Indonésie
Publié le 02/12/2021
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1 | PRÉSENTATION |
Indonésie, en indonésien Indonesia, pays insulaire d’Asie du Sud-Est, formé de plus de 13 677 îles, dont près de la moitié sont inhabitées. Sa capitale est Jakarta.
L’Indonésie s’étend sur 5 000 km d’ouest en est, dans les mers équatoriales. Elle comprend les îles de la Sonde (Sumatra, Java, Madura, Bali, Lombok, Sumbawa, Sumba, Florès et la partie occidentale de l’île de Timor), une grande partie de l’île de Bornéo (Kalimantan), l’île de Célèbes (ou Sulawesi), l’archipel des Moluques, ainsi que la partie occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée (Irian Jaya).
L’Indonésie possède une frontière terrestre avec la Malaisie, sur l’île de Bornéo, et avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, sur l’île de Nouvelle-Guinée. Les frontières maritimes sont la mer de Chine méridionale, la mer de Célèbes et l’océan Pacifique au nord, l’océan Indien à l’ouest et au sud, et la mer de Timor au sud-est, qui sépare l’Indonésie du nord de l’Australie. L’île de Sumatra est séparée de la péninsule de Malacca par le détroit de Malacca, et de l’île de Java par le détroit de la Sonde. Les îles de Bornéo et de Célèbes sont séparées par le détroit de Makassar.
2 | MILIEU NATUREL |
2.1 | Relief |
L’Indonésie a une superficie totale de 1 904 570 km². Formé d’une succession d’arcs tectoniques tertiaires et quaternaires, l’archipel indonésien présente des reliefs très accidentés. L’arc interne de la Sonde comprend les grandes îles de Sumatra et de Java, ainsi qu’une partie des petites îles de la Sonde. L’arc externe est situé à l’ouest des côtes de Sumatra (archipel de Mentawai) jusqu’aux îles Timor, Buru et Seram. Une chaîne de montagnes volcaniques s’élevant à plus de 3 600 m s’étend ainsi, d’est en ouest, de Sumatra à Timor. Les points culminants sont le Kerinci (3 805 m), situé à Sumatra, dans les monts Barisan, et le Semeru (3 676 m), à Java. Le Puncak Jaya (5 030 m), situé dans la chaîne du Sudirman, en Irian Jaya, constitue le point culminant de la république d’Indonésie. Les îles de Bornéo, Bangka et Belitung correspondent, quant à elles, à l’extrémité méridionale du vieux socle immergé de la plate-forme de la Sonde.
Les plaines les plus importantes se trouvent à Sumatra, Java, Bornéo et en Irian Jaya. Pendant des siècles, les coulées volcaniques ont façonné des sols fertiles sur les basses terres, notamment à Java.
L’archipel indonésien connaît une forte activité volcanique et sismique. On recense 128 volcans en activité comme le Krakatau, îlot volcanique situé entre Java et Sumatra, dont l’explosion en 1883 a entraîné un gigantesque raz de marée. L’une des secousses sismiques les plus récentes a frappé, en 1992, l’île de Florès, faisant 2 000 victimes ; un autre tremblement de terre a secoué Sumatra en février 1994, tuant 180 personnes.
2.2 | Climat |
Traversé par l’équateur, l’Indonésie connaît, selon les îles, un climat tropical ou équatorial. C’est l’un des pays les plus chauds et les plus humides de la planète. La zone équatoriale (Sumatra, Bornéo, Célèbes, Irian Jaya), au climat très humide, ne connaît qu’une très courte saison sèche. Dans la zone tropicale (Java, Bali, petites îles de la Sonde), la saison humide alterne avec une longue saison sèche (six mois environ). Dans les petites îles de la Sonde, le climat présente même un caractère semi-aride.
L’archipel est affecté par deux moussons, l’une de novembre à mars, accompagnée de fortes pluies, et qui constitue la saison la plus humide, et une autre, de juin à octobre. L’Indonésie ne connaît pas les typhons qui ravagent périodiquement l’Asie du Sud-Est, à l’exception de l’île de Timor. Les variations annuelles des températures sont faibles : de 24 à 26 °C en moyenne, la température ne descendant jamais en dessous de 20 °C, sauf en montagne. Il n’y a pas de saison définie. C’est le régime des pluies qui introduit des variations : la pluviosité annuelle moyenne oscille entre 1 780 et 3 175 mm en plaine et peut atteindre 5 000 mm dans les régions montagneuses de Kalimantan, où tous les mois sont pluvieux.
2.3 | Végétation et faune |
Presque 46 p. 100 du territoire indonésien est couvert de forêts équatoriales ou tropicales et de savanes arborées, surtout concentrées à Kalimantan, Sumatra et dans l’est de l’archipel. L’essence dominante est le Dipterocarpus, un arbre dont la hauteur varie de 35 à 55 m et dont on tire une huile siccative. L’Indonésie compte environ 2 500 espèces d’arbres et près de 5 500 espèces végétales à fleurs. L’île de Bornéo, notamment, détient l’un des écosystèmes les plus riches au monde (800 espèces d’arbres). Cette flore indo-malaise, très ancienne, a été favorisée par l’existence de ponts terrestres reliant les îles à certaines époques de l’histoire géologique de l’archipel de la Sonde. Elle s’atténue à l’est, l’Irian Jaya faisant déjà partie du monde australien. En altitude, une forêt d’étage montagnard peut subsister jusqu’à 3 500 m et comprend des espèces comme le chêne. C’est une forêt humide, perpétuellement plongée dans le brouillard et qui correspond au nebelwald des botanistes et des géographes.
La faune indo-malaise est riche et bien représentée à Java, Sumatra et Bornéo : singes, cerfs, crocodiles, rhinocéros, éléphants, ours, paons, etc. Mais certaines espèces sont particulières à chaque île. On ne trouve l’orang-outang qu’à Sumatra et à Bornéo ; le tigre et la panthère à Sumatra et Java ; le buffle sauvage à Java et Kalimantan ; le nasique à Bornéo ; on ne trouve l’éléphant, le tapir et le siamang (gibbon noir) qu’à Sumatra. Au sud, à Célèbes et aux Moluques, la faune réunit à la fois des espèces asiatiques et australiennes. En Irian Jaya vit une grande variété d’oiseaux, et sur l’île de Komodo le fameux varan (lézard pouvant atteindre 3 m).
