Humboldt, Voyage dans l'Amérique équinoxiale (extrait)Publié sous le titre original de Voyage aux régions équinoxales du nouveau continent fait de 1799 à 1804, le récit que fait Humboldt de son exploration de l'Amériqueespagnole est le produit d'un esprit encyclopédique.
Publié le 18/05/2020
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Humboldt, Voyage dans l'Amérique équinoxiale (extrait)
Publié sous le titre original de Voyage aux régions équinoxales du nouveau continent fait de 1799 à 1804, le récit que fait Humboldt de son exploration de l’Amérique espagnole est le produit d’un esprit encyclopédique.
Outre une description méthodique et très complète de la géographie et de la nature, Humboldt livre une analyseremarquable de la société coloniale espagnole, précieuse pour les historiens et les anthropologues.
Considérant que « l’esclavage est sans doute le plus grand de tous lesmaux qui ont affligé l’humanité […] », il s’attache tout particulièrement à retracer les méthodes d’exploitation des colonisés.
Voyage dans l’Amérique équinoxiale d’Alexander von Humboldt (chapitre II, extrait)
L’esclavage des Indiens
D’après les lois, il n’existe point d’Indiens esclaves dans les colonies espagnoles.
Cependant, par un abus singulier, deux genres de guerre, très différents enapparence, donnent lieu à un état qui ressemble beaucoup à celui de l’esclave africain.
Les moines missionnaires de l’Amérique méridionale font de temps en tempsdes incursions dans les pays occupés par de paisibles tribus d’Indiens, que l’on appelle sauvages (Indios bravos), parce qu’ils n’ont pas encore appris à faire le signe de la croix comme les Indiens également nus des missions (Indios reducidos). Dans ces incursions nocturnes, dictées par le fanatisme le plus coupable, on se saisit de tout ce que l’on peut surprendre, surtout des enfants, des femmes et des vieillards.
On sépare sans pitié les enfants de leurs mères, pour éviter qu’ils ne se concertentsur les moyens de s’enfuir.
Le moine qui est le chef de cette expédition distribue les jeunes gens aux Indiens de sa mission qui ont le plus contribué au succès desentradas. À l’Orénoque et aux abords du Rio Negro portugais, ces prisonniers portent le nom de poitos ; ils sont traités comme des esclaves jusqu’à ce qu’ils soient dans l’âge de se marier.
C’est le désir d’avoir des poitos et de les faire travailler pendant huit ou dix ans qui porte les Indiens des missions à exciter eux-mêmes lesmoines à ces incursions ; les évêques ont généralement eu la sagesse de les blâmer, comme des moyens de rendre odieux la religion et ses ministres.
Au Mexique, lesprisonniers faits dans la petite guerre qui est presque continuelle sur les frontières des provincias internas éprouvent un sort bien plus malheureux que les poitos.
Ces prisonniers, qui sont généralement de la nation indienne des Mécos ou Apaches, sont traînés à Mexico, où ils gémissent dans les cachots d’une maison de force (la Cordada). L’isolement et le désespoir augmentent leur férocité.
Déportés à la Vera-Cruz et à l’île de Cuba, ils y périssent bientôt comme tout Indien sauvage que l’on transporte du haut plateau central dans les régions les plus basses, et par conséquent, les plus chaudes.
On a eu des exemples récents que ces prisonniers mécos,échappés des cachots, ont commis les cruautés les plus atroces dans la campagne voisine.
Il serait bien temps que le gouvernement s’occupât de ces malheureux dontle nombre est petit et dont il serait d’autant plus facile d’améliorer le sort.
[…]
Source : Humboldt (Alexander von), Voyage dans l’Amérique équinoxiale, Paris, Librairie François Maspero, 1980.
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