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«Il faut peindre d'après nature » (MOLIÈRE)

Publié le 15/05/2020

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« «Il faut peindre d'après nature » (MOLIÈRE) Sens et portée de la formule.

— La discuter s'il y a lieu. Introduction. L'opposition du goût précieux, ami de l'extraordinaire héroïque ou burlesque, au goût classique, ami du naturel, s'estmanifestée dès les premiers succès de Molière.

Dans la « Critique de l'Ecole des Femmes » Molière oppose la tragédiecornélienne, telle qu'il la voit, — et il la considère comme étant aussi invraisemblable qu'un roman de Mlle de Scudéry! — à sa propre comédie : « Ce sont des portraits peints à plaisir (ceux de la tragédie) où l'on ne cherche point deressemblance...

Mais lorsque vous peignez les hommes, il faut peindre d'après nature.

» Laissons de côté la critiquede Corneille, sommaire et injuste pour des raisons de polémique, et examinons le sens et la portée de la dernièreformule. 1.

— Sens exact. Molière ne veut pas de cas particulier extraordinaire, pas d'individualité marquée, pas d'héroïsme surtout qui, commecelui d'Horace, est « hors de l'ordre commun ».

Outre que, moralement, l'héroïsme fait le jeu des rigoristes, — lesennemis du théâtre au XVIIe siècle ! —- littérairement, il peut donner à l'auteur la tentation de donner libre cours àune imagination incontrôlée, l'entraîner à « laisser le vrai pour attraper le merveilleux ».

Molière, au contraire, veut «toucher aux mœurs sans toucher aux personnes...» « représenter les défauts des hommes et surtout ceux de notresiècle ».

C'est donc sur l'observation que Molière veut fonder l'art dramatique, et plus spécialement sur la recherched'une vérité humaine d'ordre général, c'est-à-dire sur le vraisemblable. 2.

— Portée de la formule. La formule de Molière réclame donc pour l'œuvre dramatique un fondement réaliste et vraisemblable.

Elle se tourneravers la peinture des mœurs et la création d'un héros qui ne soit pas « hors de l'ordre commun », c'est-à-dire vers lacréation du type : à l'aide de nombreux traits observés sur plusieurs avares, l'auteur se livrant à un travail desynthèse, crée l'avare-type, où tous les avares peuvent se reconnaître (tel est le sens du « miroir public » dontparle Molière), mais uniquement en tant qu'avares, non en tant que « personnes », Harpagon ou Grandet.

Toutefois,comme on ne saurait mettre en scène qu'un avare concret, et non pas l'avarice abstraite, l'auteur doit individualiserle type, sans recourir pour autant à un cas particulier précis, mais en prenant toujours les éléments de son portraitdans la vie. Prenons l'exemple de Molière. 1.

— Observations des mœurs. Classes sociales, travers d'époque, langage (Cf.

L.

et M.

XVIIe siècle, p.

194).

Insister sur le détail pris sur le vif(Dom Juan ne payant pas ses dettes...

- Questions d'actualité : préciosité, fausse dévotion...

- Thomas Diafoirusqui n'admet pas la circulation du sang...

- Silhouettes du siècle, comme celle des médecins.

- Expressionssavoureuses : Nicole, dans le « Bourgeois Gentilhomme » : « Cela est vrai.

Nous avons le fils du gentilhomme denotre village qui est le plus grand malitorne et le plus sot dadais que j'aie jamais vu »).

2.

— Création de types vivants. — Création de types...

: Cf.

les titres : « L'Avare », « Le Bourgeois Gentilhomme », « Le Misanthrope », « Le MaladeImaginaire » et même « Le Tartuffe », etc.

d'une vérité éternelle, car foncièrement non conçus « hors de l'ordre commun ». — ...vivants.

Impression de vie donnée par les personnages de Molière (N.

B.

Cela se sent plus que cela ne seprouve) malgré le grossissement dû à l'optique théâtrale.

Ce qui, semble-t-il, contribue particulièrement à rendre lespersonnages vivants c'est : 1° leur complexité...

encore que la manie exerce une influence simplificatrice considérable.

Ex.

: Dom Juan « grandseigneur méchant homme » : belles manières, ascendant, sens de l'honneur, ne paye pas ses dettes, libertinmoralement et intellectuellement, cruauté, hypocrisie.

- Argan : malade imaginaire, c'est-à-dire douillet et naïf.

C'estaussi un bourgeois qui vérifie les comptes de son apothicaire, qui aime ses enfants, et qui sait interroger Louison.

Lacomplexité va jusqu'à la contradiction, si normale dans notre pauvre nature ; il reste du mystère dans certains cas :Dom Juan, Alceste...

sont troublants. 2° leur variété.

Deux avares se ressemblent en tant qu'avares, non sous les autres rapports.

De même on observerapar exemple la variété des servantes de Molière (Martine, Dorine, Toinette...) de ses prudes (Mme Pernelle, Arsinoé,Cléanthis...). Ainsi les types de Molière ont un passé, une situation sociale précise, des traits de caractère à eux : ce sont des. »

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