De mai à décembre 1997, des incendies épars d’une très grande ampleur ont touché l’ensemble des provinces indonésiennes. L’origine est attribuée aux méthodes sauvages de déboisement pratiquées dans les forêts tropicales. Les feux déclenchés ont été attisés par une sécheresse exceptionnelle liée au phénomène atmosphérique El Niño. L’ensemble des foyers n’a pas pu être éteint et en 1998, certains feux continuaient de dévaster la forêt.
3 | POPULATION ET SOCIÉTÉ |
Les îles de la Sonde ont connu des vagues successives de peuplements qui ont donné lieu à une mosaïque de peuples et de langues. Les populations sont pour la plupart d’origine indo-malaise et deutéro-malaise. Rien qu’à Sumatra, quatre groupes ethniques, constitués de quinze peuples différents, se partagent l’île : les Atchinais, les Garos, les Bataks et les Minangkabaus. À Java, les Javanais proprement dits occupent le centre de l’île, tandis que les Sundanais peuplent le pays de Sunda ; les Madurais sont représentés à Java et à Madura ; les Balinais occupent une place à part d’un point de vue religieux, l’hindouisme étant la religion dominante de l’île de Bali. Bornéo est peuplée par les Dayaks, Célèbes par des peuples proto-malais, les Alfours, les Toradjas, les Manadais, les Bugis et les Macassars, ces deux derniers étant des peuples d’origine deutéro-malaise. Les Moluques sont habitées par les Alfours et les Amboinais (christianisés). L’Irian Jaya est le domaine des Papous, qui sont près d’un million. Plusieurs millions de Chinois vivent aussi en Indonésie.
3.1 | Démographie |
L’Indonésie arrive au quatrième rang mondial pour la population, avec 237 512 360 habitants en 2002, soit une densité de 130 habitants au km2. Près de 50 p. 100 des Indonésiens vivent à Java (plus de 102 millions d’habitants en 2000) et à Madura (environ 3 millions d’habitants), qui sont parmi les régions les plus densément peuplées du monde. En 1995, Sumatra comptait 40,8 millions d’habitants et Célèbes environ 13,7 millions.
Le taux de croissance annuelle de la population est actuellement de 1,18 p. 100. La mortalité infantile (31 p. 1 000) reste encore élevée. En 2008, le taux de natalité était de 19,20 p. 1 000, le taux de mortalité de 6,20 p. 1 000, et l’indice de fécondité à 2,34 enfants par femme. L’espérance de vie, estimée à 70,5 années, est la plus basse des pays insulaires d’Asie du Sud-Est. La population indonésienne est jeune, la part des moins de 15 ans s’élevant à 28,4 p. 100 et celle des personnes âgées de 65 ans et plus à 5,8 p. 100 seulement.
3.2 | Découpage administratif et villes principales |
L’Indonésie est divisée en 27 provinces, 2 régions spéciales — Aceh et Yogyakarta — et 1 district spécial pour la capitale, Jakarta. Les 27 provinces sont : Bali, Banten, Bengkulu, Gorontalo, Jambi, Java-Centre, Java-Est, Java-Ouest, Irian Jaya, Kalimantan-Centre, Kalimantan-Est, Kalimantan-Sud, Kalimantan-Ouest, Kepulauan Bangka Belitung, Lampung, Moluques, Moluques du Nord, Nusatenggara-Est, Nusatenggara-Ouest, Riau, Sulawesi-Centre, Sulawesi-Nord, Sulawesi-Sud, Sulawesi-Sud-Est, Sumatra-Nord, Sumatra-Sud et Sumatra-Ouest.
Chacune des 27 provinces est administrée par un gouverneur, ainsi que par des organismes administratifs et législatifs locaux. Les provinces sont divisées en districts (357 en 2004), qui sont à leur tour divisés en sous-districts et en communes. L’Indonésie a procédé en 2001 à une importante décentralisation, entraînant un transfert du pouvoir politique et fiscal du gouvernement central aux districts.
Les villes les plus importantes d’Indonésie sont situées à Java. Jakarta, avec une population de 9 341 400 habitants en 1997, est la capitale et le principal centre commercial et industriel du pays. Les autres grandes villes de Java sont Surabaya (2 743 400 habitants), Bandung (2 429 000 habitants) et Semarang (1 366 500 habitants). La première ville de Sumatra est Medan (1 942 000 habitants). Palembang vient ensuite, avec 1 394 300 habitants. Ujung Pandang, à Célèbes, Yogyakarta, à Java, et Banjarmasin, à Kalimantan, accueillent moins d’un million d’habitants.
3.3 | Institutions et vie politique |
L’Indonésie est une république constitutionnelle. Elle a proclamé en 1945 son indépendance vis-à-vis des Pays-Bas, qui ont reconnu la République fédérale indonésienne (RIS) en 1949. L’année suivante, le système fédéral était aboli et le pays devenait une république unitaire. Trois Constitutions provisoires ont défini la forme du gouvernement d’Indonésie. La première a été proclamée en 1945, la deuxième publiée en février 1950 et la troisième votée par la Chambre des représentants en août 1950. En 1959, la Constitution de 1945 a été rétablie par décret présidentiel.
Compte tenu de la taille du pays, de sa configuration insulaire et morcelée, et de sa diversité ethnique, la création puis le maintien de l’unité nationale ont toujours constitué une priorité pour les dirigeants indonésiens. À cette fin, la Constitution établit les cinq idéaux qui doivent fonder la philosophie du système politique indonésien (philosophie du Pancasila ou Cinq Piliers), à savoir la croyance en Dieu, l’humanisme, le nationalisme, la souveraineté du peuple et la justice sociale.
La Constitution indonésienne a fait l’objet d’importants amendements en 2002, dans le cadre des réformes démocratiques entreprises à la suite de la chute du dictateur Suharto, resté à la tête du pays de 1967 à 1998. Ces réformes instituent notamment l’élection au suffrage universel direct du chef de l’État et le bicaméralisme au Parlement.
3.3.1 | Pouvoir exécutif |
Le chef de l’exécutif est le président, élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Le président de la République est à la fois le chef de l’État et le chef du gouvernement. Il a un pouvoir étendu et peut gouverner par décret en cas d’urgence. C’est lui qui nomme et dirige les ministres.
