en se souvenant, trouvent des modèles à imiter et construisent un monde meilleur : « Aujourd’hui, jeunesse, dit Malraux, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ».
Enfin, la célébration de la grandeur humaine peut être l’expression d’une vision optimiste du monde : les personnages des Hommes de bonne volonté, fresque romanesque de Jules Romains, le docteur Rieux de La Peste de Camus, par leur héroïsme et leur dévouement quotidiens, portent la foi de leur créateur, qui veut la faire partager à ses lecteurs.
3. Les ressources des écrivains pour célébrer la grandeur de l’homme
Si les écrivains célèbrent l’homme, c’est qu’ils disposent de ressources efficaces et multiples.
La multiplicité des genres et des formes leur permet d’opter pour l’argumentation directe, à travers les discours (exemples du corpus, les essais, les hommages poétiques [exemples : Hugo face à Napoléon Bonaparte]), ou pour l’argumentation indirecte à travers le roman, le théâtre ou l’apologue (exemples personnels).
Ils mettent en valeur des « grands » hommes ou femmes qui ont réellement existé (Desnos dans l’allocution d’Éluard ; Auguste, empereur clément, « maître de lui comme de l’univers » dans Cinna de Corneille) mais aussi des personnages fictifs qui incarnent une image sublimée de l’être humain : Malraux romancier invente dans La Condition humaine Kyo, héros idéaliste qui lutte jusqu’à la mort pour la « dignité » des travailleurs.
Les écrivains savent mobiliser les ressources du langage et du style, jouer sur tous les registres (épique, lyrique, dramatique), manier avec art les faits d’écriture frappants : ils sont donc particulièrement aptes à valoriser les qualités exceptionnelles de l’être humain (exemples du corpus).
II. D’AUTRES MISSIONS ? D’AUTRES SUJETS ? UNE PALETTE PLUS LARGE
Mais peut-on dire que cette mission de célébration de la grandeur humaine est la plus importante pour un écrivain ?
1. Peindre les hommes tels qu’ils sont, dénoncer leurs travers
La tâche de l’écrivain ne doit-elle pas aussi être de peindre l’homme dans sa complexité avec sa médiocrité, ses faiblesses et peut-être même ses travers et ses vices ? Ainsi l’écrivain a-t-il aussi pour mission de dénoncer les injustices et de proposer à ses lecteurs des anti-modèles pour inciter ses semblables à l’action et à construire un monde meilleur (les poètes résistants ; Primo Levi.)
Rousseau avoue : « Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l’ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l’ai été » ; Montaigne prévient son lecteur au seuil de ses Essais : « Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif ». En face de Grandgousier, le bon souverain, Rabelais crée Picrochole, le mauvais roi assoiffé de sang ; en face de Jean Valjean, Hugo crée les Thénardier ; en face de Kyo, le héros, Malraux crée Tchen, le révolutionnaire instable et perdu, suicidaire, l’antihéros.
2. Célébrer d’autres sujets que l’homme ? Obéir à d’autres « missions » ?
La littérature ne peut-elle par faire porter sa mission de célébration sur d’autres sujets que l’être humain ?
Au-delà de l’homme, c’est parfois la divinité que célèbrent les écrivains (les épopées et les odes de l’Antiquité). Que sont Les Pensées de Pascal sinon la célébration de Dieu ? D’autres rendent hommage à la nature : les Romantiques la célèbrent sous toutes ses formes (exemples), Baudelaire en fait un « temple » dans « Correspondances », Camus la chante dans Noces à Tipasa. Il n’est pas jusqu’aux objets que Ponge prend « le parti » de réhabiliter (le pain, le poêle, le cageot…).
L’écrivain se donne ainsi d’autres missions : faire prendre conscience à son lecteur de sa place dans l’univers, rendre compte du monde qui l’entoure, en percer les mystères pour qu’en retour il se connaisse mieux lui-même.
3. Toute littérature n’est-elle pas « célébration » de l’homme ?
Mais au fond, peindre des êtres mauvais ou faibles, n’est-ce pas, indirectement, un moyen de mieux célébrer la grandeur de l’homme ? Picrochole est le repoussoir de Grandgousier et ne fait que magnifier sa « grandeur », Tchen celui de Kyo, les nazis ceux de Primo Levi.
Évoquer la misère de l’homme, prendre conscience qu’il est « un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout » (Pascal), célébrer ce qui le dépasse, c’est lui conférer une dimension qui l’élève : « L’homme est un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien ».
S’il est une « mission essentielle » pour les écrivains, c’est bien de « creuse[r] et sonde[r] l’homme, l’âme, le cœur, les entrailles, le cerveau, l’abîme que chacun a en soi » (Hugo). Célébrer la grandeur humaine est une stratégie parmi d’autres pour atteindre ce noble but.
CONCLUSION
Magnifier l’homme est sans doute nécessaire pour rendre hommage à ceux qui le méritent, pour remplir la soif d’idéal du lecteur, lui donner des modèles à imiter et lui donner foi en sa condition. Mais pourquoi faudrait-il chercher une mission « essentielle » à la littérature lorsqu’elle parle de l’homme ? [Ouverture] Sa richesse provient bien plutôt de la multiplicité et de la variété de ses rôles, de ses stratégies et de ses formes, que chaque écrivain réinvente lorsqu’il fait vraiment œuvre de créateur.

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