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Innocent III

Publié le 16/05/2020

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« Innocent III Lothaire de Segni, de la famille des comtes de Segni, monté sur le trône de saint Pierre le 8 janvier 1198, est considéré à juste titre par les historienscomme le plus grand pape du Moyen Âge.

Né en 1160 ayant étudié la théologie à P aris et le droit canonique à Bologne, il avait, avant son élection, faitcarrière à la Curie et avait été nommé cardinal en 1190.

Intellectuel et homme d'action, il apparaît comme un personnage toujours soucieux d'être bieninformé avant de prendre des décisions, mais prompt à arrêter celles-ci avec la plus ferme vigueur et à les faire appliquer avec la plus vive autorité. Le programme de son pontificat est simple et ambitieux.

Prenant conscience de la situation politique de l'Occident marqué par les prétentions de l'empereuret par l'affermissement des monarchies française et anglaise, rendu inquiet par les progrès de l'hérésie et les critiques adressées au clergé, il veut exalterau mieux le prestige et la puissance du Saint-Siège de façon à renforcer la cohésion temporelle et spirituelle de la C hrétienté sous son autorité suprême.Mais il n'entend pas exercer celle-ci d'une façon directe ; bien au contraire, il laisse aux rois le plein exercice de leur juridiction propre dans la mesure oùleur action ne constitue pas un danger pour la liberté ecclésiastique ou pour la morale chrétienne. C'est ce qu'expriment ses théories politiques.

S'inspirant des canonistes bolonais de la fin du XIIe siècle et spécialement de son maître Huguccio, il estimeque l'empereur et les rois tiennent directement leur pouvoir de Dieu, mais qu'ils ont un office inférieur en nature et dignité à celui du pontife romain, lui aussichoisi par Dieu.

C es monarques accomplissent librement leurs fonctions en les exerçant pleinement dans le domaine qui leur est particulier.

Toutefois, lepape, qui a la souveraineté suprême dans la Chrétienté parce qu'il est le vicaire du Christ-Dieu, peut, en des circonstances exceptionnelles, se substituer àeux ou prendre des mesures à leur encontre : soit lorsqu'ils pèchent très gravement, soit lorsqu'il n'existe ici-bas aucune autre autorité constituée pourdécréter les décisions nécessaires. Pour réaliser un tel programme conformément à ces conceptions théocratiques, il fallait d'abord obtenir de l'Empire qu'il renonçât à la domination directe del'Italie afin de préserver la liberté de l'État pontifical.

Sur ce point fondamental, Innocent III eut une chance insigne.

A u printemps 1198 en effet, lesprinces-électeurs d'A llemagne ne parvinrent pas à se mettre d'accord : les uns élurent Philippe de Souabe, frère de l'empereur défunt Henri VI ; les autresle Welf Otton de Brunswick.

C ette double élection, qui entraîna la guerre civile, empêcha donc l'empereur d'intervenir dans la péninsule.

Bien plus, chaquecandidat sollicitant du pape la confirmation de sa désignation et le couronnement, celui-ci devint l'arbitre de l'Empire et exerça, en cette circonstanceextraordinaire, son pouvoir suprême.

Il se garda de choisir Philippe, représentant de la dynastie Staufen qui, depuis Frédéric Barberousse (1152), avaitsans cesse menacé le Saint-Siège, et confirma Otton, après avoir reçu de lui à Neuss promesse de larges concessions territoriales en Italie.

Mais,quelques années plus tard, Philippe ayant été assassiné (1208) il n'hésita pas à s'opposer à l'empereur qui avait renié ses engagements ; il l'excommuniaet obtint d'une diète allemande qu'il fût déposé et que fût élu à sa place le jeune Frédéric II, fils d'Henri V I et roi de Sicile.

Otton résista rudement ; iléchoua finalement lorsque, ayant élargi son entreprise à l'échelle de la C hrétienté, il fut vaincu à Bouvines par le roi de France Philippe Auguste (1214). Ces événements laissèrent au pontife une grande liberté d'action dans la péninsule.

A insi fut menée à bien une politique territoriale qui consista, en"récupérant" toutes les terres sur lesquelles le Saint Siège pouvait avoir des droits, à agrandir l'État pontifical qui engloba désormais, outre le noyau primitifen basse T oscane, Ombrie, Campanie et Sabine, la Marche d'Ancône, le duché de Spolète et la Romagne.