Avant la révision constitutionnelle de 2002, le président était élu par l’Assemblée consultative du peuple, le Madjelis Permusyawaratam Rakyat (MPR), qui comprenait, outre des membres élus, des représentants des forces armées. La réforme constitutionnelle de 2002 a modifié la structure du MPR en instituant le suffrage universel pour l’élection de la totalité de ses membres.
3.3.2 | Pouvoir législatif |
Le pouvoir législatif est exercé par un Parlement bicaméral, le Madjelis Permusyawaratam Rakyat (MPR), constitué de la Chambre des représentants (Dewan Perwakilan Rakyat, DPR), et d’une assemblée régionale, la Chambre des représentants régionaux (Dewan Perwakilan Daerah, DPD). Le DPR est formé de 550 membres élus pour cinq ans au suffrage universel. Il approuve les lois et peut soumettre des projets de loi au président pour ratification. Le DPD est composé de 128 membres élus au suffrage universel pour un mandat de cinq ans.
3.3.3 | Partis politiques |
L’Indonésie compte trois grands partis politiques (les seuls autorisés à participer aux scrutins électoraux avant 1998). Le plus important est le Golkar (abréviation de Golongan Karya, fédération de « groupes fonctionnels «), l’ancien parti unique créé en 1964. Les autres sont le parti Persatuan Pembangunan, (PPP, « Parti de l’unité pour le développement «), datant de 1973, qui est une coalition musulmane, et le Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P, 1973), représentant des groupes nationalistes et chrétiens, dont est issue la présidente Megawati Sukarnoputri, qui a présidé le pays de 2001 à 2004.
La NU, Nahdatul Ulama (« Renaissance des ulémas «), si elle n’est pas à proprement parler un parti politique, est l’organisation confessionnelle musulmane la plus puissante, avec 30 millions de membres. Le Parti communiste indonésien (PKI), autrefois très influent, a été interdit en 1966 et n’a subsisté que clandestinement sous le règne de Suharto.
La légalisation du multipartisme, en juin 1998, tout de suite après la chute de Suharto, a favorisé l’apparition de nombreux nouveaux partis, en particulier le Parti démocrate (PD), dont le leader Susilo Bambang Yudhoyono a remporté l’élection présidentielle de 2004.
3.3.4 | Défense nationale |
Les forces armées d’Indonésie ont été unifiées en 1967 et placées sous l’administration du ministère de la Défense et de la Sécurité, lui-même contrôlé par le président sous le règne de Suharto. Depuis lors, l’institution militaire a exercé un contrôle décisif sur l’Indonésie. L’armée de terre, la marine et l’armée de l’air totalisent 302 000 hommes en 2004.
3.4 | Langues et religions |
La liberté de religion est garantie par la Constitution. L’islam est pratiqué par plus de 85 p. 100 de la population. Parmi les autres groupes religieux, on compte plus de 17 millions de chrétiens, surtout des protestants, et plus de 1,5 million de bouddhistes, dont la plupart sont d’origine chinoise. L’hindouisme, supplanté par l’islam, est demeuré très présent à Bali.
Plus de cent langues sont parlées en Indonésie, mais la langue officielle bahasa indonesia est la plus répandue. Cette langue, qui appartient au groupe des langues malayo-polynésiennes, est très proche du malais (voir langues indonésiennes).
3.5 | Éducation |
En 1964, le gouvernement indonésien a mis en place un programme d’enseignement obligatoire pour tous les enfants âgés de 7 à 15 ans. Le système scolaire du pays s’inspire du système néerlandais, le cursus secondaire étant divisé entre les mathématiques, les langues et l’économie. Le taux d’alphabétisation a considérablement évolué pour atteindre 89,5 p. 100 en 2005 contre 54 p. 100 en 1970.
Sur la période 2001–2002, 3 175 833 étudiants fréquentaient les établissements d’enseignement supérieur. Les institutions accueillant le plus d’étudiants sont l’université d’Indonésie (1950), à Jakarta, l’université d’État de Pajajaran (1957), à Bandung, et l’université Gajah Mada (1949), à Yogyakarta.
4 | ÉCONOMIE |
4.1 | Généralités |
Malgré des exportations massives de pétrole, de gaz naturel, d’étain et de caoutchouc, l’économie indonésienne demeure agricole. La production industrielle, quant à elle, se spécialise dans les marchandises destinées à l’exportation.
Pour rectifier le déséquilibre lié à une économie héritée du colonialisme, le gouvernement nationalise les entreprises sous contrôle étranger au début des années 1960. Grâce à ses ressources naturelles, à la stabilité de son gouvernement et à l’apport d’une aide internationale importante, l’Indonésie, au bord de la banqueroute en 1965, effectue un rétablissement économique remarquable. Une série de plans quinquennaux a pour effet d’augmenter la production et de maintenir un taux de croissance annuel de plus de 6 p. 100 pendant plus de vingt ans.
La croissance est pourtant sérieusement ralentie à partir des années 1980 par la chute du prix du pétrole. Par ailleurs, la grave crise financière que traversent plusieurs pays de l’Asie du Sud-Est en 1997-1998 provoque l’effondrement du cours de la roupie, installant le pays dans une position très inconfortable, tant sur le plan économique que politique. Au début de l’année 1998, le Fonds monétaire international (FMI) décide d’accorder une aide importante au pays, sous réserve de la mise en œuvre d’une réforme économique, mais cette collaboration n’est pas renouvelée par le gouvernement indonésien en 2003, qui se lance toutefois dans de vastes réformes. Pour la période 1990-2003, le taux de croissance du PIB s’élève à 3,45 p. 100. En 2003, le PIB indonésien atteignait 208 milliards de dollars.
4.2 | Agriculture, forêts, pêche |
L’agriculture (industrielle ou de subsistance) fournit, en 2006, 12,9 p. 100 du PIB et emploie 42,1 p. 100 de la population active. Dans les régions montagneuses ou reculées, les Indonésiens pratiquent l’agriculture sur brûlis, ou ladang. L’Indonésie possède peu de terres arables : seuls 20,2 p. 100 de son territoire sont à ce jour cultivés, pour l’essentiel situés à Java. La structure foncière est partagée entre des micro-exploitations et de grands domaines hérités de la période coloniale, les estates.
La majeure partie des terres est consacrée à la riziculture. En 2006, l’Indonésie a produit 54,4 millions de tonnes de riz. Malgré l’introduction des souches de riz « miracle « R 5 et R 8 dans les années 1970, ce qui a permis de décupler la production, l’Indonésie, qui a atteint l’autosuffisance alimentaire en 1984, importe toujours du riz. Les céréales viennent en seconde position avec une production de 66 millions de tonnes en 2006.
