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Incidis in Scyllam, cupiens vitare Charybdim

Publié le 03/01/2022

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« Jncidis in Scyllam, cupiens vitare Charybdim Tomber en Scylla en voulant éviter Charybde Ce vers célèbre, répertorié par Walther 12189, est emprunté à un poète du quatorzième siècle, Gautier de Châtillon (Alexandreis, 5, 301 ), et il correspond parfaitement à l'adage grec T~v Xcipup6Lv ÈK4>vywv Tfj IKuÀÀIJ tr€pLf1TECJEV, attesté par Apostolius ( 16, 49).

Cette sentence fait allusion à un passage maritime particulièrement dangereux pour les marins, le détroit de Messine, où les navires avaient à éviter deux dan­ gers : les tourbillons de la côte sicilienne (Charybde) et le récif de la côte calabraise (Scylla); dans l'imaginaire populaire Charybde devint un monstre qui engloutissait tout (et sur le plan proverbial, il dési­ gnait une personne extrêmement vorace, tant au sens propre qu'au ;ens figuré, cf.

par exemple, Aristophane, les Cavaliers, 248 ; A lciphron, Ep., 1, 6 ; Cicéron, Philippiques., 2, 27, 6 7 ; De oratore, 3, 41.

163 et Horace, Carm., 1, 2 7..

19 [ où l'appellation désigne une tèmme qui fait souffrir son amant]), et Scylla était représenté comme un être mi-femme, mi-animal (Charybde et Scylla sont ainsi cités aux côtés d'autres monstres par Anaxilas, fr.

22, 4 K.-A.).

Ce passage maritime dut également sa célébrité à Homère, car Ulysse dut affron­ ter les dangers de ce détroit dans l'Odyssée ( cf.

12, 85 sq.

), détroit qui tinit par désigner de façon topique une situation particulièrement délicate, un état précaire et dangereux entre deux périls présentant autant de risques l'un que l'autre (cf.

par exemple, Libanios., Ep., 746 [ 10, 673, 12 sq.

Fôrster] ; Grégoire de Nazianze, Carm., 61, 148 ; Or., 3, 92 D.

; Eustathe, Opuscula, 305, 80-83 ; Excerpta poetica, in Anecdota Parisiensia, 4, 288, 1).

Mais l'expression de Gautier de Châtillon connaissait déjà des précédents dans la littérature antique; cf'".

par exemple, Cicéron, ln Jlerrem actio secunda, 5, 56, 146; Virgile, Enéide, 3., 420-423 : saint Jérôme, Ep., 14, 6 ; 125, 2 ; 130, 7 ( notre expression, comme chez d'autres auteurs chrétiens, désignant deux péchés.

aussi graves l'un que l'autre, même s'ils caractérisent deux attitudes opposées).

Parfois, notamment chez Salvien, De gi,bernatione Dei, S, 11 (PL 53, 107b), Charybde et Scylla ne dési­ gnent pas un dilemme plus ou moins dramatique, mais une situation particulièrement périlleuse.

Erasme (Adagio, 1, 5, 4) traduit l'expres­ sion d' Apostolius par Evitata Charybdi in Scyllam incidi, et après une longue énumération d'occurrences classiques., il cite également le 'ers de Gautier de Châtillon, en précisant qu'il s'agit d'une variante en latin vulgaire mais sans citer son auteur.

La fur111ule latine la plus usitée de nos jours est Jncidit in Scy/lam qui vult vitare Charybdim (que l'on retrouve, notamment dans une épigramme de John Owen [ 36 ], dans une lettre du 22 septembre 1822 de Charles Lamb [291] et dans un écrit de Georgij Valentinovii Plechanov datant de 1898 [ C,,nrad Schmidt gegen Karl Marx und Friedrich Engels]) ; toutes les langues européennes possèdent des équivalents de notre sentence latine, mais sans inverser l'ordre des écueils comme nous le faisons en français (cf.

notamment en italien Cader di Sei/la in Cariddi, en fran­ çais Tomber de Charybde en Scylla ; cf.

Lacerda-Abreu 99).

Bien qu'aujourd'hui les marins n'éprouvent guère de difficultés à traverser le détroit de Messine, le récit de l'Odyssée a suffisamment agi sur les mentalités pour que l'expression reste toujours vivante.

Pat 111i les reprises littéraires, citons un passage des Colloquiafamiliaria d'E~me (dans I' 1x8VOayia) sur l'importance plus ou moins grande du pouvoir des prêtres; quelques passages de Rabelais (4, 20; 5, 18); la morale d'une fable de La Fontaine (5, 6); un passage du Marchand de Venise de Shakespeare (3, 5); un autre des Mémoires de Giacomo Girolamo Casa~ova (2, 81) ; la variante défonnée de Balzac dans Splendeurs et misères des courti.sanes (5, 842): Je suis retombée à un banquier, de Caraïbe en Syllabe : sans oublier un chapitre de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo qui s'intitule De Charybde en Scylla (2, 1 ).. »

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