De plus, l'Église romaine entendit contrôler lereste de l'Italie ; elle intervint partout, pratiquant le plus souvent à l'encontre des villes une politique conservatrice, opposée à la montée rapide du patriciatbourgeois et favorable à la noblesse traditionnelle. A l'égard des autres États, Innocent III adopta, quand il fallut, une attitude autoritaire.

Il jeta l'interdit sur le royaume de France lorsque P hilippe Auguste,qui avait illégalement fait annuler son mariage avec Ingelberge de Danemark pour épouser Agnès de Méran, refusa de reprendre sa femme légitime (1200).Il mit aussi en interdit l'Angleterre, déposa même le roi Jean sans Terre qui s'opposait avec violence à l'élection à l'archevêché de Canterbury d'ÉtienneLangton et n'accepta la réconciliation qu'au prix d'une soumission complète, le monarque se reconnaissant en quelque sorte vassal du Saint-Siège (1213).Mais, en 1215, il prit ardemment sa défense contre les barons révoltés et cassa la Grande Charte, qu'il tenait pour un acte pernicieux, susceptible detroubler l'ordre normal des juridictions établies. Cette politique autoritaire fut accomplie avec une énergie d'autant plus grande qu'Innocent III estimait obligatoire que l'Église fût puissante afin de mener àbien deux entreprises jugées nécessaires à la C hrétienté : l'une offensive, la croisade ; l'autre défensive, la lutte contre l'hérésie. Dès son avènement, il eut à cœur de restaurer l'implantation chrétienne en Terre sainte, où elle était très gravement menacée depuis la prise de Jérusalempar Saladin (1187) et l'échec de la troisième croisade.

En 1199, il lança un appel pour une nouvelle expédition.

En même temps, il entrait dans le jeu desintrigues byzantines et décidait que la croisade passerait par C onstantinople afin de soutenir un candidat à l'Empire d'Orient, précédemment renversé, etpour refaire l'union des églises.

La quatrième croisade se mit en route en 1200 ; mais, surtout du fait des V énitiens qui avaient accepté de transporter lescroisés et qui ambitionnaient de conquérir des places commerciales, elle fut principalement dirigée contre C onstantinople, aboutissant au couronnementcomme empereur d'un occidental et au partage des territoires impériaux contre les vainqueurs ; elle n'alla pas plus loin.

C onscient de cette déviation et decet échec, Innocent III n'abandonna jamais le projet d'une autre campagne. La situation générale du clergé, souvent enclin à s'enrichir grâce aux facilités créées par l'essor du commerce, plus encore ambitieux de puissancetemporelle, les critiques ainsi suscitées et, en liaison avec celles-ci, les progrès des hérésies cathares et vaudoises furent pour le pape un motif permanentd'anxiété intense.

Avec ardeur, il multiplia les efforts pour comprendre les réserves formulées à l'égard de l'Église et poursuivit sans cesse l'application deréformes visant à élever le niveau moral et intellectuel du clergé et à perfectionner l'administration ecclésiastique en la centralisant.

Il chercha à ramenerles hérétiques à l'orthodoxie et compta beaucoup pour cela sur les Cisterciens qu'il désigna comme légats avec pleine autorité sur les évêques en cettematière.

Ceux-ci, malheureusement, ne réussirent guère.

Le meurtre de l'un d'entre eux, Pierre de Castelnau (1208), conduisit le pontife à lancer lacroisade contre les Albigeois et à offrir le comté de Toulouse à ceux qui en extirperaient l'hérésie.

A insi, peut-être à son corps défendant, décréta-t-il laviolence contre les hérétiques.

Il ne cessa cependant d'espérer leur reconversion et encouragea saint Dominique à militer dans ce sens, de même qu'il sutapprécier les initiatives de François d'Assise pour un renouvellement spirituel par la pauvreté. Toute cette œuvre trouva son couronnement au IVe Concile œcuménique de Latran (novembre 1215), ou le pape arrêta solennellement des mesures quicodifiaient les entreprises précédentes.

La centralisation fut renforcée, l'autorité pontificale sur le clergé étant désormais toute-puissante et contrôlant lahiérarchie ; des canons furent promulgués en faveur de l'enseignement ; l'hérésie fut fermement condamnée et déterminés les moyens aptes à lutter contreelle ; le comté de Toulouse fut reconnu à Simon de Montfort, chef de la croisade en A lbigeois ; une nouvelle expédition en Terre sainte fut décidée pourl'année 1217 ; la définition dogmatique de l'Église fut précisée. Quelques mois plus tard, alors qu'il se rendait en haute Italie pour organiser la croisade, Innocent III mourut, à la suite d'une très brève maladie (16 juillet1216).. »

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