Les petites fermes, qui produisent la plus grande partie des produits de subsistance, contribuent aussi pour une large part aux récoltes de tabac et d’hévéa, dont on tire le caoutchouc (2 350 000 t en 2006), l’Indonésie étant le second producteur mondial après la Thaïlande. Les grandes plantations travaillent surtout pour l’exportation et produisent de l’huile de coprah, du café vert (652 668 t), du thé, essentiellement la variété dite Assam (171 410 t) et du cacao (580 000 t). Les autres productions sont le manioc (19 927 589 t), le maïs (11 610 646 t), la patate douce (1 851 840 t), la canne à sucre (30 150 000 t) et le soja (749 038 t).
L’exploitation forestière est très active. La quasi-totalité des forêts appartient à l’État. La production de grumes a atteint 98,8 millions de m³ en 2006. Presque toute la production est constituée de bois dur, dont 80 p. 100 sont utilisés comme combustible. Des bois précieux, dont le teck, l’ébène, le bambou et le rotin, sont également coupés en quantité importante et destinés à l’exportation. L’Indonésie est le plus gros exportateur mondial de contreplaqué.
Le secteur de la pêche est en expansion. En 2005, le total des prises s’élevait à 6,51 millions de tonnes, dont 5,27 millions de tonnes pour la pêche en mer. Comme dans beaucoup de pays d’Asie, la pisciculture en eau douce est très développée.
4.3 | Mines et industries |
L’industrie et les mines fournissent 47 p. 100 du PIB en 2006 et emploient 18,6 p. 100 de la population active. Les principales ressources minérales sont le pétrole, le gaz naturel et l’étain.
L’Indonésie est un important producteur d’hydrocarbures, avec une production de pétrole de 421 millions de barils en 2004 et une production de gaz naturel de 74,2 milliards de m3. Les réserves de gaz naturel sont estimées à 2 769 milliards de m3. Seule membre asiatique de l’OPEP, l’Indonésie doit toutefois importer du pétrole à partir de 2004 pour faire face à la croissance de sa demande intérieure. L’Indonésie reste un important producteur d’étain, bien que la production annuelle ait baissé (65 772 t en 2004). Les autres minerais importants sur le plan économique sont la bauxite, le charbon, le nickel provenant des gisements des monts Ersberg en Irian Jaya, le cuivre, le manganèse et le minerai de fer.
En 2003, la production d’électricité a atteint 109,5 milliards de kilowattheures. 7,67 p. 100 sont d’origine hydraulique, presque tout le reste provenant d’installations thermiques.
L’expansion de l’industrie reste l’un des objectifs majeurs des programmes de développement du gouvernement. Les principaux secteurs industriels sont les industries dérivées du pétrole et du bois, le textile, l’agroalimentaire, la cimenterie, la chimie, la construction mécanique, la construction électrique et électronique (postes de radio, téléviseurs) et l’industrie automobile (assemblage). Les industries de fabrication sont majoritairement concentrées à Java.
4.4 | Secteur tertiaire et commerce extérieur |
En 2006, les services fournissaient 40,1 p. 100 du PIB et employaient 38 p. 100 de la population active. La rupiah indonésienne, divisible en 100 sen, est l’unité monétaire officielle du pays. La Banque d’Indonésie est la banque centrale émettrice.
L’Indonésie possède un réseau routier de 368 360 km, dont environ 58 p. 100 asphaltés. Le pays est desservi par 6 458 km de voies ferrées, la plupart se trouvant à Java, Sumatra et Madura. Les voies navigables et le transport maritime entre les îles ont une importance considérable pour le pays. La compagnie aérienne principale est la Garuda, gérée par l’État. Les principaux aéroports sont ceux de Jakarta, Medan et Denpasar.
La balance commerciale est régulièrement excédentaire, grâce aux exportations de minerais et de produits agricoles. En 2004, le montant des importations s’élève à 42,9 milliards de dollars et celui des exportations à 64,5 milliards de dollars. Les principaux produits d’exportation sont le pétrole et ses produits dérivés, le gaz naturel, le contreplaqué, les textiles, les produits agricoles (café, caoutchouc, bois, coprah, tabac, thé, poivre) et certains minerais (étain, nickel). Les importations concernent principalement les biens d’équipement, les produits chimiques et pharmaceutiques, le riz, ou encore les métaux (fer, acier). Les principaux partenaires commerciaux de l’Indonésie sont, dans l’ordre, le Japon, les États-Unis, Singapour, l’Allemagne, Taïwan et la Corée du Sud.
5 | HISTOIRE |
En 1891, le docteur Eugène Dubois découvre l’un des fossiles de l’espèce Homo erectus les plus anciens jamais mis au jour, connu sous le nom d’homme de Java — ou Pithecanthropus erectus — (voir évolution de l’homme). Le peuplement moderne de l’archipel indonésien s’est constitué en plusieurs vagues successives au paléolithique. Il s’agissait de peuples de marins et riziculteurs qui ont transmis à l’Indonésie les techniques de pêche et de riziculture sur lesquelles elle a fondé sa civilisation.
5.1 | Les premiers royaumes |
Dès le ve siècle apr. J.-C., deux types d’entités politiques émergent dans l’archipel : les États maritimes commerçants des côtes de Sumatra, du nord de Java, de Bornéo, de Célèbes, et les royaumes de l’intérieur fondés sur la riziculture, à l’est et au centre de Java. Ces royaumes, entrés en contact avec la civilisation indienne, en adoptent la langue (le sanskrit) et les religions (le bouddhisme et l’hindouisme). Le premier et le plus important de ces États indianisés est le royaume de Srivijaya, sur la côte sud-est de Sumatra, qui, à la fin du viie siècle, commerce avec l’Inde et la Chine, ce qui lui permet de contrôler pendant près de cinq cents ans la plupart des échanges entre la Chine, l’archipel indonésien et l’Inde.
Il reste peu de traces du royaume de Srivijaya sur l’île de Sumatra. En revanche, les royaumes hindou-bouddhistes dans le centre et l’est de Java ont laissé de nombreux vestiges, telles ces inscriptions qui montrent l’ampleur de l’influence indienne sur leur religion et sur l’organisation de l’État. Tous ces royaumes javanais étaient fondés sur la riziculture et présentaient une organisation administrative hiérarchique complexe dirigée par un roi-dieu.
À Java, le royaume hindouiste de Mataram se montre florissant sur le plateau Dieng au début du viiie siècle. Au cours de la seconde moitié de ce siècle, un royaume bouddhiste se développe sous la dynastie des Sailendra, dans la plaine voisine de Kedu. Les Sailendra bâtissent les immenses temples de Borobudur (bouddhiste) et du Prambanan (hindouiste) au milieu du ixe siècle. À cette époque, des souverains qui prétendent descendre du roi Sanjaya (règne estimé, 732-778) crée un nouveau royaume de Mataram dans le centre de Java. Au début du xe siècle, les sites du centre de Java sont abandonnés au profit de la région est de l’île. Le xive siècle voit l’essor d’un nouvel État, le Majapahit, qui, sous le règne d’Hayam Wuruk (1350-1389), établit sa souveraineté sur la plus grande partie de l’Indonésie et de la Malaisie.
5.2 | La conversion à l’islam |
L’introduction de l’islam débute au xive siècle. Si, dès la fin du xiiie siècle, des petits royaumes islamisés existaient dans le nord de Sumatra, le premier souverain musulman connu dans cette région est le sultan Malik al-Saleh, de Pasai. Propagée à l’origine par des marchands venus du sud de l’Inde et du Gujarat, la nouvelle religion se répand d’abord lentement jusqu’à ce que l’expansion du sultanat de Melaka, sur la côte ouest de la péninsule Malaise, lui donne son élan. Melaka devient le centre principal de diffusion de l’islam. Les princes marchands du nord de Java en viennent à diriger le commerce entre Melaka et l’est de l’archipel, et leur puissance croissante, tant commerciale que militaire, contribue à la disparition du royaume de Majapahit. L’hindouisme ne subsiste plus désormais qu’à Bali.
En 1511, les Portugais contrôlent Melaka, et dix ans plus tard la flotte de Magellan, mandatée par l’Espagne, atteint les Philippines. L’intrusion hispanique et lusitanienne modifie le schéma des échanges commerciaux dans l’archipel et renforce ou fait naître plusieurs sultanats musulmans, qui ouvrent ainsi d’autres routes commerciales.
Aceh, au nord de Sumatra, est le premier adversaire des Portugais de Melaka au xvie siècle. Sous le règne du sultan Iskandar Muda, Aceh contrôle tous les ports faisant le commerce du poivre à Sumatra, à l’exception de l’extrême sud, et son influence s’étend à certaines régions de la péninsule Malaise. Macassar (voir Ujung Pandang), dans le sud-ouest de Célèbes, se convertit à l’islam en 1603, et Bantam, successeur musulman du royaume hindou de Sunda, à l’ouest de Java, qui contrôlait le sud de Sumatra (et donc le détroit de la Sonde) constituent les deux autres États marchands à cette époque. À la fin du xvie siècle, le nouveau royaume musulman de Mataram émerge dans le centre de Java et commence à absorber un grand nombre des principautés maritimes de l’île.
5.3 | La colonisation hollandaise |
La Compagnie hollandaise des Indes orientales, fondée en 1602, lutte contre les Portugais et les Anglais pour s’emparer du commerce des épices de l’archipel. Le gouverneur général Jan Pieterszoon Coen fait de Batavia (aujourd’hui Jakarta) le quartier général des Hollandais et cherche à isoler le réseau commercial indigène des routes commerciales internationales. Le pouvoir hollandais se développe par une politique de coups de force et d’alliances avec les souverains locaux. Un bref conflit avec Mataram, en 1629, est suivi par une période de coexistence et, en 1678, Mataram cède la région de Preanger, dans l’ouest de Java, à la Compagnie.
5.4 | La formation des Indes néerlandaises |
En 1799, le privilège de la Compagnie n’est pas renouvelé. L’État néerlandais va exploiter directement ses possessions. Pendant les guerres napoléoniennes, Français et Britanniques se disputent le pouvoir. De 1811 à 1816, les Britanniques installent tous les comptoirs sous le contrôle de sir Thomas Stamford Raffles. Puis, par le traité de Londres (1824), le royaume des Pays-Bas reprend possession de sa colonie.
Les énormes dépenses occasionnées par la résistance du prince javanais Diponegoro, de 1825 à 1830, amènent les Néerlandais à annexer les principautés centrales javanaises. En 1830, le gouverneur Johannes Van den Bosch met en place un système de cultures forcées dans lequel les paysans doivent consacrer un certain pourcentage de leurs terres (officiellement un cinquième, mais souvent beaucoup plus) à la culture des plantes d’exportation définies par le gouvernement. Très profitable pour les Néerlandais, ce système provoque de grandes famines dans certaines régions de Java au cours des années 1840 et 1850, ainsi que de nombreuses révoltes.
À Sumatra, les Néerlandais, qui imposent leur autorité sur certaines zones de l’intérieur dès 1837, annexent les principautés côtières du nord-est en 1858. L’autorité coloniale en dehors de Java s’impose parfois de façon indirecte, par l’intermédiaire des sultans.
Une campagne des libéraux néerlandais contre le système de cultures forcées réussit vers les années 1870 à en faire disparaître les aspects les plus injustes. Par la suite, le pétrole, l’étain et le caoutchouc commencent à remplacer le café, le sucre et le tabac comme exportations principales vers l’Europe. Ces produits ne proviennent pas de Java mais de nouvelles régions annexées. Après une guerre de trente ans, Aceh est soumise en 1908, et Bali en 1909 ; à ce moment, Célèbes, les Moluques, les petites îles de la Sonde et la plus grande partie de Bornéo sont déjà passés sous le ferme contrôle des Pays-Bas.
5.5 | La naissance du nationalisme |
Au début du xxe siècle, les Néerlandais lancent une politique éthique qui vise à développer l’agriculture, les services sociaux et éducatifs, ainsi que les chemins de fer, les routes et les services maritimes entre les îles. Mais cette politique ne s’accompagne pas de réformes suffisantes, et quelques étudiants indonésiens éduqués à l’occidentale ainsi qu’un groupe plus restreint d’entrepreneurs commencent à se confronter à la classe marchande des Chinois, encore prédominante. Ces Indonésiens reprochent à la structure coloniale de leur refuser un rôle en rapport avec leur éducation ou leurs capacités.
Le premier moteur important du mouvement nationaliste anti-néerlandais est le Sarekat Islam (Union islamique), créé en 1912. Issu d’une association des marchands de batik, Sarekat Islam compte dès 1918 plus de 2 millions d’adhérents dans tout l’archipel. Une scission en son sein conduit à la création, en 1920, du Parti communiste indonésien, le premier parti communiste d’Asie.
À partir des années 1920, le mouvement nationaliste est dirigé par des chefs qui ne sont pas forcément musulmans, notamment Sukarno, un avocat de l’indépendance totale qui fonde le Partai Nasional Indonesia (Parti nationaliste indonésien ou PNI) en 1927. Malgré les arrestations et les exils de Sukarno (1929-1931, 1933-1942) et de Muhammad Hatta (1934-1942), malgré l’interdiction du PNI et des autres partis qui refusent de coopérer, le mouvement nationaliste conserve toute sa vigueur.
5.6 | L’occupation japonaise |
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Japonais envahissent et occupent les îles. D’abord accueillis en libérateurs, ils s’aliènent la population en réquisitionnant des centaines de milliers d’ouvriers, les romushas, dont beaucoup périssent de malnutrition et d’épuisement. Mais en 1943 le mouvement nationaliste profite des offres du gouvernement japonais, qui libère ses dirigeants. Sukarno et Hatta organisent alors un mouvement de masse, le Petara, qui diffuse les idéaux nationalistes. Les Japonais acceptent également la formation d’une milice nationaliste, la Peta, qui va former le noyau de la future armée indonésienne.
5.7 | La lutte pour l'indépendance après la guerre |
Le 17 août 1945, deux jours après la reddition du Japon, Sukarno et Hatta proclament l’indépendance de la République indonésienne dont ils deviennent président et vice-président. Lorsque les troupes britanniques débarquent sur les îles, à la fin de septembre, une administration républicaine fonctionne déjà. Quand les Britanniques se retirent, en novembre 1946, ils persuadent les Néerlandais et les républicains de signer l’accord Linggajati, qui reconnaît l’autorité de fait de la République à Java et Sumatra et prévoit la création d’une Indonésie fédérale.
Mais en juillet 1947, prétextant des violations de l’accord, les Néerlandais lancent une attaque contre la République, étendant leur contrôle sur les deux tiers de Java, les grandes plantations et les champs de pétrole de Sumatra. Des protestations aux Nations unies (ONU) aboutissent à la formation d’une commission de bons offices de l’ONU, qui préside à la signature des accords de Renville entre les deux parties. Un blocus néerlandais des territoires républicains provoque d’énormes problèmes économiques et ne fait qu’accroître le mécontentement populaire à l’égard de la politique de la République, qui négocie avec les Néerlandais au lieu de les attaquer militairement. Cet élément, parmi d’autres, provoque le soulèvement d’inspiration communiste manqué contre les dirigeants politiques à Madiun en septembre 1948.
En décembre 1948, ignorant les lignes de cessez-le-feu de l’ONU, les Néerlandais attaquent à nouveau la République, assiégeant sa capitale Yogyakarta, arrêtant et exilant la plupart de ses hauts dirigeants, y compris Sukarno et Hatta. Malgré les succès apparents de leur attaque initiale, la résistance de la guérilla républicaine et la pression de la communauté internationale forcent les Néerlandais à transiger. En 1949, lors d’une conférence à La Haye, ils acceptent de transférer la souveraineté sur la totalité de l’Indonésie, excepté la Nouvelle-Guinée occidentale, à la République fédérale des États-Unis d’Indonésie (RUSI) avant la fin de l’année.
5.8 | Le régime Sukarno |
Sukarno, face aux tentatives sécessionnistes appuyées par les Néerlandais à l’ouest de Java et à Aceh, à Célèbes et dans les Moluques, rétablit en août 1950 un État unitaire en Indonésie. Des élections générales à la fin de 1955 donnent un Parlement où aucun parti ne détient la majorité et où un seul, le Masjumi (musulman), peut revendiquer une audience significative en dehors de Java.
Le progressisme de Sukarno, qui souhaite intégrer le Partai Komunis Indonesia (PKI) dans le gouvernement, heurte les partis musulmans et l’armée. La désorganisation de l’économie, la corruption amènent Sukarno à proposer une « démocratie dirigée «, seule capable à ses yeux de refaire l’unité du pays. En février 1958, des militaires et des islamistes proclament, avec l’appui officieux des États-Unis, un gouvernement rival à Sumatra. Les forces de Jakarta les battent rapidement, mais la guérilla se poursuit jusqu’en 1961.
Pendant cette période (1959-1965), l’Indonésie poursuit une politique étrangère active, exigeant que les Néerlandais rendent Irian-Ouest (finalement restituée à l’Indonésie sous mandat de l’ONU en 1962) et s’opposant à la création de la Malaisie en 1963. Sur le plan interne, le déclin économique se poursuit ; l’armée et les communistes (PKI) devenant plus puissants, la tension augmente entre les deux groupes.
5.9 | L’arrivée au pouvoir de Suharto |
Le 30 septembre 1965, le lieutenant-colonel Untung et des officiers progressistes s’emparent de Jakarta. Six généraux sont assassinés, mais Sukarno refuse de soutenir le coup d’État. Le général Suharto, chef du commandement stratégique de l’armée, écrase la tentative de soulèvement, reprend le contrôle de l’armée et obtient du président Sukarno qu’il lui cède le pouvoir effectif en mars 1967. Alors que l’identité et les motifs des vrais instigateurs de la tentative de soulèvement demeurent controversés, l’armée n’a cessé de dénoncer la responsabilité du PKI.
À la fin de 1965, malgré les efforts de Sukarno pour calmer la situation, des unités de l’armée et des groupes musulmans, basés essentiellement dans les campagnes, organisent le massacre de plusieurs milliers de communistes et de sympathisants. Les estimations du nombre de victimes varient de 500 000 à 1 million de morts. Le PKI est interdit en mars 1966, et le gouvernement arrête des centaines de milliers de personnes accusées d’avoir participé à l’insurrection.
5.10 | Le Nouvel Ordre |
Prenant le contre-pied de Sukarno, le général Suharto recherche le soutien occidental. Le « Nouvel Ordre « de Suharto met fin à la confrontation avec la Malaisie et l’Indonésie et devient par la suite un participant, et un promoteur ardent, de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Ansea). Le gouvernement contrôlé par l’armée encourage les investissements étrangers directs et reçoit des prêts des pays occidentaux.
Les élections de 1971 font l’objet d’un strict contrôle et l’organisation gouvernementale Golkar obtient la plupart des sièges d’un Parlement au rôle purement consultatif. Golkar réalise de nouveau un score de 62 p. 100 des voix aux élections de 1977.
Une deuxième crise surgit lors de l’invasion, en décembre 1975, de l’ancienne colonie portugaise de Timor, que l’Indonésie annexe malgré la condamnation de l’ONU et du Portugal. Des organisations de défense des droits de l’homme estiment que près de 200 000 personnes ont été tuées par l’armée indonésienne après 1975. Le Fretilin (Front révolutionnaire pour l’indépendance du Timor-Oriental), très affaibli depuis la capture de son chef historique Xanana Gusmão, résiste cependant. Des tensions politiques permanentes dans cette région ont conduit à un massacre de manifestants partisans de l’indépendance, par l’armée indonésienne, en novembre 1991.
L’opposition la plus importante au régime de Suharto provient des groupes musulmans qui n’ont jamais accepté les tentatives de contrôle du gouvernement, et des étudiants, excédés par la corruption et la violation des droits de l’homme. En réaction à des manifestations étudiantes nombreuses au début de l’année 1978, le gouvernement renforce le contrôle des universités et de la presse.
Le plus grand danger à terme pour le régime est lié aux inégalités économiques et sociales croissantes, notamment le manque de terres chez les paysans javanais. Ces inégalités sont aggravées par l’augmentation de la population, malgré un programme réussi de limitation des naissances qui, à Java, contribue à freiner l’essor démographique. Néanmoins, la « génération de 1945 «, issue de l’armée et vieillissante, monopolise le pouvoir et semble vouloir le conserver. Le Parlement réélit plusieurs fois Suharto, candidat sans opposition, et élargit ses pouvoirs. Toujours candidat unique, Suharto est réélu en mars 1988 puis à nouveau en mars 1993, pour la sixième fois consécutive.
Une opposition modérée émerge, à partir de 1996, amplifiée les années suivantes par la crise alimentaire et financière. Les réformes imposées par le FMI, dont le plan de sauvetage met à mal le « nationalisme économique «, constituent un sérieux revers pour le régime de Suharto, qui connaît sa plus grave crise. En mai 1998, dans un contexte de manifestations étudiantes et d’émeutes, l’opposition s’organise autour d’Amin Raïs et de Megawati Sukarnoputri, fille de Sukarno. Réélu en mars 1998, Suharto est contraint de démissionner deux mois plus tard, après trente-deux ans passés au pouvoir.
Jusuf Habibie le remplace mais, face à la pression des étudiants, il doit faire des concessions dans le sens de la démocratie : nombre de mandats présidentiels consécutifs réduit à deux, élections libres en 1999, plus grande autonomie des régions. Les partis politiques sont autorisés à se constituer librement à la condition de respecter les cinq principes de base (Pancasila) de l’idéologie de l’État indonésien. Face au Golkar, parti jusqu’alors dominant, figurent surtout trois forces politiques d’obédience musulmane, qui passent un pacte d’union : le Parti démocratique d’Indonésie (PDI) de lutte de Megawati Sukarnoputri, le Parti du mandat national d’Amien Raïs et le Parti du réveil de la nation d’Abdurrahman Wahid.
Parallèlement, l’archipel est le théâtre de violences et d’affrontements entre communautés ethniques et religieuses, notamment à Jakarta, à Ambon dans les Moluques, dans l’ouest de Java (musulmans contre chrétiens) et à Kalimantan dans l’île de Bornéo (Malais contre minorité d’origine maduraise). Des mouvements sécessionnistes se manifestent à Aceh dans l’île de Sumatra, et en Irian Jaya. Au référendum d’août 1999, les Est-Timorais, rejetant l’offre « d’autonomie spéciale « proposée par l’Indonésie, se prononcent pour l’indépendance du Timor-Oriental, ce qui provoque une vague de terreur perpétrée par les extrémistes anti-indépendantistes et l’armée indonésienne.
5.11 | Un gouvernement d’unité nationale |
Les élections législatives, qui se tiennent en juin 1999 dans un contexte de crise économique aiguë, sont remportées par le PDI (33,7 p. 100). Celui-ci devance le Golkar (22,4 p. 100), au pouvoir depuis trente ans. En octobre 1999, le dirigeant musulman Abdurrahman Wahid, dit « Gus Dur «, est élu président et Megawati Sukarnoputri, son alliée politique, vice-présidente. Cherchant à réduire le rôle politique de l’armée, le président forme un gouvernement « d’unité nationale « chargé de redresser l’économie et de lutter contre la corruption. Celui-ci entérine l’indépendance du Timor-Oriental, provisoirement placé sous gestion onusienne — le territoire accèdera officiellement à l’indépendance en mai 2002. Une série de procès ou d'enquêtes visant la hiérarchie militaire débute alors. En février 2000, le général Wiranto, ministre de la Sécurité et des Affaires politiques et sociales, est suspendu, en attente des résultats de l’enquête concernant les exactions commises au Timor par l’armée. Le procès de l’ancien président Suharto, accusé de corruption, s’ouvre au mois de septembre, mais, alors que les avocats de la défense présentent un document attestant qu’il n’est pas en état de comparaître en raison de problèmes neurologiques, le tribunal de Jakarta abandonne les poursuites — la famille Suharto sera cependant rattrapée par la justice en juillet 2002, avec la condamnation à quinze ans de prison du fils cadet de Suharto, accusé d’avoir commandité le meurtre du juge qui l’avait condamné pour corruption.
Lors de la session annuelle de l’Assemblée consultative du peuple (MPR), la gestion du président Abdurrahman Wahid fait l’objet de nombreuses critiques et des tentatives sont faites pour réduire son rôle. Celui-ci est amené à faire des concessions — prolongation jusqu’à 2009 au lieu de 2004 de la représentation (38 sièges) des militaires au sein du MPR ; devoir reconnu à l’armée de défendre « l’intégrité nationale « et amendement à la Constitution mettant à l’abri de poursuites les responsables d’exactions pendant la dictature. Le 22 août, il confie par décret présidentiel la gestion du cabinet à Megawati Sukarnoputri et un nouveau gouvernement est formé. Cette grave crise politique se poursuit avec, en février 2001, une menace de destitution à l’encontre du président Wahid, accusé de corruption. Son isolement croissant contribue à renforcer la position de l’armée face aux mouvements séparatistes, à Aceh comme en Irian Jaya. Alors qu’un accord de cessez-le-feu entre les mouvements séparatistes d’Aceh et l’Indonésie a été signé en mai 2000 mais n'a jamais été respecté, la situation continue de se dégrader. En Irian Jaya, les Papous déclarent unilatéralement leur indépendance (juin 2000). Policiers et soldats sont envoyés en renfort dans cette province, dont les richesses minières financent l’Indonésie.
La situation politique se dégrade rapidement. Les revendications indépendantistes prennent de l’ampleur (grande manifestation à Aceh en novembre 2000), tandis que les affrontements ethnico-religieux et les attentats se multiplient. À partir de février 2001, le président Wahid est suspecté d’être impliqué dans deux scandales financiers. De violentes manifestations opposent ses détracteurs et ses partisans, tandis que l’Assemblée nationale le censure à deux reprises. Finalement, le 23 juillet 2001, Wahid est destitué à l’unanimité par le Parlement, pour « violation des principes fondamentaux de l’État «. Megawati Sukarnoputri, vice-présidente, lui succède aussitôt.
5.12 | La présidence de Megawati Sukarnoputri (2001-2006) |
Âgée de cinquante-quatre ans, Megawati Sukarnoputri est la fille aînée du premier président de la république d’Indonésie, Sukarno. Surnommée « Mega « ou « la mère du peuple «, elle est la personnalité la plus populaire du pays, même si certains critiquent son immobilisme. Elle bénéficie par ailleurs du soutien de la quasi-totalité de la classe politique, ainsi que de celui des pays voisins et occidentaux. Les principaux dossiers auxquels elle doit faire face concernent la relance de l’économie ainsi que les séparatismes locaux et religieux qui menacent l’intégrité de l’État.
Après les attentats du 11 septembre 2001, Megawati Sukarnoputri est le premier chef d’État d’un pays musulman à se rendre aux États-Unis en signe de solidarité. L’Indonésie devient à son tour la cible d’une vague d’attaques terroristes islamistes, principalement dirigées contre les occidentaux et perpétrées par la Jemaah Islamiyah (un réseau régional lié à Al Qaida), dont la plus meurtrière tue plus de 200 personnes (dont 90 touristes australiens) dans une boîte de nuit de Bali, en octobre 2002. Sous la pression des États-Unis, qui souhaitent voir l’Indonésie se consacrer à la lutte contre le terrorisme international, le gouvernement indonésien signe en décembre 2002 un accord de paix avec les séparatistes de la province d’Aceh, qui prévoit le désarmement du mouvement séparatiste contre la tenue d’élections. Les violences perdurent cependant sur le terrain et aboutissent en mai 2003 à l’établissement de la loi martiale et à la reprise de la guerre. Tandis que le pays est toujours confronté aux tensions religieuses et communautaires — aux Moluques, aux Célèbes et en Irian Jaya —, le terrorisme islamiste continue de frapper : en août 2003, puis en septembre 2004, deux explosions à la voiture piégée à Jakarta font respectivement 14 et 9 morts. À l’instar des autres pays d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie doit en outre faire face à plusieurs crises sanitaires : cas de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002, épidémie de grippe aviaire et de dengue début 2004.
Étape importante dans la progression du pays sur la voie démocratique, des élections générales se déroulent en avril 2004, les deuxièmes depuis la chute de Suharto, en 1998. Plus de 147 millions d’électeurs sont appelés à choisir, parmi 24 partis en lice, les 550 députés de l’Assemblée nationale, ainsi que les 128 membres de la nouvelle assemblée régionale et leurs représentants au niveau des provinces et des districts. Le scrutin législatif inflige à la présidente Megawati un sérieux revers électoral. Son parti, le PDI-P, remporte 18,5 p. 100 des suffrages (contre 33,7 p. 100 en 1999), et recule de 154 à 109 sièges, tandis que le Golkar, le parti de l’ancien dictateur Suharto, sort vainqueur avec près de 21,6 p. 100 des suffrages, soit 128 sièges.
5.13 | La présidence de Susilo Bambang Yudhoyono |
En septembre 2004, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel direct, Megawati Sukarnoputri est largement battue au second tour par Susilo Bambang Yudhoyono (60,62 p. 100 des suffrages), leader d’une nouvelle formation politique, le Parti démocrate (PD). Cet ancien ministre de la Sécurité de la présidente Megawati et général à la retraite, communément appelé SBY, a connu une ascension fulgurante. Originaire de Java (à l’instar de plus de la moitié de la population indonésienne), il bénéficie d’une grande popularité en raison de son charisme, de son intégrité et de sa réputation de réformateur. Il s’engage à en finir avec la corruption, à lutter contre le terrorisme et à relancer l’économie.
Le 26 décembre 2004, à la suite d’un très violent séisme sous-marin (magnitude 9 sur l’échelle ouverte de Richter) survenu au large de l’île de Sumatra, un tsunami d’une rare ampleur dévaste les côtes de l’océan Indien. La province d’Aceh, déjà en proie aux violences séparatistes, est tragiquement touchée : son chef-lieu Banda Aceh, ainsi que de nombreux centres de la côte occidentale, disparaissent littéralement sous la force des vagues. Compte tenu de la difficulté d’accès à certaines zones, un bilan exact des décès est presque impossible à établir. Quelques mois après le passage du tsunami, l’Indonésie déplore plus de 170 000 morts ou disparus, sur un nombre total de victimes estimé à plus de 230 000. Largement couverte par les médias, cette catastrophe naturelle déclenche un élan de solidarité internationale, publique et privée, sans précédent. Rendant impossible la poursuite des combats dans la province d’Aceh, elle pousse aussi le gouvernement et les rebelles indépendantistes à négocier une pacification indispensable à la reconstruction. Le 15 août 2005, un accord de paix est signé à Helsinki (Finlande), qui prévoit le retrait partiel de l’armée indonésienne et le désarmement des rebelles. Ces derniers renoncent en outre à l’indépendance en contrepartie de la création d’une autonomie locale (qui doit leur permettre notamment de gérer 70 p. 100 des ressources naturelles de la province) et de la constitution de partis politiques locaux.
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